Pérou : une motion de vacance déposée contre la présidente, qui appelle à une «trêve nationale»
Les tensions ne faiblissent pas au Pérou. La mobilisation se poursuit dans la capitale ainsi que dans les campagnes. Une motion de vacance a été déposée contre la présidente pour dénoncer sa gestion des forces de l'ordre.
La mobilisation bat son plein et ne faiblit pas au Pérou, où une journée nationale de protestation et des marches ont eu lieu le 25 janvier dans de nombreuses villes du pays. La présidente Dina Boluarte, cible des manifestants qui demandent sa démission, avait appelé la veille à une «trêve nationale» alors qu'à Lima, une nouvelle grande manifestation réclamant son départ a été le théâtre d'affrontements violents.
Plusieurs milliers de protestataires venus des régions andines, souvent pauvres, ont défilé dans le centre de la capitale, munis de drapeaux péruviens et aux cris de «Dina assassine», en référence aux dizaines de personnes tuées depuis le début de la contestation en décembre.
Des dénonciations appuyées par des parlementaires, qui ont déposé une «motion de vacance» contre la présidente Dina Boluarte. Le document, qui a pour but de dénoncer la vacance du pouvoir «pour incapacité morale permanente», a le soutien de plus de 20 membres du Congrès, qui en compte 120.
57 personnes mortes par usage excessif de la force
Il s'agit pour eux de dénoncer la gestion présidentielle des forces de l'ordre qui font, selon les signataires, un usage excessif des armes contre les citoyens qui manifestent dans tout le pays pour exiger la démission de la présidente, la libération de Pedro Castillo et une assemblée constituante. «Notre pays est saigné à blanc par la mauvaise gestion du gouvernement et des forces de l'ordre dirigées par madame Boluarte, puisqu'à ce jour 44 personnes sont mortes [57, selon l'ombudsman] à la suite de l'usage excessif des armes contre les Péruviens», lit-on dans le document, comme le rapporte le quotidien La Gestion.
Selon l'AFP, les pénuries et l'inflation s'aggravent dans plusieurs régions du sud du pays en raison des nombreux barrages routiers dressés par les manifestants, de nouveaux affrontements ayant éclaté le 25 janvier pendant la journée nationale de protestation, alors que la crise est entrée dans sa sixième semaine. Dans la matinée, plusieurs dizaines de manifestants se sont en outre rassemblés dans le calme devant l'ambassade des Etats-Unis à Lima pour protester contre le soutien de Washington au gouvernement de Dina Boluarte. «Nous sommes le peuple, pas des terroristes», ont clamé les protestataires.
Les manifestants, et par la même occasion l'ancien président Pedro Castillo, ont reçu le soutien de plusieurs dirigeants latino-américains. Le gouvernement Boluarte a notamment protesté le 25 janvier auprès de l'ambassadeur du Chili à Lima après des déclarations du président chilien Gabriel Boric lors d'un sommet latino-américain à Buenos Aires, lequel a affirmé que les manifestants au Pérou «se font tirer dessus par ceux qui devraient les défendre».
Les violences ont également été dénoncées par le président colombien Gustavo Petro, la présidente hondurienne Xiomara Castro et le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador. Les trois dirigeants ont également appelé à la libération de Pedro Castillo, «illégitimement détenu», selon eux.
Agradezco al hermano @lopezobrador_ por su solidaridad con el pueblo peruano. Más pronto que tarde, estaremos junto a nuestros hermanos y hermanas, construyendo un país lleno de esperanza. pic.twitter.com/1wwKLEeMQP
— Pedro Castillo Terrones (@PedroCastilloTe) January 25, 2023
Les troubles ont commencé au Pérou le 7 décembre, après la destitution et l'arrestation du président socialiste Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir et qui avait, par deux fois déjà, essayé de le destituer en moins d'un an et demi de pouvoir. Dina Boluarte, son ancienne vice-présidente et colistière aux élections de 2021, l'a remplacé conformément à la Constitution mais est considérée comme «une traîtresse» par les manifestants.
Cette crise reflète notamment l'énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres, qui soutenaient Pedro Castillo et voyaient son élection comme une revanche sur ce qu'elles considèrent être le mépris de Lima.
A l'ONU, le gouvernement de Boluarte se défend
Devant le Conseil des droits de l'homme (CDH) à Genève, la situation a été abordée dans le cadre de l'examen périodique universel du Pérou, un processus auquel sont soumis environ tous les quatre ans les pays membres de l'ONU. Le gouvernement de Dina Boluarte a saisi cette occasion pour tenter de défendre sa politique. «Nous sommes convaincus que nous agissons de manière appropriée pour défendre la démocratie et les droits humains», a déclaré le ministre de la Justice José Andrés Tello, dans une allocution vidéo, assurant que son pays faisait face à une «situation complexe».
Il a accusé les manifestants de violences et a insisté sur le fait que les mesures prises pour rétablir l'ordre public l'avaient été dans le plein respect des obligations constitutionnelles et internationales. L'ambassadeur péruvien auprès des Nations unies à Genève, Luis Chuquihuara Chil, a quant à lui assuré que le Pérou respectait «les manifestations pacifiques» et que les forces de sécurité œuvraient au rétablissement de «la paix sociale». Il a également déclaré que le gouvernement s'engageait à enquêter sur toute forme d'abus.