Entre soutiens étrangers et aval des partis traditionnels, la présidence libanaise dans l'impasse

Entre soutiens étrangers et aval des partis traditionnels, la présidence libanaise dans l'impasse© Ibrahim AMRO Source: AFP
Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, ouvre la première session pour élire un nouveau président à Beyrouth, le 29 septembre 2022 (image d'illustration).
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Alors que le Liban est sans président depuis le 31 octobre, les partis politiques nationaux n'arrivent pas à se mettre d'accord sur un candidat, les aspirants à la magistrature suprême devant se plier à certaines exigences locales et régionales.

Un mois après le départ de Michel Aoun du palais présidentiel de Baabda, le Liban est toujours dans l'incertitude politique : aucun candidat ne se démarque et les blocages continuent. 

Ce 2 décembre a lieu la huitième session pour élire un nouveau président de la République. Les sept précédentes s'étaient soldées par l'absence de majorité. Compte tenu des blocages et de l'absentions de certains partis traditionnels, malheureusement pour le Liban les sessions se multiplient et se ressemblent.

Selon la constitution libanaise, le président doit obligatoirement être issu de la communauté maronite (chrétien de rite oriental) et n'est élu que par les députés du Parlement. 

Outre cette vacance du pouvoir, le pays du Cèdre est toujours plongé dans une crise multidimensionnelle. Entre la chute vertigineuse de la livre libanaise, l'inflation galopante, la raréfaction des produits de première nécessité, l'insolvabilité des banques, la crise de confiance envers les élites et la paupérisation de tous les pans de la société, les candidats ont du pain sur la planche. 

Mais compte tenu du système électoral libanais, le but des aspirants au trône présidentiel n'est pas tant de convaincre le peuple mais plutôt d'avoir les bonnes grâces des partis traditionnels qui détiennent le réservoir des voix. Malgré cette situation périlleuse pour le Liban et en dépit de la perte des prérogatives du président libanais – les deux principales fonctions présidentielles étant la participation à la formation du gouvernement et la convocation et la direction du conseil supérieur de défense – plusieurs candidats se détachent du lot. 

Des candidats pro-Hezbollah mais critiqués par le peuple

Sans être officiellement candidat, Gebran Bassil est le nom qui est sous les projecteurs. Le chef du Courant patriotique libre (CPL) et gendre de Michel Aoun est la personnalité politique la plus clivante au sein de l'échiquier politique libanais. Conspué et détesté par une partie de la rue libanaise pour sa mauvaise gestion du ministère de l'Energie et de l'Eau entre 2009 et 2014, on lui reproche également sa soumission à l'égard de son principal allié politique le Hezbollah. En effet, lors de sa prise de fonction en tant que chef de la diplomatie libanaise entre 2014 et 2019, Gebran Bassil a défendu le mouvement chiite contre vents et marées. Il cristallisait également une grande partie des critiques lors du soulèvement populaire d'octobre 2019.

Ses accointances avec le parti pro-iranien lui ont d'ailleurs valu une mise au ban par Paris et Washington. L'Elysée l'avait boudé et la Maison Blanche avait imposé des sanctions financières à son égard. En effet, en raison de supposées affaires de corruption et de son alliance politique, en novembre 2020 le Trésor américain avait gelé tous ses avoirs à l'étrangers, l'avait interdit de se rendre sur le territoire américain et lui interdisait d'effectuer des transactions bancaires via des banques libanaises ou internationales. De surcroît, compte tenu de sa proximité avec le mouvement chiite, les pays du Golfe ne veulent pas entendre parler de lui. 

Afin de recevoir l'aval de plusieurs capitales, Gebran Bassil joue les émissaires. Après s'être rendu à Doha en début novembre, il était à Paris le 16 novembre pour tenter de récolter l'appui de la France. Il aurait rencontré Bernard Emié, directeur général de la Sécurité extérieure et ancien ambassadeur au Liban, Emmanuel Bonne, conseiller diplomatique du président et également ancien ambassadeur au Liban, et Patrick Durel, conseiller de l'Elysée pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Même si ce n'est pas encore officiel, Gebran Bassil a tout l'air de préparer sa candidature. Il pourra compter sur les voix de son parti le CPL, mais les doutes persistes sur les voix du tandem chiite Amal-Hezbollah. 

En effet, les deux partis chiites qui disposent d'un réservoir de voix conséquent n'ont pas encore fait leur choix. Plusieurs sources laissent à penser qu'ils seraient tentés par le candidat de Zghorta (ville du nord du Liban) Sleiman Frangié. Chef du parti chrétien de Marada, il ne dispose que d'un seul député mais peut compter sur une solide alliance avec la Syrie, il est lui-même très ami avec Bachar el-Assad. Or, pour une partie de la population un candidat aligné à Damas ravive les souvenirs de la tutelle syrienne sur le Liban. Son grand-père était lui-même un proche d'Hafez el-Assad. Son positionnement, en proximité avec l'axe irano-syrien le rend donc clivant pour la société libanaise.

Mais dans un Liban divisé, rare sont les candidats ou les hommes politiques qui plaisent à tout le monde. L'homme de Zghorta est irréconciliable avec le parti chrétiens des Forces libanaises de Samir Geagea qui ont participé au massacre de sa famille à Ehden en 1978, en plein cœur de la guerre civile libanaise. Pour le chef de Marada, ce n'est pas la première fois qu'il se présente aux élections présidentielles. Mais malgré des soutiens régionaux de poids, sa candidature et son passif ne réjouisse pas tout le monde. 

Une opposition adoubée par l'Occident

Le seul véritable candidat à ce jour est Michel Moawad, député de l'opposition qui espère obtenir les 86 voix nécessaires. Pour le moment, il n'en a récolté que 42. Fils d'un président de la République assassiné en 1989, francophone et francophile, il a fait ses études de droits à Assas. Egalement de Zghorta, cet homme politique connaît les rouages de la politique libanaise ainsi que les nombreux défis qu'il devra surmonter. Il peut compter sur le soutien du parti druze de Walid Jumblatt, des Kataeb et des Forces libanaises de Samir Geagea. L'ancien milicien a prévenu qu'il jetait son dévolu sur Michel Moawad. De ce fait, le chef de fil de l'opposition est par extension le favori des puissances du Golfe qui cherchent coûte que coûte un candidat qui puisse mettre des bâtons dans les roues du Hezbollah. Farouchement opposé aux armes du parti chiite, il est l'adversaire numéro 1 du mouvement pro-iranien.

Le parti d'Hassan Nasrallah lui reproche ses liens avec Washington et son double discours. En effet, Michel Moawad était dans une liste commune avec des députés du CPL allié du Hezbollah en 2018.

Autre nom qui revient souvent dans la presse, celui de Joseph Khalil Aoun, le général de l'armée libanaise. Le militaire jouit d'une popularité au sein de la société libanaise. L'armée, en tant qu'institution, est la seule représentation étatique à être appréciée par la majorité pour son côté aconfessionnel et apolitique. Sans être officiellement candidat, le général a déjà les étoffes d'un futur président. Reçu à l'Elysée en mai 2021 par Emmanuel Macron, il s'est en effet également rendu aux Etats-Unis en 2019 mais aussi en Arabie saoudite la même année. Washington espère faire de l'armée libanaise une sorte de contrepoids à l'hégémonie du Hezbollah au Liban. Or, même le parti chiite entretient le doute sur Joseph Khalil Aoun. Le mouvement pro-iranien l'a rencontré en novembre par l'intermédiaire Wafic Safa, responsable de l’unité de coordination du parti. 

Outre ces quatre têtes d'affiches, plusieurs candidats indépendants participent aux élections. Compte tenu de leur non appartenance à un parti traditionnel, leur chance d'arriver à la magistrature suprême est bien faible. 

Ce n'est pas la première fois que le Liban est confronté à une vacance du pouvoir. Avant l'élection du général Aoun en octobre 2016, le pays avait connu deux ans et demi de vide politique et 46 séances électorales. Une chose est sûre, au pays du Cèdre il ne peut y avoir de président sans accord préalable des voisins régionaux qui influent les affaires de Beyrouth, à l'instar de l'Iran, de l'Arabie saoudite et de la Syrie mais également des puissances internationales comme la France et les Etats-Unis.  

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