A l'instar de Ségolène Royal, Christiane Taubira se sent-elle comme l'une des potentielles femmes providentielles de la gauche pour la présidentielle de 2022 ? Invitée sur le plateau de Quotidien le 30 novembre, elle n'a pas écarté cette possibilité tout en restant vague, refusant «d'admettre que la présidentielle soit perdue pour la gauche». En fait, officieusement, elle y réfléchit «sérieusement».
«Elle discute très ouvertement des hypothèses», selon un de ses proches contactés par BFM TV le 6 décembre, qui la dit «animée par le sens du devoir». Parmi l'une de ces «hypothèses» probables, celle de se présenter à la «Primaire populaire», une plateforme soutenue par le militant controversé Samuel Grzybowski ou l'activiste écologiste Cyril Dion, et revendiquant plus de 260 000 soutiens au 11 décembre. Cette initiative a élaboré un programme politique pas forcément consensuel à gauche : sortir du nucléaire d'ici 2050, fonder une sixième République écologique, instaurer un revenu universel pour les jeunes ou encore poser la question du droit de vote à 16 ans. Cette «Primaire populaire» a mis en avant plusieurs candidats, qu'ils soient ou non favorables à cette plateforme, à travers un vote interne de 130 000 participants selon elle. Christiane Taubira y a été l'une des personnalités plébiscitées.
Pendant que les sondages demeurent peu flatteurs pour les prétendants officiels à gauche, Christiane Taubira semble en outre soutenue par un réseau de militants, désireux de profiter de la confusion dans ce bord-là. Selon Le Figaro, elle aurait même «proposé à ses jeunes aficionados, regroupés depuis plus d’un an dans le collectif Taubira pour 2022, de se transformer en une association : "Convergence, humanisme et territoires."» «L’acronyme "CHT" correspondant à ses initiales», rappelle le quotidien.
Christiane Taubira, un profil politique peu consensuel ?
Mais l'ancienne garde des Sceaux est-elle vraiment l'incarnation de l'espoir à gauche ? Rien n'est moins sûr, tant Christiane Taubira s'avère clivante du fait de son parcours politique. Ses adversaires, y compris de gauche, n'ont pas oublié ses premiers combats publics.
D'abord farouche partisane de l'indépendance de la Guyane dans les années 80, elle décide ensuite de lisser cet activisme puis fait ses premiers pas à l'Assemblée nationale en 1993 en votant la confiance pour le Premier ministre libéral de droite (RPR) Edouard Balladur lors de la cohabitation. Elle se rapproche ensuite de Bernard Tapie s'inscrivant sur la liste du Mouvement des radicaux de gauche (ex-Parti radical de gauche – PRG) pour les européennes de 1994. En 2002, elle reçoit le soutien du PRG et se lance dans la bataille de la présidentielle, défendant la «République protectrice des différences». Au premier tour, elle ne recueille alors que 2,32% des voix. Assez – selon certaines mauvaises langues – pour faire échouer le socialiste Lionel Jospin.
Sa carrière sera ensuite davantage marquée par son action au ministère de la Justice sous le quinquennat Hollande, durant quasiment quatre ans. Le «mariage pour tous» sera l'une de ses mesures phares, saluée par une bonne partie de la gauche. Mais son action en tant que garde des Sceaux aura clivé jusqu'au sein du gouvernement sur le sujet de la réforme pénale ou en raison de son opposition à l'extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux accusés de terrorisme. En janvier 2016, elle démissionne de son poste. Son successeur socialiste, Jean-Jacques Urvoas, ira jusqu'à confesser une «justice sinistrée» et «à bout de souffle».
Ensuite, Christiane Taubira va prendre parti pour des causes elles aussi discutables, notamment le combat d'Assa Traoré contre les violences policières. Elle sera aussi critiquée pour avoir été plus que discrète sur les lois les plus libérales du quinquennat Hollande comme la loi travail, surnommée Loi El-Khomri.
Dernièrement, sur la vaccination contre le Covid-19, Christiane Taubira a, à plusieurs reprises, évité de trancher, bottant en touche avant d'affirmer finalement le 30 novembre qu'elle considérait la vaccination comme étant «la meilleure réponse» face à la pandémie.
Il en ressort que, pour l'heure, sur son programme, à l'image de son parcours politique, aucune ligne politique claire ne permet de l'identifier. Au micro de Quotidien le 7 décembre, plusieurs députés de gauche, comme l'Insoumis Alexis Corbière, s'interrogeaient d'ailleurs sur l'éventuel programme de l'ancienne députée de Guyane : «Je ne sais pas sur l'Europe ce qu'elle pense, sur les institutions ce qu'elle pense, sur le social ce qu'elle pense, sur l'écologie ce qu'elle pense», avait ainsi confié le député de Seine-Saint-Denis.
Certaines sources, proches d'elle, affirment que Christiane Taubira devrait se positionner mi-décembre sur l'élection de 2022. Candidate, pas candidate ? Si oui, primaire, sans primaire ? L'ancienne ministre semble en tout cas voir d'un bon œil la «Primaire populaire» comme un processus légitimant l'union de la gauche, alors même que Yannick Jadot, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon y sont actuellement défavorables pour des raisons diverses. Ce nonobstant, si elle était désignée par ce biais, Christiane Taubira devrait logiquement reprendre les idées contestables de cette plateforme. Pas certain que cela rendra le candidat populaire et jupitérien auprès de la gauche.
Bastien Gouly