Mort d'Adama Traoré : les juges veulent un complément d'expertise médicale
- Avec AFP
Les juges d'instruction en charge de l'affaire Adama Traoré ont demandé un complément d'expertise médicale à l'aune de nouveaux éléments, notamment une maladie potentielle dont souffrait le jeune homme, décrit comme affaibli avant son décès.
Les juges d'instruction chargés de l'affaire Adama Traoré, mort en 2016 à l'issue de son arrestation par les gendarmes, ont ordonné un complément d'expertise médicale, les enquêteurs ayant recueilli de nouveaux témoignages et éléments médicaux, a appris le 17 juillet l'AFP d'une source proche du dossier.
Ce complément a été demandé le 30 juin aux quatre médecins belges qui avaient rendu en janvier un nouveau rapport, censé trancher la bataille d'expertises contradictoires au cœur de ce dossier érigé en symbole de la dénonciation des violences policières.
Les experts belges avaient conclu que la mort de ce jeune homme noir, le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan (Val-d'Oise), avait été causée, en ce jour de canicule, par un «coup de chaleur» qui n'aurait toutefois «probablement» pas été mortel sans son interpellation sous le poids des trois gendarmes. Depuis, les enquêteurs ont enfin pu interroger en mars un témoin direct, l'homme qui avait aidé Adama Traoré à s'échapper après une première interpellation.
«Adama était essoufflé. [...] Je n'ai pas l'habitude de le voir essoufflé, mais c'est vrai que là quand je suis intervenu, j'ai été un peu surpris de le voir fatigué», a déclaré cet homme, qui le connaissait depuis l'enfance. «C'est comme si son corps ne réagissait pas. [...] Pour moi, il était dans un état qui n'est pas habituel, il ne parlait pas», a raconté ce témoin.
Cet homme a ajouté qu'Adama Traoré était reparti «en marchant», ce qu'ont confirmé deux employés de la mairie, témoins de la scène. Le gendarme, qui s'était foulé la cheville dans la bagarre avec les deux hommes, ne l'avait pas poursuivi.
Les enquêteurs ont par ailleurs saisi le dossier d'Adama Traoré à la médecine du travail, réalisé lors de son embauche par une association d'insertion en 2014. Placé sous scellés et transmis aux experts, il n'a pas à ce stade été communiqué aux avocats, en raison du secret médical. Un arrêt de travail a également été retrouvé pour la période du 2 au 18 juin 2014, sans que le motif ne soit mentionné au dossier judiciaire.
Adama Traoré aurait souffert d'une maladie génétique et d'une pathologie rare selon de nouveaux éléments
Une ancienne conseillère de Pôle emploi a par ailleurs rapporté aux enquêteurs avoir été informée à l'époque qu'Adama Traoré, employé comme déménageur par l'association, «aurait été essoufflé et était susceptible de présenter des vertiges», selon une synthèse des enquêteurs. Selon cette femme, il aurait alors été transféré sur des chantiers de paysagisme. Mais parmi la quinzaine d'ex-responsables ou ex-travailleurs de l'association auditionnés ces derniers mois, aucun n'a confirmé ce motif de santé concernant le jeune homme, décrit comme «sportif», «costaud et musclé».
Les experts doivent dire d'ici au 31 août si ces nouveaux éléments ont «vocation à modifier» leurs conclusions initiales, qui évoquait aussi le rôle joué, «dans une plus faible mesure», par une maladie génétique et une pathologie rare dont souffrait Adama Traoré. Le dossier administratif des trois gendarmes a également été versé à la procédure. Il y est mentionné qu'ils ont bénéficié en 2019, pour l'interpellation d'Adama Traoré, d'une récompense pour services exceptionnels – une «citation sans croix à l'ordre du régiment» – accordée par le patron de la gendarmerie nationale.
Cette récompense «déshonore toute l'institution de la gendarmerie», a dénoncé l'avocat de la famille Yassine Bouzrou auprès de Mediapart, qui a dévoilé cette information le 16 juillet, à la veille de la marche annuelle en mémoire du jeune homme.