L'agrément de l'association anticorruption Anticor va-t-il être renouvelé par le gouvernement ?
- Avec AFP
L'association anticorruption Anticor, qui a notamment mis en cause des proches du chef de l'Etat, va-t-elle garder son agrément ministériel ? Plusieurs associations plaident pour un renouvellement. Jean Castex annoncera sa décision le 2 avril.
Après plusieurs mois d'incertitude, l'association Anticor saura le 2 avril si le gouvernement reconduit ou non son agrément qui lui permet d'agir dans des affaires judiciaires de corruption, après qu'elle a incriminé plusieurs proches d'Emmanuel Macron depuis 2017. Un décret du 24 mars 2014 impose aux associations anticorruption d'être agréées par le ministère de la Justice. Trois associations disposent de ce précieux sésame, renouvelable tous les trois ans : Sherpa, Transparency international et Anticor.
L'agrément d'Anticor, accordé en 2015 et reconduit sans difficulté en 2018, expirait le 15 février, mais a été prorogé au 2 avril, le temps de recevoir les réponses «aux questions complémentaires» posées par le gouvernement.
Parmi ces questions figure l'identité d'un important donateur, que l'association anticorruption, créée en 2002, a refusé de livrer en pointant la protection des données personnelles et un avis en ce sens de la Cnil le 1er février.
«Si nous devions nous contenter des cinq critères posés par le décret, il ne devrait pas y avoir de doutes» quant à la reconduction de l'agrément, estime Vincent Brengarth, l'un des avocats de l'association. Mais «il y a un contexte qui n'est pas favorable aux actions anticorruption».
Ces dernières années, l'association a saisi la justice sur plusieurs proches du président Macron : Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, Alexis Kohler, ancien secrétaire général de l'Elysée, et dernièrement le ministre de la Santé, Olivier Véran, pour «favoritisme» dans la gestion de l'application StopCovid.
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, lui aussi visé par une plainte d'Anticor, s'est déporté du dossier du renouvellement. Instruit par la Chancellerie depuis octobre après avoir été égaré, il est entre les mains du Premier ministre Jean Castex, qui a insisté sur l'«obligation de transparence» d'une association anticorruption.
Une lettre ouverte soutient le renouvellement
Plusieurs associations ont signé une lettre ouverte adressée au Premier ministre plaidant pour le renouvellement cet agrément.
🔴La décision concernant l'agrément anticorruption d'@anticor_org sera connue demain. La société civile, syndicats et associations, se mobilisent dans une lettre ouverte à@JeanCASTEX et demandent le renouvellement de cet agrément.#JeSoutiensAnticorhttps://t.co/39VHw24WR3
— Attac France (@attac_fr) April 1, 2021
Dans ce courrier, des associations, syndicats et organisations non-gouvernementales telles que Greenpeace, Sea Shepherd, Sherpa ou encore L214 font valoir : «Alors que le quinquennat d’Emmanuel Macron avait suscité l’espoir en se plaçant sous le signe d'une "moralisation de la vie publique", nous assistons aujourd’hui à la remise en cause de droits essentiels pour l’action de la société civile : liberté d’expression, liberté d’association, et maintenant le droit pour les organisations de la société civile engagées contre la corruption d’agir en justice. Le risque de non-renouvellement de l’agrément d’Anticor nous inquiète donc particulièrement car il s’inscrit dans un climat de défiance à l’égard des associations engagées en faveur de l’intérêt général et de la défense des libertés associatives.»
Crise de gouvernance chez Anticor
Mais la révélation par la presse de l'identité du généreux mécène d'Anticor a donné du grain à moudre aux détracteurs de l'association anticorruption sur «le caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment eu égard à la provenance de ses ressources», l'un des cinq critères. Hervé Vinciguerra, homme d'affaires ayant fait fortune dans les logiciels de gestion, a donné 89 000 euros à l'association entre 2017 et 2020. Proche d'Arnaud Montebourg, il détient des sociétés immatriculées à Singapour et au Luxembourg.
Un versement de ce donateur en 2018, juste avant la plainte de l'association contre Alexis Kohler, est apparu pour certains comme un «don fléché» visant à financer cette procédure.
«Je n'ai jamais influencé les choix d'Anticor dans les dossiers qu'ils menaient», s'est-il défendu dans L'Obs. «Aucun don n'est fléché», a confirmé l'avocat d'Anticor, rappelant que Hervé Vinciguerra «n'est pas un donateur déterminant».
Refusant subventions publiques et argent des entreprises, l'association fonctionne grâce aux cotisations de ses 6 000 adhérents et des dons de particuliers. Son budget s'élevait à 400 000 euros en 2020.
L'identité de ce donateur, ses activités et ses amitiés politiques ont alimenté une crise interne de gouvernance. Neuf des 21 administrateurs ont demandé en 2019 à modifier les statuts pour exclure du conseil d'administration tout élu politique.
«Il y a eu un débat important et intéressant touchant à la nature, à l'identité et à l'ADN d'Anticor», a relaté à ce propos auprès de l'AFP la présidente de l'association Elise Van Beneden.