France

Violences entre bandes : un phénomène qui n'est plus l'apanage des quartiers sensibles ?

Les ministres de l'Intérieur, de la Justice et de l'Education se sont réunis pour étudier la riposte à apporter dans le cadre de la lutte contre les violences entre bandes qui touchent de plus en plus des localités alors relativement épargnées.

Dourdan, Saint-Chéron.. ces noms de communes d'Essonne, mises récemment au cœur de l'actualité après une rixe meurtrière, évoquent plutôt de paisibles zones pavillonnaires que d'inextricables grands ensembles de la petite couronne. Si la délinquance et la criminalité sont toujours présents dans les quartiers dits sensibles – en témoigne le récent assassinat du jeune Aymane, tué par balle à l'âge de 15 ans le 26 février à Bondy (Seine-Saint-Denis) – la violence semble avoir récemment évolué dans des zones jusque là relativement épargnées. 

La «France périphérique» de moins en moins sûre ? 

En janvier, le Figaro analysait l'évolution de la situation sécuritaire pour l'année passée, et notait une augmentation des violences en zone rurale : «la hausse des violences signalées en zone gendarmerie est parfois spectaculaire», y lisait-on. Parmi les départements cités : la Gironde, la Marne, le Calvados, la Seine-et-Marne, la Vendée, le Rhône... et l'Essonne.

Ce dernier département accusait notamment une hausse des coups et blessures volontaires de 21,8% entre décembre 2019 et novembre 2020 en zone gendarmerie, 4, 87% en zone police. Et le quotidien de noter un «décrochage de la France dite périphérique, celle des campagnes, des villes moyennes et des quartiers pavillonnaires ou d’habitat collectif en marge des grandes villes, où la gendarmerie voit croître la population et les problèmes». 

Parallèlement, la violence aurait relativement baissé l'an dernier à Paris et en Seine-Saint-Denis avec une baisse respectivement de 10 et 5% des actes violents... mais les affaires Aymane pour le 93 et Yuriy, agression ultra-violente perpétrée dans la capitale sur fond de rivalité de bandes à Paris, viennent relativiser ces chiffres encourageants. 

«Saint-Chéron, c'est le contre-exemple», a déclaré à RT France le secrétaire national Île-de-France du syndical policier Alliance Yvan Assioma pour qui le phénomène des bandes reste tout de même largement lié aux zones urbaines sensibles.

Sur 74 bandes recensés par Beauvau, 46 concernent en effet le territoire de la Préfecture de Police qui englobe aussi la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine.

Le syndicaliste déplore la montée en puissance dans la violence de délinquants souvent mineurs, jouissant d'un sentiment d'impunité judiciaire dû à leur âge, il plaide pour une «réponse pénale forte». «Il faut trouver un système pour les empêcher de récidiver», a-t-il estimé, évoquant notamment l'idée de «foyers fermés» destinés aux mineurs délinquants. 

Autre point de crispation pour ce policier, la récente demande du Défenseur des droits Claire Hédon que des «expérimentations» soient menées dans certains quartiers, comme l'arrêt des contrôles d'identité. «On ne peut pas demander à la police de lutter contre le phénomène [des bandes] et en même temps demander des zones sans contrôle de police, on marche sur la tête», s'est indigné le syndicaliste. L'idée a cependant vite été balayée par le Premier ministre et ne devrait donc pas voir le jour. Et au policier de rappeler que le renseignement est essentiel pour le contrôle de la criminalité. 

Les «bandes», nouveau fléau de la délinquance made in France ? 

En 2020, l'Intérieur a recensé 357 affrontements de bandes rivales contre 288 en 2019 soit 25% de hausse, bagarres de rues qui ont coûté la vie à trois personnes et en ont blessées 218 autres. 

Ce sujet était au cœur d'une réunion en visioconférence réunissant le premier mars sur cette question les ministres de l'Intérieur, de la Justice et de l'Education avec préfets, procureurs et recteurs d'Ile-de-France. 

«On pense tous à cet instant au sang de ces enfants tués pour rien au fond», a déclaré le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti à l'issue de la réunion.

Sur le plan judiciaire, l'entourage du ministre a évoqué à l'AFP le recours aux «interdictions de paraître», comme alternative aux poursuites, actuellement en expérimentation à Bobigny, Montpellier et Senlis. Cette mesure permettrait d'«éloigner un jeune d'une bande» mais est jugée peu réaliste sans moyens adaptés de contrôle par la police par Yvan Assioma : «Si dans la chaîne on n'a pas les effectifs pour contrôler les interdictions de paraître ça pose problème», a-t-il déclaré.  

Le Garde des Sceaux a également mis en avant le nouveau Code de justice pénale des mineurs qui entrera en vigueur le 30 septembre et doit permettre de réduire les délais de jugement. «On va passer de délais extrêmement longs où on voit des gamins de 16 ans qui sont jugés quand ils en ont 22» à «une justice qui peut être rendue très très vite», a-t-il assuré. «Si on laisse filer et qu'aucune réponse n'intervient, on a un risque de réitération».

Du côté de l'Intérieur, Gérald Darmanin a demandé dans une note du 25 février aux préfets la «réactivation du plan de lutte contre les bandes», mesure accompagnée d'une demande de «diagnostic départemental» sur le sujet avec un «historique» et une «cartographie» des affrontements, l'âge des jeunes impliqués ou encore l'utilisation ou non d'armes et des réseaux sociaux. 

«Face à des individus de plus en plus jeunes, de plus en plus violents et avec de nouveaux modes opératoires (recours aux réseaux sociaux, etc.), l’ensemble des acteurs doivent s’adapter», a twitté Gérald Darmanin au sortir de la rencontre. 

Une réunion interministérielle a par ailleurs été annoncée «en vue de l'adoption du plan de lutte contre les bandes à l'échéance du 1er mai prochain», dit le communiqué de presse publié par Beauvau dans la foulée de la visioconférence.