Manuel Valls a amené Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius dans ses valises. Un chef de gouvernement accompagné de ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères, est, déjà en soi, signe de l’importance du voyage.
Un passage lucratif par l'Egypte
En Egypte, le Premier ministre a finalisé la vente des deux navires de guerre Mistral. Initialement destinés à la Russie, ils ont été revendus au Caire pour un prix avoisinant un milliard d’euros. Rachid Nekkaz, homme d'affaires et militant politique algérien a accepté d'analyser ce voyage pour RT France. Et pour lui, le revirement concernant les Mistral a une explication toute simple : «Washington a eu raison de François Hollande. Dans le cadre de la crise ukrainienne, les Etats-Unis ont fait pression sur la France afin qu’elle ne vende pas ses navires à Moscou. Voyez-vous, Paris n’est plus dans un rôle de modérateur entre grandes puissances comme elle pouvait l’être du temps du général de Gaulle. Aujourd’hui, la France est dans une position totalement atlantiste, calquée sur la politique étrangère de Washington».
Il fallait donc trouver un autre client et puisque l’Egypte était déjà friande des Rafale, pourquoi ne pas lui vendre les Mistral. Les affaires semblent d’ailleurs aller bon train entre les deux pays. L’extension du métro du Caire et la livraison de satellites de communication ont été discutés.
La Syrie au menu en Jordanie
Dans le royaume hachémite, il a été question de la Syrie plus que de chèques. Manuel Valls a abordé la question des réfugiés. Pour rappel, quelques 630 000 Syriens vivent aujourd’hui dans ce pays de 6,5 millions d’habitants. C’était aussi l’occasion de parler stratégie. La Jordanie héberge une partie des avions de combat français engagés contre Daesh. Le royaume, comme celui des Saoud, souhaite activement le départ de Bachar el-Assad et prône le soutien aux rebelles «modérés». Une position partagée par la France.
Mais est-ce une bonne stratégie ? Rachid Nekkaz n’est pas de cet avis : «le plus important, c’est de tenir compte du rapport de force sur le terrain. Nous ne sommes plus en 2013. Le plus grand problème n’est pas Assad mais bien l’Etat islamique. Pour le vaincre, il faut une grande coalition incluant les Etats-Unis, l’Europe mais également les pays frontaliers qui accueillent les réfugiés des guerres de la zone depuis des dizaines d’années. La France ainsi que la Jordanie et l’Arabie saoudite devraient revoir leur position. Dialoguer avec Assad, lui permettre de quitter le pouvoir par la grande porte et préparer la transition me semble être une bonne solution.»
En Arabie saoudite il sera (un peu) question des Droits de l’Homme
La dernière étape du voyage sera de la délégation sera Riyad où elle assistera notamment au colloque économique franco-saoudien. Une aubaine pour de possibles ventes d’armes, espère la délégation française. Il est notamment question de navires de guerre, d’équipement de renseignement et d’hélicoptères fabriqués par Airbus. Le groupe Areva espère même, pour sa part, convaincre le royaume d’acheter des réacteurs nucléaires de type EPR.
Question diplomatie, Manuel Valls devrait demander un geste de grâce pour le jeune chiite Ali al Nimr. Condamné à être pendu puis crucifié pour avoir osé manifester contre le régime et dont le sort continue d’émouvoir à travers le globe.
Mais il apparaît probable que le Premier ministre reste timide sur le sujet des Droits de L’Homme, histoire de ne pas froisser un partenaire économique si important. «J’ai été un des seuls hommes politiques musulmans à dénoncer la présidence saoudienne au panel du Conseil des Droits de l'homme de l'ONU. Mais il ne faut pas rêver. La France est dans une situation économique difficile. Elle ne peut pas se permettre de se priver d’un acheteur tel que Riyad. De plus, comme évoqué précédemment, depuis la présidence de Sarkozy et maintenant avec Hollande, Paris est inféodé à Washington. Si l’Arabie saoudite s’entend bien avec les Etats-Unis, alors la France fait de même», explique Rachid Nekkaz.
Globalement, le militant politique algérien se montre très critique envers ce voyage qu’il juge aberrant : «Je trouve extraordinaire qu’un Premier ministre qui participe à la stigmatisation des musulmans dans son propre pays aille chercher leur aide au Moyen-Orient pour leur faire acheter ses produits. Si la France veut jouer un rôle là-bas, qu’elle cesse cette schizophrénie. On ne peut pas, d’un côté ne pas respecter la liberté de culte des musulmans comme avec la loi sur le port du niqab et de l’autre, espérer leur vendre des armes.»