France

En quoi consiste le «Beauvau de la Sécurité» annoncé par Emmanuel Macron pour janvier ?

Dans un courrier de réponse au très médiatique secrétaire général d'Unité-SGP, Yves Lefebvre, Emmanuel Macron a dit vouloir avancer rapidement sur le thème de la police, notamment dans son rapport à la population, avec une réforme de l'institution.

Selon les informations de l'AFP, Emmanuel Macron a fait savoir qu'il avait décidé la tenue, à partir du mois de janvier, d'un «Beauvau de la sécurité» sur une réforme de la police, afin d'«améliorer les conditions d'exercice» des forces de l'ordre et de «consolider» les liens avec les Français. Pour déminer une situation explosive, le chef de l'Etat convoque donc ce «Grenelle de la police» qui réunira des représentants des forces de sécurité intérieure, des élus et des citoyens.

Le chef de l'Etat précise dans un courrier daté du 7 décembre et consulté par l'AFP : «J'y interviendrai personnellement.» Il s'agit d'une réponse au secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Force Ouvrière, Yves lefebvre.

Celui-ci lui avait écrit le même jour pour lui faire part de la «colère» qu'avaient suscité chez les policiers nationaux ses propos reconnaissant des contrôles au faciès lors de son interview le 4 décembre au média en ligne Brut.

Avec ce «Beauvau de la sécurité», Emmanuel Macron dit vouloir améliorer les conditions d'exercice de la police nationale et consolider le lien de confiance avec les Français.

Le rendez-vous devra s'appuyer sur les sept chantiers de réforme qu'a présentés le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à la fin du mois de novembre, également appelés «sept péchés capitaux» par ce dernier : formation, encadrement, moyens, captation vidéo des interventions, inspection, effectifs et lien entre police et population, dont la «lutte contre les discriminations» et le rapport aux médias.

Macron demande à Darmanin de recevoir les syndicats de policiers

«Il y a urgence à agir», insiste le chef de l'Etat qui précise avoir demandé à Gérald Darmanin de «recevoir dès que possible» les syndicats de policiers pour peaufiner les propositions. Pour mémoire, lors de la colère policière du mois de juin, les syndicats majoritaires de police avaient demandé à être reçus par Emmanuel Macron qui ne les avait reçus au palais de l'Elysée que le 15 octobre en leur demandant de laisser leurs téléphones portables à l'entrée.

«Je souhaite avancer rapidement et concrètement pour améliorer les conditions d'exercice du beau est indispensable métier qui consiste à garder la paix», ajoute le chef de l'Etat dans ce courrier. Et de conclure : «La France tient par ses policiers et ses gendarmes [...] nous leur devons soutien et protection. J'y veillerai.»

Emmanuel Macron reprend ainsi en main le dossier colère des policiers, mais aussi la «défiance croissante», selon l'AFP, d'une partie des Français après l'affaire Michel Zecler.

Le président justifie en outre son annonce sur le média en ligne Brut de créer dès le mois de janvier une plateforme pour signaler les «discriminations», en soulignant qu'il ne s'agit pas seulement des contrôles d'identité mais aussi de l'emploi, du logement, du sport et de la culture. Il avait alors jugé «insoutenable» que les contrôles policiers ciblent davantage les jeunes dont la peau «n'est pas blanche».

Dans un courrier adressé au chef de l'Etat, daté également du 7 décembre et dont l'AFP a eu connaissance, le secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Force ouvrière Yves Lefebvre soulignait que cette interview avait «laissé des traces et une colère certaine au sein de la police nationale.»

Yves Lefebvre réclame «la fin de la politique du chiffre»

Le secrétaire général d'Unité, qui avait annoncé qu'il quitterait prochainement cette fonction dans un précédent courrier adressé à ses adhérents le 18 septembre, avait encore déploré : «Même si votre discours venait dans sa globalité souligner l'action des forces de l'ordre et des policiers [...] mes collègues [retiennent] une seule chose, à savoir que les contrôles au faciès existent, qu'ils sont une réalité, qu'un jeune homme de couleur a plus de chance d'être contrôlé que les autres personnes.»

Et d'assurer : «Cette affirmation est venue remettre en cause la qualité du travail quotidien des forces de l'ordre et particulièrement celui des policiers nationaux, surtout ceux engagés dans les quartiers difficiles.»

Le policier militant s'insurgeait également contre les «politiques d'urbanisation qui se sont suivies entassant les populations immigrées au même endroit depuis plusieurs décennies.»

Puis, Yves Lefebvre réclamait «au plus vite» l'annonce d'un «calendrier de réformes de fond pour remettre la police nationale debout», ainsi que pour voir «la fin de la politique du chiffre» désignée comme «une des raisons principales à l'altération du lien police/population». Il s'agissait d'ailleurs d'un engagement de campagne d'Emmanuel Macron auprès des policiers en 2017.

Gérald Darmanin a annoncé qu'il recevrait le 18 décembre les syndicats de police et il a promis des propositions rapides au chef de l'Etat. Les deux principaux syndicats de gardiens de la paix, Alliance et Unité-SGP-FO, avaient appelé le 5 décembre à cesser les contrôles d'identité en signe de protestation. Le 7 décembre, du zèle au contrôle a au contraire été constaté aux abords de la capitale, provoquant des ralentissements routiers conséquents.

Les policiers en colère de l'UPNI dénoncent un «cirque»

Contacté par RT France, le porte-parole de l'Union des policiers nationaux indépendants, Jean-Pierre Colombiès, tempête : «Il y a au moins deux contradictions dans le discours de Macron actuellement. Premièrement, Beauvau vient de sortir son Livre blanc de la sécurité intérieure et Emmanuel Macron reprend la main pour réformer ? Deuxièmement, si cette réforme n'implique pas le garde des Sceaux, elle sera nulle et non-avenue car on ne peut pas réformer les missions judiciaires de police sans concertation avec la Justice, cela n'aurait aucun sens.»

Et l'ancien commandant de police de conclure : «Ce que fait Macron, c'est simplement un désaveu de Gérald Darmanin et de ses rencontres avec les organisations syndicales... Il nous parle des élus aussi, que viennent-ils faire là-dedans à présent ? C'était avant qu'il fallait inviter les oppositions, pas maintenant. Ce président joue au Monsieur Loyal, le personnage qui intervient après que les clowns ont fini de se battre entre eux. C'est le cirque, la Piste aux étoiles, comme quand nous étions gosses. Mais c'est bien lui qui a mis les flics dans cette situation intenable en les opposant systématiquement aux Gilets jaunes pendant des mois et des mois, en refusant de mettre fin au conflit avec une solution politique. En pompier incendiaire, il nous a tous placés dans une situation irrécupérable avec des mesures inflammatoires (le 80 km/h, la taxe sur le diesel, les retraites)... A présent, il invente une convention citoyenne sur la sécurité ? C'est de la démagogie.»