La multiplication des violences policières et l'attitude du gouvernement français font vivement réagir la presse du monde entier. Après le passage à tabac du producteur Michel Zecler le 21 novembre dans son studio d’enregistrement, et les blessures infligées au journaliste syrien réfugié en France Ameer Al-Halbi lors d’une manifestation contre la loi Sécurité globale le 28 novembre, le cap instauré par Emmanuel Macron inquiète.
Ce 4 décembre, le Courrier international consacre ainsi sa Une aux condamnations à l'étranger du «virage sécuritaire» pris par le dirigeant français.
Et pour cause, ces derniers jours, les exemples ont été nombreux.
Le quotidien américain New York Times écrit dans ses colonnes le 25 novembre que le texte de loi Sécurité globale et le projet de loi sur les «séparatismes» (renommé «projet de loi confortant les principes républicains») «soulignent ce que les critiques ont appelé une dérive alarmante vers la répression dans la politique du gouvernement [français]».
Dans un éditorial du quotidien britanniqueThe Financial Times en date du 26 novembre, on peut lire : «Les images de violence policière sont devenues tristement familières ces dernières années en France».
Le site américain Mintpress News rappelle le 30 novembre à propos des violences perpétrées contre Michel Zecler qu’avant que la vidéo «ne devienne virale sur les réseaux sociaux, les agents [de police] ont dit que Zecler les avait en fait attaqués et qu’il aurait résisté à leur arrestation». Le média précise qu’avant la publication de cette vidéo, Michel Zecler faisait l’objet d’une enquête pour «violences sur personne dépositaire de l’atrocité publique» et «rébellion», classée sans suite. La France pourrait, de l’avis de Mintpress News, vivre un «moment George Floyd», cet Afro-Américain tué à la fin du mois de mai durant son interpellation aux Etats-Unis, dont le décès a provoqué un vaste mouvement de protestation contre les violences et discriminations policières.
Le média belge Le Soir parle le 27 novembre d’une «affaire George Floyd à la française». «En maintenant à son poste le très controversé préfet de police de Paris, Didier Lallement, Gérald Darmanin laisse entendre que les faits n’ont été commis à ses yeux que par des brebis galeuses qui ne mettent pas à mal l’institution policière […] Ce sont pourtant des dysfonctionnements structurels qui sont en cause. Déjà lors de la crise des gilets jaunes, à l’hiver 2018-2019, la police avait été critiquée pour sa doctrine du maintien de l’ordre et pour de violents dérapages dans les manifestations.»
«L’approche stricte de M. Macron aliène les anciens partisans du centre gauche. Mais s’il critique trop la police, il risque de mettre en colère les forces de sécurité»
Le titre irlandaisThe Irish Times anticipe le 30 novembre une possible perte d’électorat pour Emmanuel Macron résultant de sa politique en matière sécuritaire : «L’approche stricte de M. Macron en matière de sécurité, d’immigration et d’extrémisme islamiste aliène les anciens partisans du centre gauche. Mais s’il critique trop la police, il risque de mettre en colère les forces de sécurité débordées qui travaillent en état d’alerte élevé contre le terrorisme, et les électeurs de droite qui se sont montrés favorables à sa politique».
Le Financial Times procède au même type d’analyse : «M. Macron a perdu la confiance de nombreux électeurs de gauche qui ont contribué à le propulser vers la victoire en 2017. Ses chances de réélection dépendent de l’élargissement de son électorat à la droite de l’éventail politique». Si «la pandémie, la crise économique et une série d’attentats terroristes ont, à juste titre, créé le désir d’un Etat protecteur, protéger la police de ses propres excès n’est pas la bonne façon de l’assurer», avance The Financial Times.
Même son de cloche du côté du quotidien suisse basé à LausanneLe Temps le 27 novembre : «Le chef de l’Etat pourrait perdre son électorat le plus modéré, inquiet d’une dérive autoritaire».
En Allemagne, le Frankfurter Rundschau estime que l’attitude du gouvernement suscite «un débat houleux sur l’état de la démocratie» et qu’«Emmanuel Macron gouverne la France de façon plus autoritaire que Donald Trump les Etats-Unis».
«Le gouvernement de Paris a une réputation à perdre»
La loi Sécurité globale arrive après que «la France a vécu trois des cinq dernières années en état d’urgence». De plus, la gestion de l’épidémie est menée par un Conseil de défense «qui n’est pas très transparent et prend ses décisions en dehors des procédures normales des pouvoirs exécutif et législatif», note le Frankfurter Rundschau.
«La nouvelle loi [Sécurité globale] est dangereuse pour le gouvernement de Paris, qui a une réputation à perdre [...] L’application de l’article [24] pourrait l’amener à se retrouver devant la Cour européenne de justice», informe Deutsche Welle.
Le Guardiande Londres va jusqu’à rappeler que «les personnalités françaises, les stars du sport et les politiques se sont tous exprimés pour condamner cette agression» [de Michel Zecler] et cite les tweets des footballeurs Antoine Griezmann et Kylian Mbappé, qui ont condamné les violences policières.