Dans un discours prononcé à l'occasion de l'intronisation de la nouvelle directrice centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS), la commissaire Pascale Regnault-Dubois, ce 11 septembre à Vélizy-Villacoublay, Gérald Darmanin a annoncé les grandes lignes d'un des chantiers inachevés de son prédécesseur à Beauvau, Christophe Castaner : le schéma national du maintien de l'ordre, entamé lors d'un séminaire en juin 2019.
Le nouveau ministre de l'Intérieur avait déjà annoncé au mois de juillet que le nouveau schéma serait révélé «à la rentrée» et qu'il avait pris en compte les dernières recommandations de Jacques Toubon, l'ancien défenseur des droits, qui avait préconisé de proscrire l'utilisation du lanceur de balles de défense et le port de la cagoule pour les policiers.
Chaque tir de LBD lors de manifestations sera désormais soumis à l'accord d'un «superviseur» et une nouvelle grenade à main de désencerclement (GMD), censée être moins dangereuse, sera utilisée dès le 12 septembre, alors que des Gilets jaunes annoncent une nouvelle mobilisation.
Selon les propos du ministre, le nouveau schéma national de maintien de l'ordre (SNMO) comprendra en outre un cadre législatif afin que les images réalisées par des drones et des caméras-piéton puissent être exploitées par les autorités.
Gérald Darmanin a cependant fait savoir le 10 septembre lors d'un congrès syndical à Paris qu'il était opposé à la généralisation du port de la cagoule pour les membres des forces de l'ordre, notamment lors de manifestations et d'opérations de «la BAC» (brigade anticriminalité) ou de «police-secours».
Devant un parterre syndical, il s'était alors engagé à réitérer ces propos devant les CRS à Vélizy ce 11 septembre. D'autre part, des rumeurs couraient dernièrement dans les rangs des CRS concernant la disparition programmée de la grenade à main de désencerclement (GMD) de l'arsenal du maintien de l'ordre. A ce sujet, Gérald Darmanin a tenu à «couper la tête à quelques canards, manifestement boiteux» : «Il ne s'agit pas d'avoir des mots de défiance envers les policiers, [ni de] désarmer les policiers.» Exit la rumeur donc, même si un remplacement des grenades de désencerclement utilisées par les forces de l'ordre était bien prévu.
Par ailleurs, des voix se sont déjà fait entendre contre l'utilisation en manifestation des grenades lacrymogènes GM2L, jugées défaillantes par certains observateurs et qui étaient venues remplacer la grenade GLI-F4.
Selon le communiqué du mois de juillet, la volonté politique derrière ce nouveau schéma national du maintien de l'ordre consistait à mieux appréhender «des modalités de contestation qui évoluent, avec des individus particulièrement violents dont le seul objectif est de créer le chaos.»
Gilets jaunes ? Black bloc ? Mouvances de l'ultragauche ? Si le gouvernement n'a pas jugé utile de préciser la nature de la menace, Gérald Darmanin a souligné qu'il souhaitait apporter tout son «soutien aux forces de l'ordre»...
Un rameau d'olivier bien nécessaire après la brouille qui avait opposé pendant de longues semaines Christophe Castaner à sa base policière au mois de juin, avant son remplacement lors d'un remaniement.
Opération reconquête policière : pour l'heure, Darmanin rencontre l'adhésion
Jean Castex, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa ont multiplié très tôt les déplacements et les petits gestes en faveur des forces de sécurité intérieure dès leur nomination à leurs maroquins respectifs cet été. Depuis lors, plusieurs observateurs interrogés par RT France ont fait part de premiers contacts positifs et fructueux avec Gérald Darmanin, dont l'implication personnelle dans les sujets de sécurité publique rassure différentes sources policières que nous avons sollicitées.
La présence du nouveau ministre de l'Intérieur dans des commissariats, dans des congrès syndicaux et lors d'obsèques de policiers morts en service (notamment ce 11 septembre au matin) était attendue, mais c'est son sérieux et son écoute qui, à en croire des sources syndicales contactées par RT France, emportent l'adhésion des policiers pour le moment.
Si la reconquête républicaine dans les quartiers sensibles reste encore à démontrer sur le territoire national, celle des cœurs meurtris des fonctionnaires semble en tout cas bien partie. A deux catégories de fonctionnaires de police près : d'une part, les travailleurs de nuit, qui continuent de manifester régulièrement leur colère lors de rassemblements nocturnes sous la bannière du nouveau syndicat du secteur, Option Nuit ; d'autre part, les policiers techniques et scientifiques, qui attendent toujours une avancée statutaire pour bénéficier des mêmes avantages et protections que leurs collègues d'active.
Le gouvernement voudrait-il s'assurer une certaine docilité de ses troupes intérieures en cas de nouvelles manifestations sociales de grande ampleur ? Ou chercherait-il à cajoler les policiers pour mieux leur annoncer, plus tard, la reprise de la réforme des retraites, qui les concerne aussi, ainsi que l'a sous-entendu Gérald Darmanin le 10 septembre lors du congrès de l'Unsa-Police à Paris où RT France était présent ?
Les mois à venir devraient permettre de lever un coin du voile sur la stratégie sociale et sécuritaire du gouvernement.
Antoine Boitel