Invité à s'exprimer lors du congrès de l'Unsa-Police le 10 septembre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a rendu hommage à l'ancien secrétaire général de l'organisation syndicale, Philippe Capon, et a repris certaines des propositions phares de ce militant syndical très apprécié des forces de l'ordre, et particulièrement des compagnies républicaines de sécurité. Le locataire de la place Beauvau a notamment insisté sur le chapitre de la bataille des images.
Il a rappelé aux policiers présents dans la salle que, s'il lui tenait à cœur de répondre à leur inquiétude concernant les attaques parfois ciblées dont leurs collègues sont victimes, il n'était en revanche pas favorable au port généralisé de la cagoule pour les membres des forces de l'ordre.
Gérald Darmanin a cependant concédé qu'il avait entendu la demande de l'Unsa-Police d'obliger les médias et les plateformes des réseaux sociaux à anonymiser les hommes et femmes de la police et de la gendarmerie en floutant leur visage : «Personne ne pourra empêcher les gens de filmer ou très difficilement [...] en revanche, je retiens votre idée et lors de la proposition de loi de M.Fauvergue [ancien patron du Raid devenu député marcheur] à l'Assemblée nationale, je proposerai au Parlement qu'on puisse obliger, non seulement les télévisions, avec qui nous avons des rapports corrects, mais aussi les réseaux sociaux qui manifestement savent censurer lorsqu'ils veulent censurer, que nous puissions dire qu'effectivement les policiers de la République ne doivent pas avoir leur visage découvert et diffusé lorsqu'ils font des interventions de police. Et nous devons mettre l'épée dans le rein, juridiquement, pour les réseaux sociaux, pour empêcher ces diffusions.»
Si tous les policiers de France mettaient la cagoule, alors je ne suis pas certain qu'on aiderait votre bel uniforme
Qualifiant certaines scènes de «particulièrement absurdes et violentes», le ministre a déploré qu'elles puissent être «diffusées à tout moment sur les réseaux sociaux sans jamais expliquer ni la contextualisation de la scène, ni le début, ni la fin».
La liberté de manifester, «une liberté constitutionnelle», rappelle le ministre
Mais Gérald Darmanin a également rappelé au parterre de policiers que, d'une part, «personne ne [pourrait] empêcher les gens de filmer ou très difficilement», et, d'autre part, qu'il appartenait au gouvernement et aux forces de l'ordre de préserver «la liberté de manifester» en France.
Le ministre a précisé : «Mesdames et messieurs, je parle à des syndicalistes, c'est une liberté constitutionnelle que nous devons absolument préserver [...], c'est la beauté de la démocratie et de l'Etat de droit. Donc nous devons à la fois garantir la protection des policiers et du bien commun et, en même temps, protéger fondamentalement la liberté de manifester et de s'exprimer, même lorsque ça nous déplaît. C'est évidemment extrêmement compliqué et c'est à ça qu'on reconnaît la belle civilisation d'un pays.»
Non à la cagoule généralisée lors des opérations de police
Concernant la cagoule, Gérald Darmanin, qui intronise une nouvelle directrice centrale des compagnies républicaines de sécurité ce 11 septembre à Vélizy, a annoncé qu'il «dirait aux CRS», lors de son discours, qu'il ne «souhaite pas qu'ils portent la cagoule dans des manifestations, parce que la police de la République, elle doit pouvoir montrer son visage.» Et de justifier : «Pourquoi est-ce que je le refuserais aux gens de la BAC, et pourquoi je le refuserais aux gens qui font du police-secours à trois heures du matin à Roubaix et à Tourcoing ? Et si tous les policiers de France mettaient la cagoule sous prétexte qu'effectivement il peut y avoir des drames et il y en a, je suis d'accord avec vous, alors je ne suis pas tout à fait certain qu'on aiderait encore plus votre bel uniforme.»
Pour l'heure, le ministre se propose simplement de soumettre la demande de l'Unsa-Police dans le cadre d'une proposition de loi du groupe présidentiel dans une des chambres du Parlement «avant la fin de l'année». La bataille pour l'anonymisation médiatique des policiers et des gendarmes pourrait être longue.
Antoine Boitel