Coronavirus en France : des personnes âgées ont-elles été «privées d'accès» à l'hôpital ?

Coronavirus en France : des personnes âgées ont-elles été «privées d'accès» à l'hôpital ?© Benoit Tessier Source: Reuters
Une résidente de 91 ans à la maison de retraite Emile Gerard à Livry-Gargan, près de Paris, alors que la propagation du la maladie à coronavirus (Covid-19) se poursuit en France, le 22 avril 2020. (Image d'illustration)
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A-t-on écarté les plus de 75 ans des services de réanimation durant le pic épidémique en France ? C'est ce qu'affirme le député Eric Ciotti, membre de la commission d'enquête parlementaire sur la crise sanitaire. Le ministère rejette ces accusations.

«Il y a eu [...] une forme de régulation qui, sans le dire, a privé d'accès à l'hôpital des personnes âgées, notamment les résidents des Ehpad». C'est en ces termes que le député LR Eric Ciotti, rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur la crise du coronavirus, décrit la chute d'affluence des plus de 75 ans à l'hôpital au plus fort de la crise de coronavirus, dans un entretien au Monde le 29 juillet.

Il estime à cet égard que des personnes âgées ont été «privées d'accès» à l'hôpital, et particulièrement en réanimation. Le ministère de la Santé a réagi en dénonçant une «utilisation fallacieuse» des chiffres. Mais Eric Ciotti persiste. «Au pic de la crise, début avril, le nombre des personnes âgées de plus de 75 ans admises en service de réanimation chute brutalement. Nous passons de 25% en moyenne [à la même période les années précédentes] à 14% pendant la crise, et même à 6% en Ile-de-France», pointe le député en s'appuyant sur des données transmises par la Direction générale de l'offre de soin (DGOS).

Coronavirus en France : des personnes âgées ont-elles été «privées d'accès» à l'hôpital ?© Le Monde
Source PMSI-MCO, plates-formes SNDS (2018-2019) et ATIH (2020), traitements DGOS/SR5.

Comme on peut le voir sur une série de graphiques réalisés par Le Monde, les chiffres avancés par le député sont corroborés par les données, encore provisoires, de la DGOS. Le constat d'une baisse significative d'accueil des plus âgés change peu d’une région à l’autre, et en Ile-de-France, la part des personnes âgées s’est effondrée à 6 % cette semaine-là. Selon ces chiffres, l’âge médian des patients hospitalisés en réanimation reflète bien l'évolution : de 66 ans, il est tombé à 63 ans au pic épidémique, et même à 60 ans en Ile-de-France.

Une question d'interprétation

Cependant, ces chiffres ne sont pas interprétés de la même manière par tous les acteurs du système de santé.

Cité par LeMonde, Aurélien Rousseau, directeur de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, rappelle qu’au début de la vague épidémique, toutes les opérations de chirurgie non urgentes ont été déprogrammées, ce qui de son point de vue peut expliquer la baisse d'affluence constatée. «Habituellement, les réanimations sont en partie occupées par les patients issus de l’activité chirurgicale, dont un grand nombre de personnes âgées », assure-t-il, tout en insistant sur le fait que le Covid-19 avait conduit en réanimation des patients parfois très jeunes.

Devant la commission, le 23 juillet, ce haut fonctionnaire a présenté sa vision aux députés. «La médiane – 61 ans – n’a pas bougé», a-t-il affirmé, s'appuyant sur des chiffres issus du système d’information pour le suivi des victimes, renseigné au jour le jour par les médecins dans les situations d’urgence. 

Beaucoup auraient pu vraisemblablement être sauvées. C'est grave

Du côté des médecins urgentistes et réanimateurs auditionnés le 28 juillet, on ne dément pas les chiffres de la DGOS, mais leur signification est nuancée. «On n’a pas eu le sentiment de changer nos procédures de tri», a notamment affirmé Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence.

«Oui, l'hôpital s'est adapté, mais à quel prix ?», s'est interrogé Eric Ciotti, qui ne mâche pas ses mots : «Notre système a donc bel et bien été débordé. On a réduit les chances des personnes âgées. Beaucoup auraient pu vraisemblablement être sauvées. C'est grave.»

Pour le ministère, comparaison n'est pas raison

«Les patients qui nécessitaient une hospitalisation en réanimation ont été pris en charge», a assuré à l'AFP le ministère de la Santé, pour qui comparer ainsi les chiffres d'admission en réanimation cette année avec ceux des années précédentes procède d'une «utilisation fallacieuse des données fournies» par la DGOS. D'un côté, sans surprise, le nombre de patients admis en réanimation, au pic de l'épidémie, était beaucoup plus important cette année [2 700 en Ile-de-France contre 1 200 en 2019], ce qui «rend difficiles les comparaisons». D'autre part, le profil de ces patients «était totalement différent» de celui de 2019 : «l'impact de la déprogrammation des activités chirurgicales non urgentes sur le profil des patients accueillis en réanimation est majeur», fait valoir le ministère.

Par ailleurs, les critères d'hospitalisation en réanimation dépendent de «règles élaborées par les sociétés savantes et sont aussi nourris par la connaissance des pathologies qui peut évoluer» lors d'une épidémie, ajoute le ministère. «Le choix d'hospitalisation en réanimation procède toujours d'une analyse par les médecins qui suivent le patient et doivent évaluer les bénéfices et risques pour le malade», précise-t-il.

Un discours qui rejoint celui des médecins urgentistes et réanimateurs qui ont souligné, devant la commission, que même en temps normal, la décision d'admettre un patient en réanimation dépendait de sa capacité à supporter ce traitement très lourd, que ce soit en raison de son âge ou d'un mauvais état de santé lié à d'autres maladies préexistantes. «Est-ce que les personnes âgées veulent qu’on leur impose ce marathon en sachant qu’elles vont s’écrouler au kilomètre un, deux ou trois ?», a à ce sujet demandé Agnès Ricard-Hibon aux députés.

En Allemagne, une étude publiée le 29 juillet et portant sur 10 000 patients, citée par l'AFP, a ainsi montré que près de trois-quarts (72%) des malades du Covid-19 de plus de 80 ans placés sous respirateur artificiel mouraient (contre 53% toutes classes d'âge confondues, et 63% chez les 70-79 ans).

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