Après leurs victoires aux élections municipales, les Verts pourront-ils réellement empêcher la propagation de la technologie 5G en France ? Rien n'est moins sûr si on en croit les spécialistes et les dernières décisions du Conseil d'Etat en la matière. Nombre d'entre eux ont pourtant formulé des promesses de campagne en ce sens, et continuent de fustiger la 5G.
Le progrès c’est de pouvoir regarder des films pornos en HD ?
Invité de l'émission Le Grand Jury sur RTL le 5 juillet, Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble (Isère) a vertement critiqué l'imminent déploiement de la technologie 5G en France. «Est-ce que le progrès c’est de pouvoir regarder des films pornos en HD ?», a ainsi interrogé, taquin, l'édile. «La moitié des 4% des émissions de gaz à effet de serre émise par le numérique, c’est le streaming. Et un quart des vidéos qui sont regardées ce sont des vidéos pornos», a-t-il détaillé. Une intervention qui venait commenter la confirmation par la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher, le 30 juin, que les enchères censées attribuer les premières fréquences 5G seraient «bien lancées en septembre», fermant par conséquent la voie au moratoire réclamé par la Convention citoyenne pour le climat.
La 5G, cette nouvelle génération de réseaux mobiles doit permettre de démultiplier les capacités de connexion de la téléphonie mobile sur le territoire, déclenchant une hostilité dans une partie de l'opinion, notamment chez les écologistes, qui craignent de supposés effets secondaires sur la santé.
La vague verte triomphante aux élections municipales au milieu d'une abstention record, pourrait alors contrarier le gouvernement dans ses projets d'installer la 5G dans la vie quotidienne des Français. Invité de la matinale de RTL le 29 juin, le nouveau maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a affirmé qu'il souhaitait «ouvrir le débat sur la 5G» alors que sa ville fait partie des territoires français retenus par l’Arcep (Autorité de régulation des télécommunications) pour tester une plateforme d’expérimentation 5G dans les mois qui viennent. «Je trouve totalement inadmissible qu'on puisse imposer la 5G sans expliquer, sans discuter, sans voir ce que sont les aspirations des habitants», a-t-il dénoncé. «Il faut indiquer à nos concitoyens quels sont les dangers de la 5G, il y a des dangers, et je pense qu'il faut mettre cette discussion sur la table pour que les Bordelaises et les Bordelais n'apprennent pas du jour au lendemain que leur territoire est couvert par la 5G», a-t-il encore fait valoir. Un argumentaire qui fait écho à l'une des propositions de la liste «Bordeaux respire» qu'il a menée à la victoire. Alors candidat, Pierre Hurmic promettait d'obtenir un moratoire sur l'expérimentation par la ville du réseau 5G et de lancer un grand débat public.
Les maires ne pourront rien faire face à l'exécutif pour empêcher la 5G
Cependant, à Bordeaux, Grenoble, comme à Nantes, à Besançon ou ailleurs, les maires écolos fraîchement élus, ne devraient pas avoir les moyens d'empêcher les opérateurs de déployer leurs antennes 5G. Le verdict d'Alexandre Archambault, avocat spécialiste des réseaux télécoms, est à cet égard, sans appel. «Que les maires qui ont été élus sur la base de propos démagos assument leurs errements : une commune ne peut interdire une technologie», écrit-il sur Twitter.
Il rappelle à ce sujet que dans une décision datant de 2011, le Conseil d'Etat avait jugé que «seules les autorités de l’Etat désignées par la loi (ministre, ARCEP, ANFR) sont compétentes pour réglementer de façon générale l’implantation des antennes-relais de téléphonie mobile». «Un maire ne saurait donc réglementer par arrêté l’implantation des antennes relais sur le territoire de sa commune, sur le fondement de son pouvoir de police générale», estimait ainsi l'institution publique. Contacté par RTL, l'avocat explique que «compte tenu des obligations de déploiement, de respect des puissances d'émission et d'intégration environnementale, la marge de manoeuvre des collectivités sera quasi-nulle une fois que les licences auront été attribuées d'ici la fin de l'année». «Concernant Bordeaux, elle est d'autant plus réduite que la métropole s'est engagée auprès de l'Arcep à faciliter les expérimentations», souligne-t-il.
Malgré le recours déposé devant le Conseil d'Etat par des associations, le moratoire demandé par la Convention citoyenne et les dizaines d'antennes relais qui ont été prises pour cible à travers le pays ces dernières semaines, l'exécutif ne pourra pas être empêché par les collectivités locales de lancer les enchères pour l'attribution des fréquences fin septembre en vue du lancement commercial de la 5G avant la fin de l'année. Les résultats des évaluations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les effets de la 5G sur la santé sont toutefois attendus au premier trimestre 2021. Mais le mal, si celui-ci existe, ne sera-t-il pas déjà fait ?