«Je crois que la politique est faite de symboles. Si ce symbole-là était utile à combattre le racisme, je serais parfaitement à l'aise de le faire» : c'est ce qu'a répondu le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, lorsque Jean-Jacques Bourdin lui a demandé ce 9 juin sur RMC/BFMTV s'il était prêt à poser un genou à terre, comme le font des manifestants pour exprimer leur rejet du racisme, notamment au sein des forces de l'ordre.
Le locataire de Beauvau a également déclaré : «Ce combat contre le racisme c'est ce qui m'a fait moi, comme militant, comme jeune homme [...] donc je comprends parfaitement ceux qui veulent manifester» contre le racisme en France malgré les restrictions dues à la pandémie de Covid-19.
Je crois que l'émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s'appliquent
«Les manifestations ne sont pas [autorisées] dans les faits car il y a un décret du Premier ministre dans le cadre de la deuxième phase du déconfinement qui interdit les rassemblements de plus de dix personnes. Mais je crois que l'émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s'appliquent», a encore dit Christophe Castaner pour RMC/BFMTV. «Il n'y aura pas de sanction et de procès-verbal», a déclaré le ministre, qui appelle simplement les manifestants à «respecter les règles barrières».
Ces déclarations surviennent après que le président Emmanuel Macron a sommé ses ministres de se saisir des sujets du racisme et de la déontologie policière, alors que les manifestations se multiplient en France sur ces thèmes, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis et des rassemblements générés par la mort de George Floyd à Minneapolis.
Le 8 juin, Christophe Castaner a promis lors d'une conférence de presse une «tolérance zéro» face au racisme dans les forces de l'ordre, et indiqué que la suspension serait «systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré» en la matière.
Un symbole qui traverse les frontières
De l'autre côté de l'Atlantique, le genou à terre est souvent repris par les manifestants comme geste de dénonciation des violences policières et du racisme visant les Noirs. Cette référence a récemment été reprise par de hauts responsables politiques comme le favori de l'investiture démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden ou – hors des frontières des Etats-Unis – le Premier ministre canadien Justin Trudeau.
Thomas Snégaroff, spécialiste des Etats-Unis, expliquait récemment dans Le Monde que ce geste était intimement lié à l'histoire «des droits civiques aux Etats-Unis et de la prise à témoin des Blancs de la réalité des Noirs». Martin Luther King avait par exemple réalisé ce geste, en mars 1965 à Selma (Alabama), lors d’une des marches pour le droit de vote des Afro-Américains. «Il prie alors avec quelques-uns de ses camarades, genou au sol [...] Ce geste de prière a été rapidement interprété comme le symbole de la non-violence. Il s’agissait pour le pasteur Martin Luther King de prendre à témoin les Blancs de sa soumission en tant que Noir», décrypte l'historien pour Le Monde. Le genou à terre a été également utilisé au milieu des années 2010 par des sportifs souhaitant exprimer leur inquiétude face aux violences policières contre les Noirs.
Enfin, rapporte l'AFP, «poser un genou à terre est devenu depuis la mort de George Floyd le 25 mai un geste emblématique de contestation de l'injustice raciale, mais aussi de solidarité, exprimé lors des très nombreuses manifestations qui ont eu lieu aux Etats-Unis et dans le monde». Et l'agence de presse d'évoquer les policiers qui se sont joints au manifestants faisant ce geste, et des «joueurs de foot [qui] ont fait de même juste avant des matches du championnat d'Allemagne, tout comme l'équipe de Liverpool pour une photo symbolique diffusée sur les réseaux sociaux».