Voilà des témoignages dont la députée LREM de Paris, Laetitia Avia, se serait bien passée. Alors que doit être définitivement votée ce 13 mai à l’Assemblée nationale sa controversée «proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet», l'avocate de formation est accusée par cinq de ses anciens assistants parlementaires d’avoir tenu des propos à connotation raciste, homophobe et sexiste ainsi que d’avoir multiplié les humiliations à leur encontre.
On a voté l'amendement des PD
Dans un article mis en ligne le 12 mai par le site d’investigation Mediapart, cinq de ses anciens collaborateurs dressent le portrait d’une «une gamine de 4e B au collège qui n’a pas grandi et pour qui la vie est une cour de récré». D’après Sophie (les prénoms ont été modifiés), une ancienne de ses assistantes, il y aurait «un fossé entre les valeurs qu’elle défend publiquement et ce [qu’elle a] constaté en travaillant à ses côtés».
«Le Chinois», «PD», «pute»
Elle décrit des échanges, captures d’écran à l’appui, dans lesquelles l’élue se moquerait d’un de ses salariés d’origine asiatique. «C’était son bouc émissaire, elle l’appelait parfois "le Chinois" ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui», se souvient-elle.
Elle insulte souvent les députées qu’elle n’aime pas de "pute"
Une capture d’écran datée d’avril 2018 et rendue publique par Mediapart fait également apparaître des propos déplacés sur la communauté homosexuelle. «On a voté l’amendement des PD», lâche la députée après avoir voté en faveur d’un amendement favorable aux réfugiés LGBT.
Mais ce n’est pas tout. Laëtitia Avia aurait également maille à partir avec ses collègues de la gent féminine à l’Assemblée nationale. «Elle insulte souvent les députées qu’elle n’aime pas de "pute". Elle se moque aussi beaucoup de leur physique», assure Nicolas, un ancien collaborateur. Il révèle plusieurs messages dans lesquels celle-ci compare la députée LREM Aurore Bergé au personnage du Pingouin dans Batman.
Des collaborateur «noyés» par le travail
«Travailler pour elle, c’était être sollicitée de 7 heures à 1 heure du matin. Même le week-end», souligne Charlotte, qui a elle aussi partagé la vie professionnelle de celle qui est depuis 2018 présidente du bureau exécutif et porte-parole de LREM. Tous les collaborateurs interrogés estiment avoir été «noyés» par la charge de travail.
«Je suis une députée exigeante envers mes collaborateurs, car ils sont bien payés mais je suis hyper souple sur les horaires. Je suis très peu présente au bureau, donc oui nous échangeons beaucoup par Telegram», se défend Laetitia Avia auprès de Mediapart, démentant avoir employé des «méthodes brutales» ou avoir humilié ses collègues.
«Elle nous demandait de gérer ses rendez-vous personnels comme de prendre rendez-vous chez le notaire ou de réserver une place pour son mari à Roland-Garros», rapporte de son côté Nicolas. D’après Sophie : «Elle avait aussi prévenu l’équipe qu'elle ne supportait pas la chaleur et m'avait demandé d'avoir une bouteille d'eau et un brumisateur toujours sur moi pour elle lorsqu’il faisait chaud. En juin 2018 par exemple, j'ai dû brumiser ses jambes à plusieurs reprises.»
Mediapart raconte par ailleurs comment la députée, professeur à Sciences-Po, aurait fait corriger ses copies de droits des sociétés par un collaborateur, lui ordonnant par exemple de mettre «1,5 [points] en plus» sur chaque copie afin qu’on la «laisse tranquille». Et lorsqu’un de ses étudiants demande un retour sur sa note, celle-ci s’amuse en privé : «On lui dit la vérité ?»
Des messages «tronqués, détournées et décontextualisés», selon Laetita Avia
Réagissant à l’article de Mediapart sur Twitter, la députée dénonce ce qu’elle considère être des «des accusations mensongères et incohérentes à la veille du vote final» de son projet de loi. «Des bouts de messages privés ont été tronqués, détournés et décontextualisés. C’est de la manipulation honteuse, animée par un seul objectif : me nuire et porter atteinte à mon combat politique», fait-elle encore valoir.
C'est l'expression qu'utilisait mon ex-collab[orateur], lui-même homosexuel
Se défendant de toute homophobie sur l’emploi du terme «l’amendement des PD», elle assure : «C'est l'expression qu'utilisait mon ex-collab[orateur], lui-même homosexuel, pour désigner cet amendement que j'ai soutenu. J’ai repris ses mots dans un message sans imaginer qu’il puisse être détourné.»
«Parce que je ne sais que trop à quel point les mots peuvent être blessants, même isolés, j'adresse mes sincères excuses à tous ceux qui [ont] pu se sentir heurtés à la lecture de ces extraits», conclut-elle affirmant vouloir «déposer plainte pour diffamation».
Mediapart a de son côté prévenu que les anciens collaborateurs cités avaient «accepté, au cas où la député attaque Mediapart en diffamation, de témoigner auprès du tribunal des propos et des faits détaillés dans l’article».
Enfin, le site d’investigation révèle que «la déontologue de l’Assemblée nationale a été saisie au moins six fois sur le cas de la députée», tout comme les cabinets du patron des députés LREM, Gilles Le Gendre, et du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui ont «ont également été avisés d’importants "dysfonctionnements"». Des signalements qui seraient restés lettres mortes.
Inconnue du grand public au début de sa mandature, la députée de Paris s'était notamment faite connaître en juillet 2017, après un incident rapporté par Le Canard enchaîné, au cours duquel elle aurait mordu un chauffeur de taxi. Elle avait ensuite justifié son geste, assurant avoir été victime de «tentative de vol et séquestration». Aucune plainte n'avait néanmoins été déposée de la part de Laetita Avia, selon le parquet de Créteil.