France

Confinement : la députée Laetitia Avia accusée d'«abus de pouvoir» par sa collaboratrice

«Ajouter le mensonge à l'indignité ne me semble pas à la hauteur de la fonction parlementaire» : Mediapart révèle un courrier adressé à Richard Ferrand, dans lequel une collaboratrice de Laetitia Avia dénonce un «abus de pouvoir» de la députée LREM.

Le site d'informations en ligne Mediapart, dans un article publié le 1er avril, a divulgué plusieurs courriers émis par une collaboratrice de la députée de Paris et porte-parole du groupe parlementaire La République en marche (LREM), Laetitia Avia, adressés au président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, et à la secrétaire générale du syndicat Solidaires de la chambre basse, Laurence de Saint-Sernin.

La collaboratrice de la députée confirme, dans ces courriers, que Laetitia Avia lui avait ordonné, le 16 mars au soir selon les révélations de Libération, d'interrompre ses vacances dans le Gard, mais aussi son confinement, pour télétravailler à Paris. Une décision prise de surcroît à la suite du discours du président Emmanuel Macron, annonçant notamment un confinement renforcé d'au moins deux semaines du fait de la pandémie de Covid-19, alors même que «la députée connaissait la situation médicale de sa collaboratrice, atteinte d'une maladie auto-immune et donc bien plus vulnérable face au Covid-19», d'après Mediapart.

«Je ne vois pas d'ailleurs comment cela pourrait être possible»

En réaction à la publication de l'article de Libération, la députée de Paris avait vigoureusement démenti les dires de sa collaboratrice, d'abord sur Twitter : «Jamais je n'ai "forcé" une collaboratrice à rentrer à Paris, ni d’ailleurs à venir travailler physiquement, le télétravail étant la règle dans mon équipe depuis plusieurs semaines. J'ai demandé un droit de réponse à [Libération] rappelant que la préservation de la santé est ma priorité», s'est-elle défendue.

Avant de publier un droit de réponse dans lequel Laetitia Avia explique qu'il lui «semblait préférable qu'elle rentre à Paris en raison de sa condition médicale et de celle de sa mère», d'après Mediapart. Et de poursuivre : «Contrairement à ce qui est indiqué dans votre article [celui de Libération], il n'a jamais été question de demander un "rapatriement de force". Je ne vois pas d'ailleurs comment cela pourrait être possible.» 

Toutefois, l'article de Mediapart révèle plusieurs échanges entre la collaboratrice et des membres de l'Association des collaborateurs progressistes (l'ACP) par le biais de l’application Telegram, dans lesquels «la collaboratrice expliquait qu'elle était contrainte d'interrompre son confinement dans le seul but de télétravailler depuis la capitale. Et que la députée lui proposait de faire appel [au ministre de l'Intérieur] Christophe Castaner».

«Abus de pouvoir» ?

Dans un e-mail adressé à Richard Ferrand datant du 19 mars, la collaboratrice «conteste vivement le démenti de sa députée» et confirme effectivement que celle-ci «lui a proposé de solliciter les services du ministère de l'Intérieur pour qu'elle interrompe son confinement malgré la loi», écrit Mediapart.

Ajouter le mensonge à l'indignité ne me semble pas à la hauteur de la fonction parlementaire

«Nous traversons la pire des crises sanitaires, les morts se comptent par milliers, mais je dois traverser la France en véhicule militaire pour pouvoir télétravailler depuis ma résidence principale, sauf à ce que ma députée m'autorise magnanimement à rester sur mon lieu de confinement. Monsieur le Ministre de l'Intérieur a bien mieux à faire et je souhaite aux moyens de l'Etat d'être utilisés à meilleur escient», dénonce-t-elle dans ce courrier à l'attention du président de l'Assemblée nationale, relayé par Mediapart.

Et d'ajouter, toujours dans l'e-mail adressé à Richard Ferrand : «Je suis blessée et en colère du comportement de ma députée, et des conséquences sur mon quotidien. Je n'ai d'autres choix que de quitter l'équipe parlementaire avec laquelle je travaille depuis deux ans. Etre exposée dans la presse ne me réjouit pas, mais l'article est malheureusement véridique. Ma députée a choisi de démentir avec vigueur, quand il faudrait laisser le drame passer.»

Quant aux prétendues raisons médicales avancées par Laetitia Avia : «Je ne vous aurais pas contacté si elle ne prétendait désormais que ses démarches pour me rapatrier étaient motivées par ma santé et l'âge de mon conjoint. C'est faux. A aucun moment dans les 48 heures de conversation que nous avons eues sur ce sujet, elle n'a mentionné ma situation sanitaire.»

La collaboratrice de la porte-parole du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale dénonce donc un «abus de pouvoir», et dit se sentir «outrée du comportement de cette parlementaire qui n'a pas hésité à vouloir mettre [s]a vie et celle de [s]on conjoint en danger et à mettre en porte-à-faux le message du gouvernement, avant de se draper dans les meilleures intentions du monde».