France

Première apparition masquée d'Emmanuel Macron... à rebours de la communication du gouvernement

Aussitôt dit, aussitôt démenti ? Alors que la porte-parole de l'Elysée venait d'expliquer quelques heures plus tôt pourquoi Emmanuel Macron ne portait pas de masque en conseil des ministres, il a fait sa première apparition avec un masque à Mulhouse.

«Pourquoi le président de la République n'est pas muni d'un masque ? Mais tout simplement parce qu'il n'y a pas besoin d'un masque dès lors que l'on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres» a expliqué Sibeth Ndiaye lors d'une conférence de presse le 25 mars, avant d'ajouter qu'une «distance d'un mètre» était respectée entre les ministres et qu'elle agirait «comme une protection naturelle» contre «les postillons [...] la toux et les éternuements». Et la porte-parole de l'Elysée de conclure : «Dès lors que la recommandation sanitaire qui est faite est que le port du masque, en population générale, lorsque nous ne sommes pas malades et pas soignants, n'est pas utile, il n'y a pas de raison pour que le président de la République déroge aux prescriptions qui sont réalisées pour l'ensemble de la population française.»

Signaux contradictoires

Petit loupé de communication présidentielle ? Malheureusement pour Sibeth Ndiaye, quelques heures seulement après cette explication, Emmanuel Macron apparaissait pour la première fois ce 25 mars avec un masque de protection sanitaire lors de sa visite à l'hôpital Emile Muller à Mulhouse dans la région Grand Est très durement frappée par l'épidémie de Covid-19.

La séquence n'a pas échappé à certains internautes qui ont mis en scène ce paradoxe. Et pour cause, avant même ce 25 mars, la communication gouvernementale avait plutôt insisté sur... l'efficacité limitée des masques.

Sibeth Ndiaye avait ainsi déjà suscité des critiques lorsqu'elle avait déclaré – deux mois après que le port du masque eut été recommandé par le ministère de la Santé afin de «réduire la diffusion des microbes», le 20 mars sur BFM TV : «Vous savez quoi, je ne sais pas utiliser un masque !» et la porte-parole de sous-entendre que le port du masque pouvait même s'avérer contre-productif pour les Français : «Parce que l’utilisation d’un masque, ce sont des gestes techniques précis, sinon on se gratte le nez sous le masque, on a du virus sur les mains ; sinon on en a une utilisation qui n’est pas bonne, et ça peut même être contre-productif.»

Des propos qui n'ont pas tardé à mettre de l'huile sur le feu concernant la gestion gouvernementale de la crise du coronavirus, dans un contexte social explosif lié au manque de moyens (et de masques) attribués à l'hôpital public et aux soignants.

«Seul le personnel soignant, et les malades dans leur chambre ont besoin de porter un masque», a pour sa part martelé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon.

Le nouveau ministre des Solidarités et de la Santé qui a remplacé au pied levé la démissionnaire Agnès Buzyn candidate à la mairie de Paris, Olivier Véran a quant à lui assuré le 22 mars sur le plateau du Grand Jury : «Il ne faut pas considérer que le port du masque serait l'alpha et l'omega de la protection des personnes» et d'ajouter sur LCI ce même jour : «Les services de réanimation sont pleins de gens qui pensaient qu’un masque les protégerait.»

Le président «dans les tranchées» ?

Emmanuel Macron a-t-il entendu les médecins (les docteurs Marty et Deray) présents sur le plateau de CNews le 23 mars qui s'inquiétaient de voir le président de la République ne pas donner l'exemple en se protégeant ? En constatant que l'Elysée avait choisi de comparer Emmanuel Macron à «Georges Clémenceau dans les tranchées», le Dr Deray avait notamment déploré : «C'est dommage [...] il ne faut pas que certains se croient invincibles face au coronavirus d'une part parce que l'on ne l'est pas. Deuxièmement, il y a un exemple à donner. Troisièmement, si on se contamine, on contamine. C'est pas les tranchées, c'est pas 1914, c'est un autre combat.»

Réagissant également à cette sortie élyséenne, le Collectif de l'Union des policiers nationaux indépendants, contacté par RT France, a pour sa part dénoncé : «Au fait monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le préfet de police, si l'odeur de la poudre vous manque tant que cela, retournez-vous, non pas vers les caméras, allez plutôt vous intéresser aux secteurs "perdus", ceux que vous oubliez dans vos communiqués guerriers et vengeurs. Une jeune ADS [policière adjointe de sécurité] est victime d'une fracture du crâne suite à une agression par des "rebelles" au confinement. Voilà des ennemis bien concrets monsieur le président. Vous voulez du combat ? Pas de souci, suivez le chemin qui mène à ces fameux territoires perdus qui n'existent pas, si votre ministre ne sait pas où ils se trouvent, les simples flics de terrain sauront vous indiquer le chemin, ne vous en faites pas. Nous ne savons pas si vous êtes une réincarnation de Clemenceau, Churchill, Alexandre le Grand ou Gengis Khan, soyez seulement le président de la République française, ce sera déjà pas mal.»

Forces de l'ordre sacrifiées !

Le syndicat des cadres de la sécurité intérieure a quant à lui fait allusion à la décision du ministère de l'Intérieur (annoncée par une intersyndicale policière) de réquisitionner les stocks de masques FFP2 disponibles au sein des forces de l'ordre pour les réorienter vers les agences régionales de santé : «A l’heure où Emmanuel Macron vient de démontrer l’intérêt de porter un masque pour se protéger place Beauvau demande que tous les masques FFP2 disponibles pour les policiers soient reversés aux ARS, forces de l'ordre sacrifiées !»

Ces annonces interviennent également le même jour que le premier décès des suites du Covid-19 au sein des forces de l'ordre et plus particulièrement de la gendarmerie, un maréchal des logis de 51 ans est décédé à son domicile, ainsi que l'a annonce le Collectif autonome des policiers d'Ile-de-France le 25 mars au soir.

Le gendarme, qui n'était pas au contact du public, selon une déclaration de la gendarmerie nationale, résidait à Maisons-Alfort, ville où se situe une des plus importantes casernes de gendarmerie en France.

Depuis plusieurs semaines, les collectifs et les syndicats de police dénoncent un manque de protections sanitaires individuelles élémentaires pour les membres des forces de l'ordre. Le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Laurent Nunez, a pour sa part assuré qu'il n'y avait pas de pénurie de masques sur le plateau du 20 heures de France 2 le 20 mars.

L'Unsa-Police a appelé les policiers à ne plus réaliser de contrôles de confinement sans équipement approprié le 24 mars. 

Le 25 mars au soir, une intersyndicale policière a menacé derechef le gouvernement de limiter les sorties des effectifs aux plus strictes urgences et de ne plus réaliser les contrôles de confinement si les protections sanitaires individuelles appropriées n'étaient pas fournies aux membres des forces de l'ordre.

Antoine Boitel

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