France

Affaire Griveaux : Beauvau ne voit pas de raisons de retirer le statut de réfugié à Pavlenski

Deux informations judiciaires ont été ouvertes après la diffusion de vidéos ayant conduit Benjamin Griveaux à retirer sa candidature à la mairie de Paris. L'artiste russe ayant revendiqué cet acte et sa compagne doivent être présentés à la justice.

Mercredi 19 février

L'artiste russe Piotr Pavlenski, mis en examen dans le cadre du scandale ayant poussé Benjamin Griveaux à renoncer à la mairie de Paris, peut-il pour cela se voir retirer son statut de réfugié ? Non, juge-t-on au ministère de l'Intérieur.

«Les éléments reprochés à Piotr Pavlenski ne peuvent être regardés comme justifiant un retrait du statut au sens de l'article L711-6» du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, affirme-t-on à l'AFP au ministère de l'Intérieur. Cet article prévoit qu'il peut être mis fin à ce statut dans deux cas. 

S'il y a «des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat». Ou si elle «a été condamnée en dernier ressort (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française».

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), organe sous tutelle de l'Intérieur qui octroie l'asile, précise pour sa part que trois crimes peuvent justifier un retrait du statut: les crimes contre la paix, les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité. «Clairement, ce n'est pas le cas» de Piotr Pavlenski, souligne-t-on Place Beauvau.

Mercredi matin, explique-t-on de même source, l'Ofpra ne s'était pas autosaisi ou n'avait pas été saisi par les autorités sur cette question, comme la législation l'y autorise en cas d'éventuel risque pour l'ordre public. Et l'Intérieur serait «très surpris» qu'il le soit.

Mardi 18 février

Piotr Pavlenski, artiste et opposant russe réfugié en France qui revendique la publication des vidéos à caractère sexuel attribuées à Benjamin Griveaux, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, annonce son avocat.

En revanche, l'artiste russe, également mis en cause dans un autre dossier portant sur des violences avec arme commises le 31 décembre, n'a pas été mis en examen dans cette enquête et sera remis en liberté dans la soirée, d'après son avocat Yassine Bouzrou. Dans cette seconde procédure, le parquet de Paris avait requis le placement en détention provisoire du Russe, réfugié politique en France depuis 2017.

La compagne de Piotr Pavlenski, Alexandra de Taddeo a été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, a annoncé son avocate Noémie Saidi-Cottier à l'issue de l'interrogatoire.

L'avocate, citée par l'AFP, a précisé qu'Alexandre de Taddeo, destinataire des images à caractère sexuel attribuées à Benjamin Griveaux, avait été mise en examen dans l'information judiciaire ouverte le jour-même pour «atteinte à l'intimité de la vie privée» et «diffusion sans l'accord de la personne d'un enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenues avec son consentement ou par elle-même», a précisé l'avocate. Son contrôle judiciaire l'empêche d'entrer en contact avec Piotr Pavlenski.

«Elle est la destinataire, elle le reconnaît sans objection, c'est bien elle. Elle les a gardées, pas pour les diffuser sur un site internet, elle les a gardées pour les garder», a déclaré son avocate Noémie Saidi-Cottier.

«Sa position est claire, elle n'est pas à l'initiative de la diffusion des images, elle conteste son implication dans la diffusion des images. Pour le reste, elle apporte son soutien total à son petit ami», a expliqué l'avocate.

Après s'être entretenu avec Piotr Pavlenski, dont il avait été dessaisi, Juan Branco annonce qu'il renonce finalement à défendre l'activiste russe. L'avocat parisien, lors d'un point presse, a ajouté avoir conseillé à l'artiste et opposant russe de choisir un «nouveau conseil», invoquant «la situation actuelle».

Juan Branco a ajouté que Piotr Pavlenski serait désormais défendu par un autre avocat, Yassine Bouzrou.

Le parquet de Paris a ouvert ce 18 février deux informations judiciaires contre l'artiste russe Piotr Pavlenski, la première pour des violences commises avec arme le 31 décembre et la seconde, qui vise aussi sa compagne Alexandra de Taddeo, pour la diffusion de vidéos intimes de l'ancien candidat LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux.

Le placement en détention provisoire de Piotr Pavlenski a été requis par le parquet pour les violences commises le soir du réveillon, a annoncé ce dernier.

Pour l'affaire de la diffusion des vidéos qui a poussé Benjamin Griveaux à renoncer à la mairie de Paris, le parquet a demandé le placement sous contrôle judiciaire de l'artiste et de sa compagne.

Lundi 17 février

Le Parquet de Paris, cité par l'AFP, annonce que Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo vont être présentés à un juge d'instruction dans le cadre de l'affaire Griveaux.

L'artiste et opposant russe et sa compagne sont susceptibles d'être mis en examen par le magistrat, dans le cadre d'une information judiciaire qui sera ouverte le matin du 18 février. 

Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo avaient été placés ce week-end en garde à vue pour «atteinte à l'intimité de la vie privée» et «diffusion sans l'accord de la personne d'images à caractère sexuel», dans le cadre d'une l'enquête ouverte à la suite du dépôt d'une plainte contre X de Benjamin Griveaux. Ces gardes à vue ont été levées dans l'après-midi du 17 février. 

Réfugié politique en France depuis 2017, Piotr Pavlenski, 35 ans, a affirmé être à l'origine de la mise en ligne des vidéos incriminées, assurant vouloir dénoncer l'«hypocrisie» de Benjamin Griveaux.

«[L'ancien candidat] a utilisé sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris. Il a fait de la propagande des valeurs familiales traditionnelles», a affirmé Piotr Pavlenski.

L'avocat de Benjamin Griveaux, Richard Malka, a qualifié cette justification de «grotesque» et dit douter que l'artiste russe soit le seul responsable de la diffusion des vidéos.

La compagne de 29 ans de l'opposant russe réfugié en France aurait été au départ la destinataire des vidéos en question, selon plusieurs sources citées par l'AFP.

Sur Twitter, Juan Branco annonce avoir signalé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) Apolline de Malherbe, qui l'a interviewé sur la chaîne BFM TV. Pour solder un entretien particulièrement tendu, la présentatrice de la chaîne a notamment conclu en mettant explicitement en cause le rôle de l'avocat parisien dans l'affaire Griveaux, lançant : «Plus on vous entend et plus on se demande si Piotr Pavlenski n'est pas que l'exécutant et vous le manipulateur. Merci d'avoir été, quand même, notre invité.»

L'artiste russe Piotr Pavlenski, qui a revendiqué la mise en ligne de vidéos intimes qui ont poussé Benjamin Griveaux à renoncer à briguer la mairie de Paris, «a sans doute été aidé», a estimé la porte-parole du gouvernement.

Interrogée sur LCI pour savoir si cette affaire relevait d'une manipulation politique plus importante, Sibeth Ndiaye a répondu qu'il était prématuré de le dire puisque «l'enquête ne fait que démarrer» et qu'il fallait «laisser du temps à l'enquête pour se dérouler».

«Moi je ne veux pas verser dans le complotisme. Néanmoins, je remarque qu'il y a quand même une certaine forme de technicité pour mettre en oeuvre tout cela», a déclaré la représentante du gouvernement, en évoquant «le fait de construire un site Internet, le fait d'écrire en français parfaitement alors que manifestement, Piotr Pavlenski parle certes français, mais avec quelques difficultés». 

«Donc il a sans doute été aidé, je ne suis pas sûr que ce soit le personnage central de cette affaire», a-t-elle conclu.

Dimanche 16 février

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé ce 16 février avoir été désignée candidate aux élections municipales de Paris par la commission d'investiture de La République en marche (LREM), en attente de son investiture officielle après le retrait de Benjamin Griveaux.

«J'y vais, j'en ai envie», a-t-elle déclaré, assurant qu'elle y allait «pour gagner». «Je souhaite aujourd'hui partager avec les Parisiennes et les Parisiens mon désir de rejoindre la campagne municipale de Paris : j'aime Paris, je la connais, j'y suis née, j'y habite depuis toujours, et je pense avoir beaucoup à apporter à toutes celles et tous ceux qui, comme moi, y vivent au quotidien», a-t-elle ajouté.

Evoquant un «surcroît d'activité intense, notamment liée à la gestion du coronavirus», la ministre annonce qu'elle présentera sa démission au chef du gouvernement Edouard Philippe «dès ce soir».

L'avocat parisien Juan Branco annonce qu'il est dessaisi de la défense de Piotr Pavlenski et tacle le parquet de Paris, qui aurait selon lui pris cette décision «infondée et inadmissible». De son côté, cité par L'Express, le parquet affirme que la décision relève de «raisons propres à la défense» et précise qu'il n'a pas la compétence pour dessaisir un avocat de son client. «Seul le bâtonnier peut demander à un avocat de se retirer», écrit le journal, qui cite le parquet.  

Selon le parquet de Paris, la compagne de l'artiste russe Piotr Pavlensky a été placée en garde à vue dans la soirée du 15 février pour «atteinte à l'intimité de la vie privée» et «diffusion sans l'accord de la personne d'images à caractère sexuel», dans le cadre de l'enquête ouverte à la suite du dépôt de plainte de Benjamin Griveaux.

Piotr Pavlensky avait quant à lui été dans un premier temps placé en garde à vue plus tôt, dans le cadre d'une autre affaire portant sur des violences commises le soir du 31 décembre 2019. Mais celle-ci a finalement été suspendue, et il a été placé en garde à vue dans le cadre de l'affaire Griveaux, pour les mêmes motifs que sa compagne.

Réfugié en France où il jouit de l'asile politique, l’artiste russe avait reconnu dans les colonnes de Libération être à l'origine de la diffusion des images. Il avait confié vouloir «dénoncer l’hypocrisie» de l’ex-porte-parole du gouvernement, affirmant tenir cette vidéo d’une «source» qui avait une relation consentie avec Benjamin Griveaux. «C'est quelqu'un qui s'appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu'il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire», avait ajouté le ressortissant russe.

La nationalité de Piotr Pavlensky a par ailleurs été à l'origine de folles rumeurs. Certains ont ainsi sauté sur l'occasion pour laisser entendre que l'artiste polémique pourrait être téléguidé par Moscou. Et ce, en dépit du fait qu'il soit… un opposant public de Vladimir Poutine.

Paris devait être la vitrine de la macronie pour les municipales. Avec l'affaire Griveaux, elle devient un calvaire pour la majorité présidentielle. La République en marche (LREM) avait pourtant fait de la capitale et des principales villes françaises des objectifs prioritaires. Avec un ancrage local faible, le parti comptait notamment sur Paris pour limiter la casse.