France

Nuances politiques aux municipales : le Conseil d'Etat désavoue la circulaire Castaner

Trois dispositions de la circulaire Castaner, visant notamment à effacer pour les municipales la nuance politique des communes de moins de 9 000 habitants, ont été suspendues par le Conseil d'Etat. Christophe Castaner n'abdique toutefois pas.

Le Conseil d'Etat vient d'infliger un nouveau désaveu à la macronie. Le 31 janvier, l'institution a cette fois-ci décidé de suspendre trois dispositions de la circulaire du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Celle-ci souhaitait supprimer toute nuance politique aux listes et candidats aux élections municipales pour les communes de moins de 9 000 habitants.

De fait, le Conseil d'Etat a suspendu le seuil d'«attribution des nuances [politiques] dans les seules communes de 9 000 habitants ou plus» et «les conditions de la nuance "Liste divers Centre"». Ces deux dispositions étaient particulièrement dénoncées par l'opposition. Six recours avaient en effet été déposés contre le texte, notamment par Les Républicains (LR), le Parti communiste (PCF), le Parti socialiste (PS) et Debout la France (DLF).

Le juge des référés a ainsi relevé qu'«une telle limitation conduit, dans plus de 95% des communes, à ne pas attribuer de nuance politique et exclut ainsi de la présentation nationale des résultats les suffrages exprimés par près de la moitié des électeurs». «Le seuil retenu par la circulaire a, en conséquence, pour effet potentiel de ne pas prendre en considération l’expression politique manifestée par plus de 40% du corps électoral pour les prochaines élections», ajoute le Conseil d'Etat.

«Le juges des référés du Conseil d’Etat en a déduit qu’une telle limitation ne pouvait être appliquée, au regard de l’objectif d’information des citoyens poursuivi par la circulaire», argumente le communiqué. Avec la circulaire Castaner, les résultats nationaux allaient en effet être amputés de 96% des communes et du choix de près d'un électeur sur deux.

Le Conseil a par ailleurs jugé que la nuance «Liste divers Centre» exigée par la circulaire instituait «une différence de traitement entre les partis politiques, et méconnaissait dès lors le principe d'égalité» avec pour principal motif que «[les] listes qui seront soutenues par les partis LREM, le Modem, l’UDI ou par "la majorité présidentielle", [...] seront comptabilisés dans la nuance "divers centre", alors que le soutien d’un parti de gauche ou d’un parti de droite à une liste ne permet pas de prendre en compte ses résultats au titre respectivement des nuances "divers gauche" et "divers droite".»

Le but de ces deux dispositions voulues par le ministère de l'Intérieur était ainsi de gonfler artificiellement le score de La République en marche (LREM), à l'issue des municipales. LREM a un potentiel électoral plus fort dans les plus grandes communes et pouvait se targuer d'avoir remporté des batailles par le simple fait d'avoir soutenu une liste PS ou LR.

Concernant DLF, le parti a été entendu par le Conseil puisque celui-ci a aussi suspendu l'étiquetage des listes Debout la France dans le bloc «extrême droite». Pour le Conseil, le classement de la liste DLF dans «le bloc de clivage "extrême droite" ne s'appuyait pas sur des indices objectifs», un tel classement n'ayant pas pris en compte «le programme de ce parti et l'absence d'accord électoral conclu avec le Rassemblement national».

L'opposition salue le verdict du Conseil d'Etat

Membre du bureau national de DLF, Damien Lempereur, se félicite de cette décision : «Le Conseil d'Etat censure la tentative du Gouvernement LREM de classer Debout la France à l'extrême pour "erreur manifeste d'appréciation" (dans le langage du Conseil d'Etat cela signifie une erreur grossière confinant à la mauvaise foi caractérisée).»

Le Parti socialiste s'est aussi réjoui du communiqué du Conseil d'Etat : «La démocratie a gagné aujourd'hui. Le Conseil d'État nous donne raison : nos concitoyen·ne·s sauront pour qui ils·elles votent et qui dirige leur commune. La manœuvre politicienne de LREM et de Christophe Castaner a été stoppée par l'Etat de droit.»

Les Républicains étaient aussi nombreux à commenter, à l'instar de la députée Les Républicains des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer : «Succès pour le recours des Républicains contre cette manœuvre politique ! Ravie que le Conseil d'Etat suspende enfin la circulaire Castaner qui menaçait de profondément camoufler les résultats de LREM lors des municipales.»

L'eurodéputé du Rassemblement national, Jordan Bardella note que le «Conseil d’Etat rappelle à la macronie que nous sommes en Démocratie» : «Énième désaveu pour Christophe Castaner qui, plutôt que de chercher à tout prix à manipuler le résultat des urnes, ferait mieux de protéger les Français de l'explosion de l'insécurité !»

Après le communiqué du Conseil d'Etat, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat Laurent Nuñez ont annoncé que leur circulaire sur le «nuançage» politique aux municipales serait «modifiée» pour tenir compte de la décision du Conseil d'Etat d'en suspendre une partie. Dans un communiqué, ils ont toutefois souligné que la circulaire serait «modifiée sans renoncer à répondre aux demandes des élus locaux et à correspondre aux mutations du paysage politique français».

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