Le choix de l'artiste franco-algérienne Zineb Sedira pour figurer au pavillon français à la prochaine biennale de Venise qui se tiendra de mai à novembre 2021 ne plaît pas à tout le monde. Des personnalités et associations, parmi lesquelles le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) ou encore le très médiatique philosophe Bernard Henri-Levy accusent l'artiste d'avoir refusé en 2017 que ses œuvres soient exposées dans les territoires occupés par Israël. Ils lui reprochent en outre d'être liée au mouvement de boycott BDS (une campagne visant à promouvoir une stratégie de boycott, de désinvestissement et de sanctions à l'encontre d'Israël pour protester contre la colonisation), ce que la principale intéressée a formellement démenti.
«Comment après l'émouvant voyage d'Emmanuel Macron en Israël, la France peut-elle choisir, pour la représenter à la biennale d’art de Venise, une artiste activiste du BDS, chantre du boycott d’Israël ?» a écrit Bernard-Henry Lévy (BHL) le 29 janvier sur son compte Twitter. Le philosophe et grand défenseur de l'Etat hébreu, a joint à son message une lettre envoyée par Jacqueline Frydman, galeriste qui se présente comme présidente de l'association ISART de promotion des échanges culturels entre la France et Israël, au ministre de la Culture Franck Riester. Un message retweeté notamment par l'ancien Premier ministre français Manuel Valls.
«Dérives antisionistes et antisémites»
Dans la lettre de Jacqueline Frydman, on peut notamment lire : «La sélection de cette artiste, membre d’une organisation appelant à l’exclusion d’un pays démocratique et de ses artistes avec les dérives antisionistes et antisémites que l’on connaît, est une promotion de la campagne dite BDS dont les appels au boycott d’Israël en France ont été condamnés par la plus haute juridiction française.»
Même son de cloche de la part de Francis Kalifat. Le président du CRIF interpelle également dans un tweet le ministre de la Culture Franck Riester et le président de la République en exprimant sa «vive émotion» et son incompréhension, et en se demandant «comment une artiste fervente partisane du BDS, illégal en France, peut-elle représenter notre pays à la biennale de Venise ?»
«Je condamne fermement tout boycott» : la principale intéressée dément
En 2017, lors de la Biennale de la Méditerranée à Sakhnine (un village arabe en Israël), Zineb Sedira s’était opposée à l’envoi de ses œuvres. Dans un communiqué, repris par des pages Facebook appelant au boycott d'Israël, Zineb Sedira cosignait, avec deux autres artistes franco-marocaines, Yto Barrada et Bouchra Khalili, une demande de retraits de leurs œuvres. «Nous exprimons notre totale solidarité avec nos collègues palestiniens et le peuple palestinien. Nous demandons que nos œuvres soient retirées de la Biennale de la Méditerranée à Sakhnin (Palestine occupée)», auraient alors écrit les trois femmes dans ce texte repris par les détracteurs de Zineb Sedira, selon une capture d'écran relayée par BHL, dont l'authenticité n'a pu être vérifiée.
Devant la polémique qui enflait, Zineb Sedira a démenti, dans un communiqué à l'AFP ce 29 janvier 2020, les «accusations infondées et calomnieuses» affirmant qu'elle avait des liens avec le mouvement politique BDS. «Je suis heureuse de représenter la France lors de la Biennale 2021 et m’attacherai toujours à lutter contre toutes formes de haine, d’actes ou de propos racistes ou antisémites», affirme l'artiste dans un texte transmis à l'agence de presse. Elle assure n'avoir jamais adhéré au BDS ni eu d’accointance avec ce mouvement. «Je condamne d’ailleurs fermement tout boycott et je ne peux être associée ou être solidaire du BDS», déclare-t-elle dans ce communiqué. «Je m’oppose au BDS et à tout boycott global qui aurait pour résultat contre-productif d’affecter et de paralyser les femmes et les hommes désireux de vivre en paix», ajoute-t-elle.
L'artiste franco-algérienne va même jusqu'à nier avoir «participé à la moindre promotion des appels au boycott d’Israël», expliquant que sa démarche en 2017 lors de la Biennale de la Méditerranée était animée par des motivations «purement artistiques», en raison des mauvaises conditions d'installation d'une de ses vidéos «And the road goes on». Zineb Sedira accuse même le BDS d'avoir «instrumentalisé» le retrait de son œuvre à l'époque. L'artiste ajoute avoir déjà eu le plaisir d'exposer ses œuvres «au musée d'Herzlia [...] et plus anciennement à Jérusalem et à Nazareth».
«Elle condamne à présent BDS et toute forme de discrimination et de haine : c’est l’essentiel»
BHL s'est réjoui du démenti de l'artiste, dans un message sur Twitter ce 30 janvier : «Elle condamne à présent BDS et toute forme de discrimination et de haine : c’est l’essentiel. Je suis heureux que la lettre de Jacqueline Frydman à Frank Riester ait pu clarifier les choses, dans un champ qui ne souffre ni demi mot ni malentendu.»
Le BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) est une campagne qui promeut les boycotts économiques, culturels et politiques d'Israël en solidarité avec le peuple palestinien.
Emmanuel Macron s'est rendu en Israël pour assister notamment aux cérémonies organisées à l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, le 23 janvier, à Jérusalem. A l'occasion de ce voyage, le président de la République a estimé que s'il était possible d'avoir des désaccords avec Israël, la négation de son existence relevait de l'antisémitisme. «L'antisionisme, lorsqu'il est la négation de l'existence d'Israël comme Etat, est un antisémitisme», a notamment déclaré Emmanuel Macron à l'occasion de sa visite à Jérusalem.