France

La grève du 5 décembre ou le numéro d'équilibriste du RN sur les questions sociales

Si le RN a déclaré qu'il soutenait la grève contre la réforme des retraites, certains de ses représentants, dont Marine Le Pen, ne seront pas dans la rue le 5 décembre. Un numéro d'équilibriste qui pourrait être contre-productif dans les urnes ?

Cette fois, le Rassemblement national (RN) est affirmatif : il soutient «sans réserve» la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites. Interrogée par BFM TV, Marine Le Pen a affirmé comprendre «parfaitement qu'il y ait une journée de grève». Pour autant, la présidente du parti ne sera pas dans les cortèges le 5 décembre ; il y «aura sûrement des responsables du RN qui iront» à la manifestation, a-t-elle précisé lors d'un entretien à 20 Minutes. C'est le cas du trésorier du RN Wallerand de Saint-Just, et du délégué national aux Ressources Jean-Lin Lacapelle, qui devraient «probablement » manifester.

A l'inverse, l'eurodéputé Louis Alliot considère que la mobilisation «ne mène pas à grand-chose» et croit davantage «à la révolution par les urnes». Pour lui, «le débat sur les retraites ne se réglera pas dans la rue».

Car le RN national n'est pas le bienvenu dans la manifestation : «Les solutions de gens qui sont racistes ne sont pas les bienvenues dans les mouvements sociaux», a déclaré Philippe Martinez, le patron de la CGT. Réponse du berger à la bergère : Nicolas Bay ne défilera pas au côté du syndicaliste, « qui, il y a 15 jours, manifestait avec les islamistes» – une référence à la marche parisienne polémique «Stop à l'islamophobie». La CGT n’est «pas propriétaire de la contestation», a complété Jordan Bardella, le vice-président du RN.

Revirement

Les électeurs du FN avaient déjà soutenu le mouvement de contestation de la loi travail en 2016, ou encore les grèves de 1995 contre la réforme des régimes spéciaux, selon le politologue Jean-Yves Camus, interrogé par l'AFP. Mais, «entre défendre des revendications et aller dans la rue, il y a un pas difficile à franchir» pour le RN, note-t-il.

Avant 2017, le RN était pourtant beaucoup plus prompt à aller manifester, quitte à s'éloigner d'une partie de la droite plus sensible à l'immigration qu'aux questions économiques. Mais la défaite contre Emmanuel Macron au second tout de la présidentielle a rabattu les cartes.

Pour preuve, il y a encore un mois, pas sûr que beaucoup auraient parié sur un soutien du RN aux grévistes. «Je suis bloqué et parti pour des heures de galère à cause de la "grève surprise" à la SNCF. Bon courage à ceux qui allaient bosser ou qui pensaient pouvoir partir en vacances !», avait fustigé sur Twitter Jordan Bardella, lors de la grève des cheminots, le 19 octobre.

De son côté, Marine Le Pen était plus nuancée. Ils ont «certainement raison sur le fond pas sur la forme», avait-elle déclaré sur RTL le 18 octobre.

Stratégie payante ou perdante ?

L'enjeu vraisemblable pour le RN avec cette stratégie du «ni oui ni non» : conserver son électorat populaire, sans froisser l'électorat de droite plus aisé. Sauf qu'à vouloir plaire à tout le monde, le parti de Marine Le Pen prend-il le risque de troubler ses électeurs et de ne convaincre personne, à l'arrivée ? Pas forcément, répond à l'AFP Jean-Yves Camus, pour qui cet électorat «épouse les revendications sociales mais a une profonde détestation du désordre et de l'extrême gauche».

Depuis deux ans, Florian Philippot regrette ce double discours, ou plutôt l'orientation libérale prise, selon lui, par le RN depuis l'élection d'Emmanuel Macron. C'est l'une des raison pour lesquelles il a mis les voiles, en septembre 2017, pour fonder Les Patriotes. Au FN, «ils ne savent plus où ils habitent [...] Il n'y a plus de colonne vertébrale», déplorait-il sur France Info trois mois après son départ. L'ex-numéro 2 du Front national, qui incarnait la ligne «sociale» au sein du Front, est convaincu que cette stratégie ne permettra pas à son ancien parti d'arriver au plus haut sommet de l'Etat. Réponse aux prochaines élections.

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