Urgences en crise : le plan Buzyn «à côté de la plaque» face à un service public en danger ?
Le système public de santé se dégrade en France et la grève des urgentistes traduit le malaise que traverse la profession, en dépit des récentes annonces gouvernementales. Pour l'heure, le mouvement social reste massivement soutenu par les Français.
«Tout n'est pas à rejeter dans le plan Buzyn mais [en] bricol[ant] un plan dans l'urgence, le gouvernement a tapé à coté de la plaque.» Plus de cinq mois après le début du mouvement de grève au sein des urgences hospitalières de France, le constat est amer pour Jean-Marie Godard, auteur du livre Bienvenue aux urgences édité en mars 2019.
«Il y a une quinzaine de points avec de grands principes et on ne sait toujours pas comment ils peuvent être mis en place», explique le journaliste spécialisé dans le milieu hospitalier, selon qui le plan présenté par Agnès Buzyn est voué à «rafistoler sans rien régler». «Où est la coordination entre médecine des villes et les urgences en hôpital ?», s'interroge-t-il.
En tout état de cause, les récentes annonces gouvernementales n'ont ni convaincu les personnels hospitaliers, ni les Français en général. 64% des Français, ainsi que 86% de la profession, estiment en effet que ce plan n'est pas suffisant, selon un sondage Odoxa réalisé pour Le Figaro Santé et France info, publié ce 29 septembre.
Selon la même étude, le mouvement de grève des urgentistes initié au mois d'avril 2019 reste massivement plébiscité, recevant le soutien de 89% des Français et de 93% de personnels hospitaliers.
Le service public ponctionné par le privé ?
«Le mouvement va continuer, les urgentistes font le boulot mais ils s'épuisent», estime Jean-Marie Godard qui s'inquiète du malaise traversant la profession. Il tire notamment la sonnette d'alarme sur «un travail harassant, des responsabilités lourdes et l'absence de reconnaissance». Selon lui, le problème majeur qui se pose est le phénomène de migration des personnels hospitaliers du public vers le privé, «où les conditions de travail sont meilleures». «Ce qui se passe déjà et qui risque de continuer, c'est que les hôpitaux publics vont avoir de plus en plus de mal à recruter des médecins urgentistes. On se dirige vers une dégradation lente de l'accueil à l’hôpital public si on ne fait rien», estime-t-il.
Et le journaliste d'appeler à la réalisation d'audits dans toute la France : «Les besoins ne sont pas les mêmes partout.»
Précarité, désert médical... En colère, les urgentistes poursuivent la #grève en été#Urgences#hôpital#France
— RT France (@RTenfrancais) August 13, 2019
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A Mulhouse, une femme meurt chez elle après un appel au Samu
Symptôme d'un système des urgences en crise ? Ce 29 septembre, l'antenne Haut-Rhin de France Bleu rapporte que le parquet de Mulhouse vient d'ouvrir une information judiciaire pour «non-assistance à personne en danger» contre le groupement hospitalier de Mulhouse Sud Alsace, concernant le décès d'une femme sexagénaire au mois de juin 2019, après que le Samu ne se serait pas déplacé, malgré un appel passé au centre de régulation médicale des urgences, pour alerter des douleurs à la poitrine ressenties par la femme. Comme le rapporte France Bleu, une information judiciaire pour «non-assistance à personne en danger contre X» a également été ouverte, visant cette fois le médecin régulateur du Samu qui avait pris en charge l'appel.
Fabien Rives
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