Censure ou régulation ? Le projet de loi contre la cyberhaine rencontre des oppositions (VIDEOS)
Lætitia Avia a présenté le 3 juillet le projet de loi contre la cyberhaine que le parti présidentiel avait appelé de ses vœux. Au programme : retrait sous 24h des contenus jugés haineux et amendes pour les plateformes récalcitrantes.
Retrait sous 24h des contenus jugés haineux, «bouton» unique de signalement, amendes pour les plateformes récalcitrantes : le projet de loi Avia sur la cyberhaine est actuellement examiné à l'Assemblée nationale.
Quel que soit leur pays d'établissement, les opérateurs de plateforme en ligne (Facebook, Youtube...) et moteurs de recherche (Google, Qwant...) – dont l’activité sur le territoire français dépassera un seuil déterminé par décret – seront tenus, selon le texte, de retirer ou déréférencer dans un délai de 24h tout contenu «manifestement» illicite, après notification par un ou plusieurs utilisateurs.
Les messages, vidéos ou images concernés sont ceux qui constituent des provocations à des actes de terrorisme, faisant l’apologie de tels actes ou qui comportent une atteinte à la dignité de la personne humaine, une incitation à la haine, la violence ou la discrimination. Les injures envers une personne ou un groupe de personnes «en raison de l’origine, d’une prétendue race, de la religion, de l’ethnie, de la nation, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, vrais ou supposés», seront également bannis. Même sort pour les contenus constitutifs de harcèlement, proxénétisme ou pédopornographie.
Une «course à l’échalote» dénoncée par Marc Rees, rédacteur en chef du site internet Next INpact, qui consacre un article détaillé au projet de loi. Le risque selon lui est que, pressées par la menace de sanctions, les plateformes «suppriment à tour de bras» des contenus.
Blocage et déréférencement des contenus illicites dupliqués («sites miroirs») seront en effet facilités. Et un délit de refus de retrait sera créé : la justice pourra prononcer des amendes jusqu'à 1,25 million d’euros envers les opérateurs. Les éventuels signalements abusifs par les utilisateurs de plateforme seront eux passibles d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Pour faciliter les signalements d'utilisateurs, les plateformes devront mettre en place un dispositif de notification «directement accessible» à partir du contenu litigieux, et «uniforme».
Des manifestants devant l'Assemblée nationale
Les utilisateurs devront indiquer nom, prénom, adresse électronique, la catégorie à laquelle peut être rattaché le contenu litigieux, la description de ce contenu, ainsi que les motifs pour lesquels il doit être retiré, rendu inaccessible ou déréférencé. Devant l'Assemblée nationale, des manifestants se sont mobilisés ce 3 juillet contre le projet de loi et les premières mesures dévoilées. Ils se déclarent inquiets du caractère liberticide de la loi et dénoncent une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
Du point de vue juridique, les plateformes ont l'obligation d’informer «promptement» les autorités des activités haineuses, et d'avoir un représentant légal chargé de répondre aux demandes de la justice. C'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs, et qui pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction allant jusqu'à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.
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