L'annonce de ses deux dates de concert prévues en octobre 2018 au Bataclan, l'un des théâtres du drame des attentats islamistes qui ont touché la capitale en novembre 2015, avait suscité un tollé. Le rappeur Médine avait alors renoncé. Des familles de victimes, des politiques et des associations identitaires avaient en effet accusé l'artiste de complaisance avec l'islamisme radical.
En retour, Médine avait dénoncé «l’extrême droite», coupable selon lui de vouloir «limiter la liberté d'expression». Il s'est finalement produit le 9 février au Zénith de Paris. En amont de ce concert, l'artiste franco-algérien originaire du Havre a rencontré Damien Rieu, ancien porte-parole de Génération identitaire, qui avait été en pointe dans la dénonciation du lieu choisi par l'artiste pour sa représentation. Aujourd'hui assistant parlementaire du député Rassemblement national Gilbert Collard, il a publié le 10 février sur son compte YouTube une vidéo de leur entretien.
Damien Rieu y accuse son interlocuteur d'être un rappeur «islamiste», lui rappelant notamment ses choix de visuels entourant la promotion de l'album «Djihad» et sa proximité avec l'association controversée Havre de Savoir. Cette dernière entend «faire connaître l’islam et ses valeurs d’ouverture et de tolérance, son éthique et sa morale» et est connue pour ses accointances avec certains intervenants proches des Frères musulmans dont les vues antisémites, misogynes ou homophobes sont notoires.
Une heure d'échanges
Citations du rappeur à l'appui, il a ainsi reproché à Médine des incohérences, selon lui, quant à sa position d'«ambassadeur de l'association». Pour sa part, Médine a expliqué avoir milité pour cette structure surtout dans le cadre «de la défense de la cause palestinienne». Par ailleurs, il a affirmé s'être désengagé du militantisme religieux, estimant dorénavant que ces problématiques relevaient «du privé».
Interpellé sur le profil de Cheikh Youssef al-Qaradawi, islamiste plébiscité par l'association, le rappeur a soutenu – bien que refusant de les condamner – ne pas partager l'ensemble de ses idées concédant avoir pu être «maladroit et pas assez regardant sur des articles postés [sur le site de Havre de Savoir]». Il a en outre affirmé avoir pris ses distances avec l'association depuis quelques années.
Je m'intéresse à Médine le militant
En outre, face à la récurrence des questions de son contradicteur sur les propos tenus par des personnes qu'il a côtoyé dans son parcours religieux, l'artiste havrais a, à plusieurs reprises, encouragé Damien Rieu à s'adresser directement à elles, avec qui Médine dit éprouver lui-même des désaccords. «Je ne parle pas qu'avec des gens avec qui je pense la même chose, la preuve c'est que je suis en train de dialoguer avec vous, pourtant il y a plein de choses sur lesquelles on est séparés.», s'est-il justifié.
Pourquoi un [homme] qui a milité pour une association islamiste a voulu faire [un] concert au Bataclan ?
«Je m'intéresse à Médine le militant», a insisté Damien Rieu, expliquant qu'il voyait en lui deux visages : «Il y a le visage présenté aux médias, un artiste engagé, et il y a le militant.» «Pourquoi un [homme] qui a milité pour une association islamiste a voulu faire [un] concert au Bataclan ?», a-t-il encore interrogé, accusant Médine de faire la taqîya, une pratique consistant à dissimuler ou à nier l'étendue de sa foi en l'islam.
Selon Damien Rieu, qui rappelle que Médine a été menacé de mort par Daesh, il y a «deux sortes d'islamistes» : les islamistes «pressés» et les islamistes «patients». «Les islamistes pressés, ce sont les djihadistes, l'Etat islamique : eux, ils veulent imposer la charia par la violence. Et puis il y a les islamistes beaucoup plus patients, ce sont les Frères musulmans : eux, ils veulent imposer la charia par la démographie, les urnes, le combat électoral, le combat culturel ou méta-politique», détaille-t-il, accusant Médine de faire partie de la deuxième catégorie. Plusieurs fois, l'ancien porte-parole de Génération identitaire reprochera au rappeur de ne pas avoir annulé son concert au Bataclan dès les objections de la première famille de victime, dans ce qu'il rappelle être «un cimetière où des gens sont morts à cause du djihadisme».
Médine estime quant à lui que son interlocuteur n'est pas sans torts dans cette affaire, ayant multiplié les «gesticulations» à ce sujet : «C'est vous qui réveillez la douleur des familles.»