Gilets jaunes : l'usage du LBD 40 créé des dissensions au sein des forces de l'ordre
Toutes placées sous l'égide du ministère de l'Intérieur, les forces de sécurité sont censées présenter un front uni. Cependant, l'usage qui a été fait des moyens intermédiaires de défense – notamment des LBD 40 – divise au sein de l'institution.
Les moyens dits «intermédiaires» utilisés par la police dans le cadre du maintien de l'ordre posent à nouveau question. Un manifestant a en effet eu la main arrachée le 9 février, lors de l'acte 13 de la mobilisation des Gilets jaunes, par l'explosion d'une grenade aux abords de l'Assemblée nationale. Des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD 40) sont aussi pointés du doigt pour avoir occasionné la perte d'un œil chez plusieurs manifestants.
Un décompte du nombre de tirs de LBD 40, révélé par L'Essor et repris par Le Monde, montre que de novembre 2018 au 26 janvier, 8 163 tirs ont été recensés pour la police, tandis que la gendarmerie n'a utilisé cette arme que 1 065 fois sur la même période – soit un rapport d'environ un pour huit.
Depuis le mois de décembre, le malaise sur l'utilisation des armes «intermédiaires» couve aussi bien dans les rangs de la police qu'au sein de la gendarmerie. Le syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) a notamment répondu le 2 février à un tweet de l'Union des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPR).
Les représentants des gradés de la police semblaient estimer que les défenseurs de la gendarmerie ne faisaient pas montre d'assez de «solidarité» entre forces de sécurité et invitaient avec sarcasme les gendarmes en question à «profiter» de leur «retraite» plutôt que de dispenser leurs conseils sur le maintien de l'ordre.
Le maintien de l'ordre est un métier! Toute #unité constituée doit opérer en #uniforme pour assurer la mission. Ces tenues disparates de policier en civil @PoliceNationale faussent les techniques du MO. Manque de cohésion et de stratégie @PorteparoleGN@PorteparoleGN@prefpolice
— UNPR Gendarmerie (@UnprGendarmerie) 2 février 2019
Encore faut-il faire la différence entre des unités de maintien de l’ordre et des groupes interpellateurs. Et surtout, faire preuve de solidarité entre les deux forces, mais c’est trop vous demander. Profitez plutôt de votre retraite. @CCastaner@NunezLaurent@DGPNEricMorvanhttps://t.co/PN9wYhxvit
— Commissaires Police Nationale SCPN (@ScpnCommissaire) 2 février 2019
Un peu plus tôt au mois de janvier, L'Essor estimait que les escadrons de gendarmerie mobile (EGM) faisaient figure de bons élèves comparé à l'action policière lors des manifestations des Gilets jaunes.
Le journal fondait notamment son analyse sur le nombre de saisines de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) par rapport au nombre de saisines des services de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) : aucune saisine de l'IGGN depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, contre 81 saisines de l'IGPN, au moment où l'article avait été écrit.
Les détachements d'action rapide accusés d'utiliser le LBD 40 avec zèle
Depuis lors, l'IGGN a été saisie au moins une fois après la grave blessure à la main d'un manifestant le 9 février. Dans les rangs de la police nationale, la responsabilité des Brigades anti-criminalité (BAC) est parfois pointée par les spécialistes du maintien de l'ordre que sont les Compagnies républicaines de sécurité (CRS) et les Compagnies d'intervention (CI, CDI et CSI).
Une source policière contactée par RT France admettait notamment fin janvier que «la majeure partie des incidents» était imputable à la BAC, mais précisait : «C'est normal, ce sont eux qui sont en première ligne et ce sont aussi eux qui portent les LBD 40. C'est aussi ce choix opérationnel qui est critiquable. Les CRS, eux, savent balancer des grenades, mais les BAC sont moins habituées à tirer au LBD et à utiliser des grenades.»
Ces différents corps travaillent de concert sur le terrain chaque samedi depuis le mois de novembre 2018. Ils sont également épaulés dans leur travail par les Brigades de recherche et d'intervention (BRI) et les Détachements d'action rapide (DAR). Ce sont ces dernières qui sont, selon les informations du Monde, accusées à la fois au sein de la gendarmerie et de la police de faire un usage immodéré du lanceur de balles de défense.
Ces nouvelles sections, mises en place après le saccage de l'Arc de Triomphe le 1er décembre 2018, sont composées chacune d'une vingtaine de fonctionnaires principalement issus des BAC et de la BRI et sont spécialisées dans les interpellations et les déplacements rapides sur le terrain. Elles peuvent s’intégrer à des compagnies de CRS, à des escadrons de gendarmerie mobile (EGM) ou opérer en autonomie.
Interrogé à cet égard par RT France, le porte-parole de l'Union des policiers nationaux indépendants, Jean-Pierre Colombies, a pour sa part refusé de renvoyer la responsabilité des blessures et des incidents sur les DAR. Il a, au contraire, rappelé que les forces de sécurité étaient exsangues après 13 actes de mobilisation des Gilets jaunes et a simplement admis : «Les DAR, cela dépend de l'usage qu'on en fait.»
Antoine Boitel