Mobilisation des Foulards rouges contre les Gilets jaunes : vers un échec ?
Des macronistes veulent montrer leur force au lendemain de l'acte 11. Par peur de l'échec, les élus et le parti LREM soutiennent la démarche du bout des lèvres seulement. Les Foulards rouges vont-ils broyer du noir ?
Ils sont présentés comme des anti-Gilets jaunes et des manifestants pro-gouvernement. Les Foulards rouges aimeraient une mobilisation forte le 27 janvier, au lendemain de l'acte 11, à l'image de la manifestation de soutien au général de Gaulle du 30 mai 1968 – qui avait réuni sur les Champs-Elysées entre 300 000 et un million de personnes. Mais tout semble laisser penser que ce rassemblement dominical sera un échec. A tel point qu'un ministre proche du président de la République ne peut cacher son scepticisme dans les colonnes du Figaro : «Je ne pense pas qu'il y aura énormément de monde le 27 janvier.»
L'initiative a d'abord été lancée en novembre par un sympathisant toulousain de La République en marche (LREM), Laurent Soulié. Selon la page Facebook de l'événement, il s'agit de «défendre la République» et de demander «l'arrêt des violences et de la haine, le respect de la liberté de la presse et le retour à l'état de droit», avec une opposition à peine voilée aux Gilets jaunes et à certaines de leurs actions sur les ronds-points. Si un des porte-paroles, Théo Poulard, souhaite un défilé «apolitique», il est de fait difficile de ne pas y voir un mouvement de soutien au gouvernement. En effet, le principal groupe sur les réseaux sociaux d'appel à la mobilisation pour le 27 janvier a été une première fois intitulé «Marche républicaine de soutien à Emmanuel Macron». Il a depuis été rebaptisé «Marche républicaine des libertés», co-organisés par les Foulards rouges et le collectif de Laurent Soulié, «Stop maintenant, ça suffit».
Des section locales de LREM ont d'ailleurs fait la promotion de l'événement comme celle d'Achères ou de Chevilly-Larue, adressant un communiqué personnel pour inciter les marcheurs à participer à la manifestation.
Par crainte d'un fiasco, l'Elysée aurait-il tenté d'annuler la mobilisation ?
Plusieurs élus marcheurs iront également manifester au départ de la place de la Nation. Certains veulent clairement que la mobilisation permette à la majorité de montrer les muscles, à l'instar du sénateur LREM François Patriat, qui déclare dans un entretien diffusé par Public Sénat : «Depuis le début, je dis que nous devons y aller.» Pour le chef de file des sénateurs LREM, entre 50 et 100 parlementaires macronistes devraient faire partie du cortège.
La plupart d'entre eux ne souhaite toutefois pas que cette marche soit officiellement reconnue et vue comme une marche pro-Emmanuel Macron, la peur de l'échec étant trop grande. Ainsi la députée LREM Lauriane Rossi prévient dans Les Echos qu'elle ira bel et bien «à cette manifestation» mais que le message se doit d'être «clair» : «C'est une manifestation de soutien à la République et à la démocratie représentative.»
Les marcheurs semblent dans l'embarras. «Nous avons deux risques, un échec et la violence», pointe un député pour le quotidien économique. L'Obs note pour sa part que le gros des troupes attendues «devrait être pour l'essentiel des sympathisants du chef de l'Etat». Preuve de la gêne, LREM a manié le «en même temps» pour afficher d'un côté sa solidarité avec la mobilisation tout en prenant quelques distances. «La République en marche est sensible à cette initiative et partage les valeurs qu'elle défend [mais] tout en respectant la liberté de chacun de s’y rendre, La République en marche n’appellera pas à manifester le 27 janvier», écrit le parti dans un communiqué diffusé le 24 janvier.
«Cette marche risque d'être le bide du siècle !», raille également un ancien allié d'Emmanuel Macron interrogé par L'Obs. La page Facebook ne recense, pour l'heure, qu'à peine 10 000 participants, et rien ne dit qu'ils matérialiseront cette participation virtuelle. De quoi freiner aussi les membres du gouvernement. Leur participation, à un événement pouvant tourner au fiasco, risquerait d'entacher de nouveau l'image déjà écornée de l'exécutif et du président de la République.
Plusieurs observateurs seront ainsi attentifs à l'attitude du ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer. S'il avait annoncé début janvier sa présence dans les rangs des manifestants, finalement, selon plusieurs sources, il devrait rester sagement à l'écart. D'après Le Canard enchaîné du 23 janvier, l'Elysée aurait même passé une consigne limpide à ses ministres, celle de s'abstenir. Le nouveau conseiller «spécial» d'Emmanuel Macron Philippe Grangeon aurait par ailleurs exhorté le président à «débrancher» ceux qui ont lancé l'opération. Pour l'hebdomadaire satirique, le chef de l'Etat aurait hésité puis se serait résolu à admettre qu'il était déjà «trop tard pour tenter de stopper cette résolution». Une révélation qui sous-entend que l'Elysée aurait tenté de piloter le rassemblement et participé à la mobilisation des soutiens, sans succès.
Bastien Gouly
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