Après chaque attentat, où attaque terroriste présumée, c'est désormais la même question lancinante : comment cela a-t-il pu arriver ? Après chaque tuerie, la sécurité est renforcée, les fouilles de sacs dans les grands lieux de la consommation se font plus assidues, plus systématiques. Puis la vigilance retombe, jusqu'au prochain drame.
De fait, l'attaque de Strasbourg démontre encore une fois que, quel que soit le niveau de sécurité, un individu déterminé peut passer entre les mailles du filet. Pourtant, la ville présente une configuration particulière. L'accès au périmètre du marché de Noël se fait uniquement par une vingtaine de ponts. Isolée par l'eau dans l'hyper-centre de Strasbourg, la «Grande-Ile», a tout le potentiel d'une forteresse. Néanmoins, le 11 décembre vers 19h40, Chérif Chekatt a réussi à passer, par le pont du Corbeau, malgré un dispositif de vérification des identités abrité dans un fourgon de police.
Après la perquisition au domicile de Chérif Chekatt le matin du drame, une fiche d'alerte-recherche était transmise, avec signalement et photo. Et pourtant, selon plusieurs Strasbourgeois cités par l'AFP, aux points d'entrée, les fouilles de sacs étaient superficielles. Les usagers du tramway n'étaient pas contrôlés.
Y a-t-il eu dysfonctionnement ? Mis en place juste après les attentats de Paris le 13 novembre 2015 afin de maintenir le marché de Noël, le dispositif de sécurité à Strasbourg est impressionnant. D'après les chiffres officiels rapportés par l'AFP, il mobilise tous les jours, pendant quatre semaines, 260 policiers nationaux auxquels s'ajoutent 50 policiers municipaux. Plusieurs dizaines de militaires de l'opération Sentinelle y participent également. Le coût de la sécurisation du marché, qui voit passer deux millions de visiteurs, est passé de 300 000 euros avant 2015 à un million d'euros. A en croire les autorités, il n'est pas possible de faire mieux.
«Pas de faille dans le dispositif»... malgré une fusillade et des morts
Interrogé à ce sujet, le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx, s'est montré catégorique. «Je n'ai pas relevé de faille dans le dispositif», a-t-il tranché le 12 décembre. Comparant le plan de sécurité à «une bulle avec des fouilles à l'entrée», le maire de Strasbourg Roland Ries s'est pour sa part félicité d'un dispositif qui fonctionnait «depuis plusieurs années».
De ces déclarations, faut-il déduire que Chérif Chekatt n'a pas révélé une «faille», malgré un bilan de trois morts ? Les pouvoir publics sont ambigüs : en substance, les mesures de sécurité dans la France de l'après Mohammed Merah, de Charlie et du Bataclan, sont maximales, mais, en même temps, elles ne sauraient garantir à cent pour cent qu'un loup solitaire ne passe pas à l'acte. En juin dernier, après une attaque au couteau perpétrée par un fiché S d'origine tchétchène dans le quartier de l'Opéra à Paris, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux ne disait pas autre chose. «Il n'y a pas de moyens d'empêcher ce type d'événements», avait-il martelé, ajoutant : «Le gouvernement à la fois dans le cadre législatif mais aussi grâce au moyens engagés, répond à l'exigence du moment.»
Pour autant, le gouvernement ne fait que reprendre une rhétorique déjà ancienne, consistant à considérer que l'action de l'Etat est irréprochable... mais que le risque zéro n'existe pas. Après la fusillade dans les locaux de l'hebdomadaire Charlie Hebdo en janvier 2015, le Premier ministre Manuel Valls avait posé les fondement de cette argumentation. «Il faut dire la vérité aux Français [...] Il faut s'habituer à vivre avec cette menace qui est le fruit d'organisations internationales particulièrement barbares [...] mais aussi d'individus radicalisés sur notre sol», avertissait-il ainsi dès février 2015 au micro de RTL.
Alexandre Keller
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