Correspondant à la troisième journée de mobilisation d'ampleur des Gilets jaunes, le 1er décembre a vu se dérouler d'intenses scènes de violences aux abords des Champs-Elysées, à Paris. Véhicules et restaurants incendiés, magasins saccagés et pillés, forces de l'ordre prises à partie : contrairement à la détermination pacifique d'une majorité de Gilets jaunes, à qui RT France a donné la parole toute la journée, certains participants avaient prévu d'autres méthodes d'action pour marquer le coup.
Armés de marteaux, de frondes et autres outils laissant peu de doute quant à leurs intentions, des individus se sont en effet fondus dans la foule, avec la ferme intention d'en découdre, du matin jusqu'à tard après la tombée de la nuit, comme en témoignent plusieurs vidéos diffusées en direct par RT France, depuis la place de l'Etoile.
«Plusieurs groupuscules nationalistes et d’extrême droite sont notamment à la manœuvre», souligne le quotidien Libération après avoir relevé, Place des Ternes, un graffiti du GUD (Groupe union défense, organisation étudiante nationaliste connue pour son activisme violent dans les années 1970), un slogan «On est chez nous» tagué non loin de là, ou encore l'inscription «Justice pour Esteban», en référence à l'ancien skinhead Esteban Morillo, condamné à onze ans de prison pour la mort de Clément Méric en 2013.
Un constat également dressé par Le Point, qui avait diffusé dans la matinée les photos de certaines de ces inscriptions.
Dans la foulée de ses observations, le journal Libération a par ailleurs noté la présence de «groupuscules catholiques traditionalistes» parmi la vague jaune qui a déferlé dans la capitale ce 1er décembre, sans toutefois leur imputer les dégradations matérielles et les scènes de violences ayant marqué la journée.
Extrême droite, extrême gauche, ou extrêmes tout court ?
Si le constat du quotidien de gauche tend à appuyer les récents propos tenus par Christophe Castaner et Gerald Darmanin, qui avaient respectivement mis en avant, une semaine plus tôt, la responsabilité des «séditieux d'ultradroite [ayant] répondu à l'appel de Marine Le Pen» ou encore la présence de «la peste brune sur les Champs-Elysées», d'autres images viennent toutefois élargir la palette d'appartenances idéologiques des individus à l'origine des dégradations.
De fait, d'autres internautes ont pour leur part constaté la présence de graffitis à la teneur politique diamétralement opposée et faisant explicitement référence à des mots d'ordre de l'extrême gauche plutôt que de l'extrême droite. Et chaque camp de se renvoyer la balle : le militant identitaire Damien Rieu a par exemple affirmé ne «pas [avoir] de doute» sur le fait que les dégradations soient «d'extrême gauche».
Comme a pu le constater RT France au petit matin du 2 décembre sur la place de l'Etoile, les murs de plusieurs bâtiments, dont l'Arc de Triomphe, arboraient encore de tels graffitis frais de la veille : «Justice pour Adama», «l'ultradroite perdra» ou encore la lettre «A», symbole de la mouvance anarchiste.
Si les dégradations commises, notamment les incendies d'automobiles ou les dégradations de vitrines de banques et de magasins, ne peuvent évidemment que rappeler les débordements en marge des manifestations contre la loi Travail il y a quelques années, difficile de conclure avec certitude à l'implication de l'extrême gauche, comme de l'extrême droite. A l'image de l'hétérogénéité des Gilets jaunes, les dégradations, perpétrées par des groupes minoritaires, ne semblent pas avoir été le fait d'une seule et unique mouvance idéologique.
En tout état de cause, certains graffitis ont agité les réseaux sociaux. En témoigne la réaction de cette internaute qui, entres autres potentiels auteurs des dégradations, fulmine contre «la racaille, l'antifa et l'indigéniste !»
Des actes minoritaires qui parasitent le message politique des Gilets jaunes
Alors que la police a annoncé l'arrestation de 122 personnes (65 individus auraient été blessés, dont 11 membres des forces de l'ordre), Emmanuel Macron, de retour d'Argentine, a convoqué ce 2 décembre une réunion d'urgence à l'Elysée, condamnant avec fermeté les exactions commises lors du rassemblement. «Aucune cause ne justifie que des forces de l'ordre soient attaquées ou que l'Arc de Triomphe soit souillé», a-t-il commenté.
En mettant l'accent, selon une stratégie de communication politique très classique, sur les débordements de quelques uns plutôt que sur les revendications politiques de la majorité, l'exécutif tente d'endiguer un mouvement qui, à bien des égards, le dépasse. En témoigne le rendez-vous d'une délégation de Gilets jaunes avec Edouard Philippe qui a viré au fiasco le 30 novembre dernier et, plus largement, la difficile appréhension par le gouvernement de ce phénomène nouveau et par bien des aspects insaisissables.
Pour l'heure, c'est surtout l'incapacité du gouvernement à contenir les débordements des deux dernières mobilisations qui semble poser question et susciter un profond sentiment de frustration parmi les Gilets jaunes venus s'exprimer pacifiquement. Au cœur de la manifestation, RT France a pu interroger de nombreux citoyens venus protester dans le calme et déplorant le parasitage de leur mobilisation par ces éclats de violence. A l'image de Sylvie, 54 ans, ancienne professeur de philosophie : «C'est du délire qu'il y ait autant de CRS et qu'on ait pas pu les éliminer ces cons là !» s'emporte-t-elle, émue par des scènes de violences.
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