Le mois dernier, le parti centriste Agir a saisi, avec le soutien du gouvernement, la Commission d'enquête du Sénat pour qu'elle enquête sur la «manipulation attribuée aux comptes russophiles sur Twitter», afin que «toute la lumière [soit] faite sur cette manipulation d'ampleur [qui] mérite d'être sanctionnée.» «Ça m'a donné envie de creuser pour chercher des manipulations», explique l'animateur du site Les Crises Olivier Berruyer à RT France ce 17 septembre, avant de poursuivre : «Je n'en ai pas trouvé chez les "russophiles" mais j'ai été assez surpris de constater des liens manifestes, évidents, patents de connexion [...] avec En Marche!»
Dès août 2018, Olivier Berruyer s'était saisi de l'affaire EU DisinfoLab, sur fond de scandale Benalla. La thèse de ce think tank ? Un «écosystème russophile» aurait été à l'origine d'une amplification sur les réseaux sociaux de la polémique concernant le conseiller du président de la République. Avec, en fond, les désormais accusations classiques d'ingérence russe et de manipulation de l'information... Des thèses vivement dénoncées par Olivier Berruyer.
Le gouvernement n’a aucun lien avec cette ONG
Mais cette fois, dans une publication du 17 septembre sur son site, Olivier Berruyer s'est intéressé aux liens entre la structure qui chapeaute EU DisinfoLab, la société Saper Vedere, et l'entourage politique – pour ne pas dire l'«écosystème» – d'Emmanuel Macron. «Il est très surprenant que les journalistes n'aient pas fait ce travail-là», s'étonne-t-il auprès de RT France.
Résultat des recherches d'Olivier Berruyer : si le secrétaire d'Etat au Numérique Mounir Mahjoubi affirmait le 11 août dernier qu'il n'y avait «aucun lien» entre EU DisinfoLab et le gouvernement, l'ONG ne serait pas sans lien avec le camp pro-Macron et la majorité présidentielle...
Dans son enquête, Olivier Berruyer relève entre autres qu'une certaine Marina Tymen est à la fois membre de l'équipe Saper Vedere et un membre influent du camp pro-Macron. De fait, son profil est aisément vérifiable sur les réseaux sociaux, comme le montre la capture d'écran suivante.
On y constate notamment la mention de la page Facebook «Ensemble avec Emmanuel Macron», dont Marina Tymen affirme être «co-administratrice» sur son profil de réseau social professionnel LinkedIn.
Outre Marina Tymen, Olivier Berruyer s'est également penché sur deux autres profils, Olivier Cimelière ainsi que la très médiatique députée macroniste Aurore Bergé. Le premier, note l'animateur du site Les Crises, est présenté comme «Partner Expert» sur le site de Saper Vedere... et a notamment signé en avril 2017 une tribune pro-Macron en se présentant comme «En Marche».
Quant à Aurore Bergé, selon l'enquête d'Olivier Berruyer, «elle est régulièrement en contact sur Twitter et depuis longtemps» avec le chercheur belge Nicolas Vanderbiest, cofondateur de EU DisinfoLab.
Fake news antirusses ?
En août dernier, la révélation des pratiques méthodologiques de EU DisinfoLab, incluant le fichage de comptes d'internautes, avait suscité un tollé. Prétendant lutter contre la désinformation, EU DisinfoLab a analysé dans le cadre de son étude le comportement des comptes Twitter les plus actifs pendant l'affaire Benalla. Pour arriver à ses fins, l'ONG a utilisé Visibrain, un logiciel d'analyse de Twitter, qui donne accès à tous les messages émis sur le réseau social. Elle en a tiré un nombre considérable de données, qu'elle a classées selon des critères définis par ses soins.
EU DisinfoLab a ensuite diffusé sur internet les fichiers ainsi obtenus. Nicolas Vanderbiest, co-fondateur de l'ONG, est même allé jusqu'à rendre publique une liste plus précise des comptes qui auraient selon lui diffusé des rumeurs sur l'affaire Benalla. Un message qu'il supprimera plus tard, mais pas avant qu'il ne soit archivé par Olivier Berruyer. Un mois après, la question s'impose toujours : EU DisinfoLab a-t-elle lancé une opération de désinformation antirusse qui a échoué ?
Alexandre Keller