Après avoir classé plusieurs milliers d'utilisateurs de Twitter selon leur sensibilité politique supposée dans le cadre de l’affaire Benalla, l’ONG EU DisinfoLab avait publié les données brutes sur lesquelles elle affirmait baser son étude. Dans ce dernier fichier étaient répertoriées les orientations sexuelles et les origines ethniques de certains profils. Une divulgation d'informations dont s'était indigné ce 10 août l’animateur du site Les Crises, Olivier Berruyer, capture d’écran à l'appui.
Vertement critiquée sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, l’ONG a tenté de dégonfler cette énième polémique en assurant dans un premier temps que la capture d’écran utilisée par Olivier Berruyer était en réalité un faux. «Nous remarquons qu’une capture d’écran circule actuellement sur Twitter, Facebook et des sites d’information mettant en cause un des fichiers que nous avons transmis. Sur cette capture d’écran apparaissent des mots surlignés qui feraient penser qu’il y aurait des personnes "gay", "lesbiennes", "juifs". Aucune de ces biographies n’est issue du fichier. Tout un chacun pourra le vérifier simplement en faisant une recherche dans les fichiers», écrivait alors l’ONG.
En parallèle, Nicolas Vanderbiest, un des fondateurs du DisinfoLab, porte cette même accusation à l’encontre d’Olivier Berruyer dans un message privé. Il menace en outre de porter plainte dans le cas où il ne supprimerait pas la capture d’écran.
Une injonction à laquelle Olivier Berruyer décide de ne pas répondre. Bien au contraire, il invite l’ensemble des utilisateurs de Twitter ayant téléchargé les fichiers à contredire le communiqué de EU DisinfoLab.
Très rapidement, de nombreux commentateurs ont répondu à son appel en précisant que les mentions ayant trait à l’orientation religieuse ou sexuelle figuraient effectivement dans un fichier publié par Nicolas Vanderbiest sur Twitter.
Nicolas Vanderbiest admet ne plus avoir «les yeux en face des trous»
«Ce fichier, qui comportait 55 000 pseudonymes sur Twitter [ayant tweeté ou retweeté 7 fois ou plus sur l’affaire Benalla], reprenait aussi le profil public de chaque twittos, c’est-à-dire la courte biographie par lesquels les internautes se présentent publiquement sur leur compte», explique la plateforme Check News de Libération. Contacté par ce même journal, Nicolas Vanderbiest admet que la publication d'Olivier Berruyer n'était pas un faux : «Je n’ai plus trop les yeux en face des trous. L’affaire prend des proportions folles. Depuis plusieurs jours, on était accusé d’avoir fiché les gens sur des bases politiques, et maintenant, voilà qu’on m’accuse de le faire sur des bases sexuelles ou religieuses.»
Ce n’est qu’après que certaines personnes m’ont dit que ces données, éparses, figuraient bien parmi les 55 000 biographies contenues dans le premier fichier
«C’est délirant. Quand j’ai vu ces captures d’écran qui donnaient l’impression qu’on avait rangé dans un fichier les juifs ensemble ou les gays ensemble, j’ai pensé immédiatement que c’était un faux grossier, vu que cela n’a rien à voir avec notre travail. J’ai immédiatement réagi sur Twitter en publiant un démenti au nom de Disinfo. Ce n’est qu’après que certaines personnes m’ont dit que ces données, éparses, figuraient bien parmi les 55 000 biographies contenues dans le premier fichier. Certains les ont mises ensemble pour faire un montage, avec en plus le coup de Stabilo jaune qui souligne bien les mots qu’il faut», tente de se justifier Nicolas Vanderbiest auprès du quotidien.
De son côté, Olivier Berruyer fait valoir auprès de Check News que, si les données contenues dans les profils Twitter sont publiques, cela n'enlève rien à la gravité de l'affaire : «Ce n’est pas pareil de mentionner à vos 50 followers que vous êtes juif, et de voir cette mention dans un fichier rendu public», relève-t-il. Avant d'ajouter : «Des personnes payent cher Twitter et ont accès à la base de milliards de tweets et retweets et aux informations de la bio. Et peuvent sortir les infos sur qui ils souhaitent sous Excel et les mouliner comme bon leur semble. Si c’est légal, eh bien il faut changer la loi».
Plus tôt, Olivier Berruyer avait annoncé sur son site qu'il portait quoi qu'il en soit plainte contre EU DisinfoLab pour diffamation.
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