France

«Nouveau monde» ? Richard Ferrand élu président de l'Assemblée nationale

Fidèle d'Emmanuel Macron, le chef de file du groupe LREM, Richard Ferrand, a été élu président de l'Assemblée nationale. Soupçonné de prise illégale d'intérêts, l'ancien socialiste a fait savoir qu'il ne démissionnerait pas en cas de mise en examen.

Facilement investi la veille par les députés LREM, Richard Ferrand, député du Finistère âgé de 56 ans, a été élu ce 12 septembre quatorzième président de l'Assemblée nationale avec 254 voix. Jusqu'alors chef de file du groupe LREM dans l'enceinte du Palais Bourbon, il était assuré de l'emporter lors du vote à bulletin secret de l'ensemble des élus, du fait de la majorité dont disposent les «marcheurs» dans l'hémicycle (312 députés sur 577). Parmi les quatre autres prétendants au perchoir, Annie Genevard (Les Républicains) a récolté 95 voix et Marc Fesneau (MoDem) 86 voix, a annoncé à la tribune de l'Assemblée la vice-présidente Carole Bureau-Bonnard, qui présidait la séance. 

Preuve que les promesses de «nouveau monde» sont révolues, Richard Ferrand a confié à Libération ce 11 septembre qu'il ne démissionnerait pas de son poste s'il était mis en examen. Une volonté en contradiction avec la règle édictée par le Premier ministre Edouard Philippe pour les membres de son gouvernement, et plus globalement en opposition avec les promesses d'exemplarité portées par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. L'élection de Richard Ferrand pourrait aussi compromettre les ambitions de transparence et de moralisation de la vie publique formalisées dans le projet de loi visant à restaurer «la confiance dans la vie politique» adopté en juillet 2017. Richard Ferrand est à l'origine du premier couac du mandat d’Emmanuel Macron. Les révélations du Canard enchaîné en mai 2017 à son sujet l'avaient contraint à démissionner du ministère de la Cohésion des territoires. L'affaire portait sur le bien immobilier acquis par la compagne de ce dernier, l'avocate Sandrine Doucen, puis loué aux Mutuelles de Bretagne, dont il était alors le directeur général (1998-2012). L'association anticorruption Anticor a accusé Richard Ferrand d'avoir profité de sa fonction pour favoriser sa compagne, qui aurait financé l'acquisition de locaux, d'une valeur de 375 000 euros, par les loyers des Mutuelles de Bretagne.

Une enquête pour «prise illégale d'intérêts» toujours en cours

Une enquête préliminaire a été classée sans suite en octobre 2017 par le parquet de Brest, en raison de la prescription des faits. Par la suite, Anticor a déposé à Paris une plainte avec constitution de partie civile, procédure qui permet de passer outre le refus du parquet d'entamer des poursuites pénales. Partant, le juge du pôle financier de Paris Renaud Van Ruymbeke a ouvert le 12 janvier 2018 une information judiciaire pour «prise illégale d'intérêts». Mais la défense de Richard Ferrand et de sa compagne a dénoncé en mars dernier un «conflit d'intérêts», le vice-président d'Anticor Eric Alt, présent lors d'une première audition, étant aussi premier vice-président adjoint au tribunal de grande instance de Paris. La Cour de Cassation a donc décidé de confier l'enquête au tribunal de grande instance de Lille «afin de garantir l’impartialité objective de la juridiction saisie». La procédure est aujourd'hui toujours en cours.

En guise de renouvellement démocratique, LREM a donc choisi un homme politique non seulement soupçonné par la justice mais également engagé dans la vie publique depuis plus de 30 ans. Anticipant les critiques sur le fait qu'il a également contribué à ce qu'une femme n'accède pas pour la première fois au perchoir, il s'est par ailleurs lui-même excusé «de ne pas être une dame».

Lire aussi : Lettre ouverte au président Manu, par Michel Onfray