Projet de loi Schiappa : va-t-on vraiment verbaliser les regards appuyés et les sifflements ?
Le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes prévoirait qu'un sifflement ou un regard à une femme dans la rue pourrait coûter jusqu’à 750 euros ? Même si les réseaux sociaux enragent, le texte ne contient rien de tel.
Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, est en colère. Sur les réseaux sociaux, les commentaires haineux à son égard pleuvent, blâmant le coup de massue porté à l’élégant dragueur français par son projet de loi visant à réprimer le harcèlement de rue. Le coq français n’aurait plus, contraint par l’armature dictatoriale de sa loi, le droit de siffler une femme, ni même de lui lancer une œillade.
Or la secrétaire d’Etat a adressé le 1er août un commentaire lapidaire à ses détracteurs, signifiant qu’il n’en avait jamais été question, texte de loi à l'appui.
C’est un article. Pas une loi.
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 1 août 2018
Je vous invite à lire le texte de loi: il n’y est pas fait mention de « regards » appuyés ou pas !
👉🏾 Vérifier l’information soi même avant de la partager aveuglément ;) https://t.co/WdJUJf9UeQ
Alors que le Sénat venait d'approuver l'accord trouvé en commission mixte paritaire avec l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, différentes infographies et articles de presse se sont mis à fleurir le 31 juillet dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ils ont compilé les mesures proposées par la secrétaire d'Etat en matière de harcèlement de rue.
On apprenait dans ces médias que les commentaires sur le physique et la tenue, un sifflement, un regard appuyé pourrait coûter entre 90 et 750 euros à l’audacieux harceleur ou séducteur, selon le point de vue. Un grand nombre d'internautes se sont insurgés contre cette limitation de leur liberté.
Projet de loi. Attention aux regards appuyés ! Marcher les yeux fermés dans la rue ou regarder ses pieds ? Mais où va-t-on ! pic.twitter.com/AyI3NfbrHa
— Max Guazzini (@MaxGuazzini) 31 juillet 2018
Désormais, si vous regardez une femme trop longtemps dans la rue, vous risquez une amende allant de 90 à 750€. Tout ça grâce à la féministe Marlène Schiappa.
— XXXPNL (@GekyumeIzbak) 30 juillet 2018
Ou comment détruire les relations hommes-femmes... pic.twitter.com/iwvOJdJMtO
Pourtant il ne s'agit là que d'interprétations erronées. Le texte ne fait mention que de termes vagues pour définir l’outrage sexiste, mais dans lequel un simple regard ou un sifflement ne pourraient trouver leur place. Il s’agit du fait d’imposer «à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante».
Les faits entrant dans le cadre de cet outrage seront passibles d’amende de catégorie 4, allant de 90 euros en paiement immédiat à 750 euros, voire de catégorie 5 (jusqu’à 3 000 euros) en cas de récidive ou de circonstances aggravantes.
D'où viennent ces «regards appuyés» et ces «sifflements» ?
Une infographie sur le harcèlement sexuel et les violences sexistes publiée par le secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes sur l'arsenal législatif préexistant au projet de loi a pu créer cette confusion. En effet, les sifflements, regards, commentaires sur le physique y sont bien mentionnés en tant que faits constitutifs de harcèlement mais il n’est nullement question de verbalisation. Ces comportements, et d’autres tels que les propos sexistes et les questions intrusives, sont simplement qualifiés d’inacceptables, et il est recommandé de les «signaler aux sociétés de transport en commun».
Si les « regards appuyés » sont visés. C’est l’infographie du ministère qui le dit... pic.twitter.com/xnVAbwEUG4
— h2brgrd ن (@h2brgrd) 1 août 2018
Le secrétariat à l'Egalité entre les femmes et les hommes s'est empressé de dissiper ce malentendu qui avait déclenché les foudres des réseaux sociaux.
Stop aux #FakeNews ! Le projet de loi ne vise pas à sanctionner la drague, les regards ou les compliments.
— Secrétariat d’État chargé de l'Égalité FH (@Egal_FH) 1 août 2018
Il sanctionne les remarques à connotation sexiste et sexuelle, l’intimidation, se faire suivre, se voir demander 20 fois son n° de📱
La limite ? Le consentement ! #PJLVSSpic.twitter.com/E7OSxswcZ1
Au sujet des sifflements, Marlène Schiappa avait déclaré en octobre 2017 au journal Le Monde : «Je pense, à titre personnel, que siffler une femme dans la rue ne relève pas du harcèlement, mais que c’est le cas lorsqu’on la suit dans le métro. Dans ce cas, le stress, voire l’intimidation, sont évidents.»