Condamné à trois ans de prison ferme, un maire de Guyane invité à l’Elysée

Condamné à trois ans de prison ferme, un maire de Guyane invité à l’Elysée© Ludovic Marin Source: AFP
Léon Bertrand à son arrivée à la réception de la Mission Patrimoine à l'Elysée le 31 mai 2018.
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Léon Bertrand, maire LR d’une ville de Guyane condamné à une peine de prison ferme de trois ans pour corruption et favoritisme, a été cordialement invité à l’Elysée le soir du 31 mai 2018 pour la réception de la Mission patrimoine.

Il y avait foule à l’Elysée le 31 mai au soir autour d'Emmanuel Macron, dans la salle des fêtes du palais, à l’occasion des célébrations de la Mission patrimoine, pilotée par la vedette de télévision Stéphane Bern. Parmi les invités, émergeait la figure du sulfureux Léon Bertrand, maire en Guyane et ancien ministre UMP condamné en mars 2017 à une peine de trois ans de prison pour corruption en Guadeloupe.

La presse locale de Guyane, à propos de cette invitation, a même évoqué une «consécration», malgré les démêlés de l'homme avec la justice.

Le 31 mai, de nombreux élus avaient été invités en qualité de «personnalités engagées pour le patrimoine». Ils s’étaient pressés pour découvrir les 269 sites gratifiés de subventions tirées des revenus d’un loto et de tickets à gratter dédiés. Léon Bertrand, en particulier, dispose dans la ville de Saint-Laurent-du-Maroni dont il est maire Les Républicains (LR), d’un des 18 sites patrimoniaux prioritaires à conserver : la Maison du receveur des douanes. 

Pas d'alerte à l'arrivée à l'aéroport pour un homme visé par un mandat de dépôt

Rien de plus normal que l'élu assiste à cet événement qui le concerne, à un détail près : l’élu est mêlé à un scandale de corruption dans une affaire d’attribution illégale de marchés publics en Guyane, qui lui a valu une condamnation à trois ans de prison ferme en mars 2017 en appel par une cour de Guadeloupe. Ceci devrait suffire à l'écarter des honneurs des réceptions officielles.

Comment a-t-il réussi à échapper à l'incarcération ? Grâce à un vice de procédure. A la suite du procès, le mandat de dépôt, l’ordre donné par le juge au directeur d’une prison devant accueillir Léon Bertrand a été prononcé en l’absence du condamné. Ceci a conduit le procureur général de Cayenne à refuser de l’exécuter. Le mandat d’arrêt n'a donc pu suivre, et l'édile n'a pas été emprisonné.

Cependant, selon Le Parisien, ce mandat de dépôt devrait déclencher une alerte hors des frontières de l’île, notamment à l’aéroport d’Orly où Léon Bertrand est arrivé le 31 mai car entraînant l’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) par la Police aux frontières à l’arrivée en métropole. En l'absence d’un mandat d’arrêt, elle doit interpeller les personnes visées par un mandat de dépôt et contacter le tribunal qui a prononcé la peine. Le quotidien suppose que des consignes ont été données à la police aux frontières d’Orly pour ne pas arrêter le maire de Saint-Laurent-du-Maroni.

Léon Bertrand, un maire au passé plus que suspect

Poursuivi pour favoritisme et corruption passive, Léon Bertrand est soupçonné d’avoir empoché des pots de vin en échange de l’attribution de onze marchés publics de 2003 à 2009. Même s'il a passé trois mois et demi en préventive, Léon Bertrand est pour le moment encore libre comme l’air en Guyane. Il sera peut être définitivement condamné à l’issue de l’examen de son pourvoi le 13 juin. Les charges retenues contre lui n'ont pas affecté ses fonctions politiques : il est toujours maire de Saint-Laurent-du-Maroni.

L’affaire a pourtant choqué les Guyanais qui suivent ce feuilleton judiciaire depuis 2009. En 2013, les ossements d'un homme clé de l'affaire, Myrtho Fowel, avaient été retrouvés dans un fleuve. Il était le directeur financier de la Communauté de communes de l'Ouest guyanais, le CCOG, dont Léon Bertrand était le président. Le CCOG était au cœur de l'enquête sur cette vaste fraude. Huit collaborateurs ou chefs d’entreprises travaillant avec l’ancien ministre ont été condamnés.

Jusqu’ici, l’élu, ancien député, avait réussi à se bâtir belle carrière politique, ayant été nommé ministre délégué du Tourisme sous le mandat de Jacques Chirac de 2002 à 2007. En 2008, il fut nommé inspecteur général de l’Education nationale par Nicolas Sarkozy. Malgré tous ses démêlés avec la justice, il est toujours maire de Saint-Laurent-du-Maroni, fonction qu’il occupe depuis 1983.

Lire aussi : Sursis et exclusion de la diplomatie requis contre l'ex-ambassadeur Boillon et son «arrogance»

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