France

«Le point Venezuela» : une technique médiatique pour diaboliser Mélenchon ?

Jean-Luc Mélenchon en a assez qu'on le renvoie constamment à sa position sur le Venezuela – et l'a dit sans mâcher ses mots sur la plateau de «L'Emission politique». Il s'agit selon lui d'une méthode pour l'empêcher de s'exprimer sur d'autres sujets.

Sur le plateau de L'Emission politique sur France 2 le 30 novembre, le leader de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a exprimé sa lassitude quant à l'habitude qu'ont les journalistes à l'interroger sur son positionnement vis-à-vis de la politique vénézuélienne. 

Alors que le député se voyait soumis aux questions de la journaliste-invitée Laurence Debray, il a laissé entendre que ce type d'interrogations participait à une stratégie visant à limiter son temps de parole, en le contraignant à répondre à des «sottises» et des «argumentaires préfabriqués». «Chaque fois que je vais quelque part, je me tape Venezuela. On va faire une boîte comme les vaches qui font meuh, Venezuelaaa. Il y en a ras-le-bol !», a lancé l'élu, visiblement contrarié. Et le chef des Insoumis de dénoncer la vision manichéenne et caricaturale de l'état du pays sud-américain qui lui serait constamment opposée.

«La Terre entière se met contre le Venezuela et différentes personnes bien intentionnées – et bien payées – vont d'un plateau à l'autre pour expliquer que le Venezuela c'est l'enfer», a-t-il dénoncé face à Laurence Debray, auteur d'articles à charge contre Hugo Chavez et son sucesseur Nicolas Maduro

Lorsque cette dernière a soutenu que l'opposition se faisait «tabasser» à l'Assemblée nationale vénézuélienne, Jean-Luc Mélenchon a répliqué : «Ce n'est pas vrai, vous mentez. Vous mentez madame.»

Un rapprochement avec l'Alliance bolivarienne source de toutes les attentions

Si le député LFI a laissé transparaître son agacement, c'est qu'il est désormais habitué à être brocardé pour ses prises de position en faveur du gouvernement chaviste de Nicolas Maduro.

Des attaques qui ont été multiples durant la campagne présidentielle, lorsque le candidat insoumis avait émis l'idée d'un rapprochement de la France et de ses territoires d'outre-mer avec l'Alliance bolivarienne (une organisation de pays de l'Amérique latine et des Caraïbes).

Une proposition mal interprétée selon son équipe de campagne, qui avait valu un torrent de critiques au mouvement de gauche. Le candidat d'En marche!, Emmanuel Macron, avait ainsi ironisé sur les moyens défendus par son adversaire pour «relever la France» en invoquant ce projet bolivarien.

Dans la presse également, un certain nombre de journalistes avaient tourné en dérision cette proposition, ou s'en étaient émus. Jean-Michel Apathie, entre autres, s'était ouvertement interrogé sur sa pertinence, notant que si la France venait à intégrer l'Alliance, elle côtoierait l'Iran, qui en est un Etat observateur. «C'est moche quand même», avait-il commenté. De même, lors d'une séquence tendue sur le plateau de BFMTV, lorsque Jean-Jacques Bourdin avait demandé à Jean-Luc Mélenchon de clarifier son opinion sur le Venezuela.

«Dictature» contre «impérialisme américain»

La situation a pris une tournure autrement plus sensible avec l'aggravation de la crise politique, institutionnelle et économique au Venezuela au cours de l'été. L'élection d'une Assemblée constituante décidée par le président Nicolas Maduro a été perçue par Washington et ses alliés comme une manière de renforcer sa mainmise sur le pouvoir.

Et les manifestations parfois violentes dans le pays ont achevé de tourner la scène politique et médiatique française contre le gouvernement de Nicolas Maduro. Reprenant la rhétorique de Washington, qui en plus d'avoir voté des sanctions contre Caracas a entretenu publiquement l'idée d'une intervention militaire, Emmanuel Macron a ni plus ni moins qualifié l'Etat sud-américain de «dictature».

Ce qui n'a pas empêché Jean-Luc Mélenchon de continuer à soutenir haut et fort «ses amis», se positionnant résolument contre le sens du vent. Le député a en effet pris le parti de dénoncer à chaque fois qu'on l'interrogeait sur le sujet «l'impérialisme américain» et son ingérence dans les affaires vénézuéliennes, estimant que Washington était «le principal responsable du mal».

Une prise de position forte que ses adversaires politiques tentent régulièrement d'exploiter. Le Premier ministre Edouard Philippe en a donné un parfait exemple en août dernier. A la veille de la grogne sociale contre la réforme du code du travail, qualifiée par Jean-Luc Mélenchon de «coup d'Etat social», le chef du gouvernement avait pointé du doigt la «fascination vénézuélienne» de ce dernier. Même Marine Le Pen avait choisi d'attaquer l'homme de gauche sous cet angle. «L’extrême gauche est dominée par les islamo-trotskistes de La France insoumise, un salmigondis de contestataires qui puisent leur inspiration dans les pires dictatures, Cuba hier, le Venezuela aujourd'hui», avait-elle déclaré début septembre, lors de son meeting de rentrée politique.

Une manière, selon les soutiens du leader de LFI, de tuer tout débat dans l'œuf. Une nouvelle forme de point Godwin en somme : le «point Venezuela» ?