Les Républicains «Macron-compatibles» vont faire sécession et créer leur groupe à part à l'Assemblée
Une vingtaine de parlementaires républicains constitueront un groupe distinct de celui de LR le 21 juin à l'Assemblée. Objectif : soutenir la majorité présidentielle sur certains points «constructifs»... et nourrir quelques ambitions personnelles ?
Après avoir fait s'effondrer le Parti socialiste, Emmanuel Macron est-il en train de provoquer l'implosion des Républicains (LR) ? «Les constructifs» – c'est sous ce nom informel qu'ils se sont pour l'instant désignés – ont en effet décidé de former un groupe parlementaire distinct de celui que constituera LR à l'Assemblée Nationale. La déclaration politique instituant la création du groupe sera déposée à la présidence de l'Assemblée le 21 juin au matin, selon Le Figaro, peu avant l'élection du président du groupe LR. Mais on ignore encore si les députés qui la signeront présenteront leur groupe comme faisant officiellement partie de l'opposition, ou si à défaut, celui sera considéré comme un groupe minoritaire, conformément aux dispositions de la réforme constitutionnelle de 2008.
Cette scission n'a rien de spontané. Le Figaro révélait que quelques nouveaux députés du parti de droite s'étaient déjà retrouvés le 19 juin pour mettre au point leur manœuvre. C'est dans les locaux du ministère de l'Action et des comptes publics, dirigé par Gérald Darmanin, lui-même ex-membre de LR, qu'ils se sont retrouvés dans une relative discrétion à l'initiative du député Thierry Solère. Selon un journaliste du Figaro, ce dernier aurait même été reçu par le Premier ministre Edouard Philippe dès le lendemain.
Édouard Philippe a reçu Thierry Solère ce matin à Matignon. Entretien d'une petite 1/2h qui a concerné les "Constructifs" de LR (entourage)
— Arthur Berdah (@arthurberdah) 20 juin 2017
A droite, sarcasmes et exaspération
Les premières réactions à droite ne sont pas particulièrement bienveillantes à l'égard de cette initiative. Le député de l'Yonne Guillaume Larrivé, qui avait appelé à voter blanc au second tour de l'élection présidentielle, a réagi sévèrement, estimant que la démarche des «pseudo-constructifs» était illusoire.
Le vrai clivage n'est pas entre les pseudo-"constructifs" et les autres, mais entre les députés soumis à l'Elysée et les députés libres.
— Guillaume Larrivé (@GLarrive) 20 juin 2017
Interrogée sur LCP, la députée du Doubs Annie Genevard souligne le «très grand danger» que représente selon elle la création d'un tel groupe parlementaire pour le groupe LR. «Si nous étions très nombreux, nous pourrions nous payer le luxe d'une division : mais il n'a échappé à personne que nous ne sommes pas en position de force», a-t-elle averti, tout en condamnant cette démarche.
- @AnnieGenevard juge que cette démarche des 'constructifs' "fait courir un très grand danger" aux Républicains #DirectANpic.twitter.com/9hwWYW7cA7
— LCP (@LCP) 20 juin 2017
Pour Xavier Breton, député LR de l'Ain, les «constructifs» sont avant tout des «opportunistes».
- @BretonXavier : "Les 'constructifs', on pourrait aussi les appeler les opportunistes" #DirectANpic.twitter.com/pskNahY4oA
— LCP (@LCP) 20 juin 2017
Isabelle Balkany, première adjointe au maire de Levallois, s'en est prise directement à la personne de Thierry Solère, dont elle pointe du doigt les supposées ambitions personnelles... affirmant pourtant que celles-ci seront déçues. «Ce monde est cruel», conclut-elle sardoniquement.
Et #Solère inspirateur de ce groupe dissident des #LR risque de ne même pas être Secrétaire d'État, son rêve éternel ! Ce monde est cruel 😱😱 pic.twitter.com/PoZsHx1BMK
— Isabelle Balkany (@ibalkany) 20 juin 2017
Quelles perspectives pour les «constructifs» ?
La difficulté du futur groupe des «constructifs» s'annonce d'ores et déjà grande. Tout d'abord parce qu'ils ignorent le nombre de soutiens sur lesquels ils peuvent compter. Certains ne font pas mystère de leur volonté de les rejoindre selon Le Figaro : Franck Riester, député de Seine-et-Marne, Laure de La Raudière, député d'Eure-et-Loir, Pierre-Yves Bournazel, député de Paris, ou encore Agnès Firmin Le Bodo, qui a remplacé Edouard Philippe à son siège de député en Seine-Maritime. Au total, une vingtaine de députés pourraient rejoindre ce groupe parlementaire. Certains évoquent également le soutien de députés centristes de l'UDI.
Autre difficulté de taille : le succès de leur démarche n'est pas prouvé. Certes, en demeurant dans un groupe LR de plus de cent députés, leur différence sera difficilement audible. Mais, en fondant un groupe à part et restreint à une vingtaine d'élus, soit à peine plus que ceux de la France insoumise ou de l'UDI, leur visibilité sera très faible. Il leur sera impossible de s'opposer aux 350 députés de la majorité présidentielle, et s'ils souhaitaient voter certains textes proposés par cette dernière, leur soutien se révélerait relativement insignifiant.
Peut-être l'opportunité de la création d'un tel groupe parlementaire réside-t-elle ailleurs ? Alors que le gouvernement a déjà dû faire face au départ de deux ministres en un mois, avec les démissions de Richard Ferrand et Sylvie Goulard, l'affaire des emplois présumés fictifs du MoDem se poursuit... et met François Bayrou et Marielle de Sarnez sous pression. Si Emmanuel Macron doit un jour trouver de nouvelles personnalités d'ouverture, à la fois fiables et extérieures à LREM, peut-être se tournera-t-il alors vers le groupe parlementaire de la droite «Macron-compatible» ?