Un avocat italien veut poursuivre la France pour les crimes commis par des soldats marocains en 1943
Lors de l’expédition alliée en Italie en 1943, des guerriers nord-africains des Forces françaises libres ont commis des milliers de viols et meurtres sur des civils. Des crimes pour lesquels un avocat compte porter plainte auprès de la CPI.
Luciano Randazzo, un avocat italien, est sur le point de rouvrir un dossier aussi sensible que méconnu de l'histoire franco-italienne de la Seconde Guerre mondiale. D'après le magazine Marianne, le magistrat entend déposer plainte le 20 mars contre la France, devant un tribunal militaire italien et la Cour pénale internationale (CPI), pour les crimes de guerre commis par le corps expéditionnaire français d'Italie (CEFI), commandé par le général Juin.
Sont concernées, en particulier, les exactions commises par les nombreuses recrues marocaines envoyées par les Forces françaises libres – les «goumiers».
«Il y a quelques années, j’ai défendu une pauvre femme victime d’une "marocchinata", la plupart des femmes, des hommes et des enfants violés et tués étaient de pauvres gens», indique Maître Randazzo, selon des propos rapportés par Marianne. Les «marocchinate» dont il est question désignent les viols et meurtres commis par les soldats marocains combattant pour les Alliés en Italie. «Les pauvres gens indemnisés ont reçu à l’époque l’équivalent de 1 000 euros ; mais c’est quoi 1 000 euros en échange de toute cette souffrance physique et morale qui a perduré chez les victimes ?», interroge l'avocat.
Comme le rappelle Marianne, les atrocités évoquées ici remontent à l'été 1943, lorsque les troupes alliées débarquent en Sicile, alors sous contrôle de l'Italie fasciste. Parmi ces forces militaires se trouvent quelque 832 goumiers, rattachés au contingent américain par le général de Gaulle.
Deux Siciliennes violées par 200 goumiers marocains
Dans les villages conquis par les Alliés, ont rapporté des témoins, les soldats issus de l'empire français se livrent à de nombreux crimes. Marianne en cite un certain nombre : dans le village d'Ausonia, dix femmes sont violées et tuées par des goumiers, tandis que les hommes qui prennent leur défense subissent le même sort. Parmi les 2 500 habitants de la commune d'Esperia, 700 femmes sont violées par des soldats nord-africains, mais aussi français. A Vallemaio, enfin, deux femmes sont violées par quelque 200 soldats issus du Maroc. Au total, plus de 12 000 civils auraient été victimes d'horreurs de ce type.
Des crimes de masse qui auraient été couverts, voire encouragés, par le général Juin, qui avait la responsabilité de ces combattants, selon plusieurs historiens italiens cités par l'hebdomadaire français. Plus d'un demi-siècle plus tard, l'Etat français pourrait en être tenu légalement responsable.