Voile islamique : «pas plus aliénant que la minijupe», selon la sénatrice EELV Esther Benbassa
Le voile n'est «pas plus aliénant que la minijupe», estime dans Libération la sénatrice EELV Esther Benbassa, qui qualifie de «féminisme de grand-mère» les réactions hostiles au lancement par des marques de prêt-à-porter de collections islamiques.
À lire dans @libe: Le #voile, pas plus aliénant que la #minijupe, par E. Benbassa. @laurossignol#féminisme#islamhttps://t.co/fO34L22Wtw
— Esther Benbassa (@EstherBenbassa) 6 avril 2016
«En activant une polémique sur la "mode islamique", la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, oublie que le droit de disposer librement de son corps s’applique à toutes les femmes. Quelle que soit leur confession» écrit la sénatrice dans Libération.
Suite à la polémique provoquée par la diatribe de la ministre concernant le lancement de collections islamiques, à cause de ses propos comparant les femmes qui choisissent de porter le voile aux «nègres pro-esclavage», la sénatrice écologiste a choisi de lui répondre, dans une longue tribune publiée dans le quotidien de gauche.
Selon elle, Laurence Rossignol «n'est pas islamophobe mais ignorante». La sénatrice s'interroge ainsi sur ce que la ministre sait «de l’islam hexagonal et de sa diversité», ou encore «des femmes musulmanes de la France d’aujourd’hui». Violemment opposée au point de vue de la ministre dont les propos sont selon elle, «dignes du café du commerce», la sénatrice dénonce une vision qui pour elle «ne réussira, au mieux, qu’à renforcer le rejet de la France dans certains milieux musulmans qui n’en peuvent plus d’être toujours mis en position d’accusés».
Taxant implicitement Laurence Rossignol de faire des amalgames, la sénatrice EELV estime par ailleurs que la mode des jupes courtes et des vêtements sexy n'est pas forcément synonyme d'émancipation, car cette mode est «souvent créée par les hommes».
Pour Esther Benbassa, la vraie contrainte vestimentaire viendrait non pas de l'Islam mais plutôt du diktat de la séduction et des normes de beauté imposés par les hommes : «Nous sommes, nous, femmes, soumises à un diktat, entré profondément dans notre imaginaire, et auquel nous obéissons, le plus souvent inconsciemment, pour plaire aux hommes. Le modèle de séduction imposé reste quasi inaccessible à la majorité d’entre nous. Un modèle d’extrême minceur, plutôt blond, grand, «glamour», contribuant à un «enfermement du corps des femmes» qui n’a rien à envier à celui que Mme Rossignol dénonce quand elle évoque certaines musulmanes. Ne sont-elles pas aliénées dans leur corps même, celles qui sacrifient leur santé par des régimes dangereux, se résolvent à des opérations chirurgicales douloureuses, se condamnent à l’anorexie, et vivent dans la frustration ? Mesurer le niveau d’émancipation des femmes au degré de raccourcissement de leurs jupes, il fallait y penser ! La nudité du corps des femmes comme outil de leur libération ?» écrit-elle.
Enfin, si elle ne nie pas qu'il y a «dans certains cas de port du voile, la réalité du contrôle social, voire de la contrainte», Esther Benbassa se demande pourquoi les femmes juives pratiquantes ne sont pas également ciblées par les polémiques sur le voile.
Epinglant au passage Elizabeth Badinter dont elle dénonce l'appel au boycott des marques ayant produit des collections de mode islamique - qui selon Esther Benbassa, ne fait que leur donner un coup de pub formidable - la sénatrice termine sa tribune se demandant si les mêmes critiques que certains s'autorisent concernant l'Islam pourraient être tolérées si elles concernaient le Judaïsme. «Qui, aujourd’hui, oserait déclarer qu’«il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’antisémite ?» s'interroge-t-elle, faisant allusion à la phrase d'Elizabeth Badinter, qui avait déclaré déclarait il y a peu qu’«il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe».