Trafic de cocaïne et d'héroïne, suspicion de pressions sur la police : l’ex-maire de Canteleu relaxée
Le tribunal correctionnel de Bobigny a finalement relaxé l’ancienne maire de Canteleu (Seine-Maritime) ce 4 juillet. Mélanie Boulanger était poursuivie pour complicité de trafic de drogue avec 17 autres personnes. Les juges ont néanmoins souligné un «affaiblissement des garde-fous déontologiques» de l’édile.
Un vaste trafic de drogue dans une ville de 14 000 habitants, dans l’agglomération de Rouen, et une enquête de deux ans : cette affaire illustre la puissance sans cesse grandissante des narcotrafics dans la France périphérique.
Élue maire en 2014, l’édile socialiste Mélanie Boulanger, ancienne tête de liste PS-EELV aux élections régionales, était soupçonnée avec l’un de ses adjoints d’avoir fait pression sur les services de police pour ne pas gêner les affaires du «clan Meziani», maître du trafic de stupéfiants dans la commune, et y faisant régner la terreur.
«Il n’y a pas d’acte positif réalisé sciemment pouvant constituer une complicité», a tranché ce 4 juillet le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis), cité par France Bleu Normandie. Le tribunal a toutefois noté un «affaiblissement des garde-fous déontologiques» de l’élue PS.
10 millions d'euros de bénéfices annuels
L’affaire avait débuté à l’automne 2019, avec l’arrestation sur un parking à Saint-Denis de deux individus, l’un portant 50 000 euros en cash et l’autre 2 kg de cocaïne pure à 80%. Les enquêteurs sont ensuite remontés à Canteleu et à la famille Meziani. La maire Mélanie Boulanger avait été placée en garde à vue en octobre 2021, puis mise en examen pour complicité en avril 2022. Elle a démissionné de son mandat en début d’année 2024 pour «raisons de santé» et a toujours clamé son innocence.
Le parquet avait pourtant requis une peine d’un an de prison avec sursis, cinq années d’inéligibilité et 10 000 euros d’amende, lui reprochant d’avoir transmis des informations aux trafiquants de drogue.
L'amant condamné, le chef de clan en fuite au Maroc
La justice a en revanche condamné à un an de prison avec sursis Hasbi Colak, son adjoint et amant, selon Le Monde. Ce dernier avait prêté sa voiture, laquelle avait ensuite servi à une transaction de cocaïne. Il s’est vu sanctionner pour «atteintes à la probité en tant qu’élu».
Toutes les têtes du réseau, avec leurs lieutenants, leurs fournisseurs et leurs blanchisseurs, figuraient parmi les accusés. Ils se sont murés dans le silence, certains refusant de quitter leur cellule pour se présenter à l’audience. Aziz Meziani, le chef de ce clan, est en fuite au Maroc. Il a été condamné à dix ans de prison et 2 millions d’euros d’amende.
«Le tribunal a constaté une présence quasi-dynastique sur Canteleu, renforcée par les liens d’amitié et de mariages, donnant au groupe délinquant un aspect clanique particulièrement difficile à infiltrer», a déclaré le président du tribunal, Jean-Baptiste Acchiardi, cité par Le Monde.
«Un trafic comme il en existe peut-être 20 ou 30 à Rouen»
Le réseau engrangeait 10 millions d’euros de bénéfices annuels avec le seul trafic de cocaïne et d’héroïne. Maître Hugues Vigier, l’avocat de l’un des prévenus, cité par l’AFP, a regretté «l’ampleur tout à fait particulière de l’affaire» en raison de la poursuite d’une édile, une ampleur selon lui susceptible de «modifier l’appréciation des choses». «Je le dis très simplement, on parle ici d'un trafic rouennais qui est un trafic, comme il en existe, d'ailleurs, peut-être 20 ou 30 à Rouen», a-t-il tenté de relativiser.