Affaire des «fadettes» : Matignon désavoue Dupond-Moretti et refuse de sanctionner les juges du PNF
- Avec AFP
Le Premier ministre a suivi l'avis du Conseil supérieur de la magistrature et estimé qu'il n'y avait pas lieu de sanctionner les magistrats du PNF poursuivis dans l'affaire des «fadettes», lancée par Eric Dupont-Moretti à son entrée au gouvernement.
Le Premier ministre Elisabeth Borne a décidé de «suivre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature» qui avait considéré qu'il n'y avait «pas lieu» de sanctionner deux magistrats du Parquet national financier (PNF) soupçonnés de «manquements» dans l'affaire des «fadettes», a indiqué Matignon à l'AFP le 28 octobre.
La décision, qui revenait au chef du gouvernement, solde des poursuites entamées par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti peu après son entrée au gouvernement, alors qu'il avait été visé en tant qu'avocat par des relevés téléphoniques («fadettes») ordonnées par ces magistrats dans une instruction, ce qui lui vaut aujourd'hui des poursuites pour «prises illégales d'intérêt».
Dans deux avis distincts rendus il y a dix jours, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait estimé que l'ex-directrice du Parquet national financier, Eliane Houlette, et son actuel numéro deux, Patrice Amar, n'avaient «commis aucune faute disciplinaire» et qu'il n'y avait «pas lieu» de les sanctionner.
La décision finale appartenait au Premier ministre, alors que ce double avis sonnait déjà comme un désaveu pour Eric Dupond-Moretti. Juste avant d'arriver Place Vendôme, l'avocat avait dénoncé les méthodes de «barbouzes» du PNF qui avait épluché certains de ses relevés téléphoniques lors d'investigations visant à débusquer une taupe qui avait pu informer Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoute.
Dupond-Moretti renvoyé devant la CJR
Ouverte sous la supervision d'Eliane Houlette et classée sans suite en 2019, cette enquête controversée était menée en marge de l'affaire de corruption dite «Bismuth», impliquant l'ex-chef de l'Etat, son avocat Thierry Herzog et un haut magistrat. Tous trois ont été condamnés en première instance et seront rejugés en appel à la fin de l'année.
Accusant Eric Dupond-Moretti d'avoir usé de ses fonctions ministérielles pour régler des comptes liés à son passé d'avocat, des syndicats de magistrats et l'association Anticor avaient porté plainte contre lui fin 2020, déclenchant l'ouverture d'une enquête qui a conduit à son renvoi devant la Cour de justice de la République pour «prises illégales d'intérêts».
Le ministre a formé un pourvoi contre cette décision inédite et affirmé que sa démission n'était «pas à l'ordre du jour». Emmanuel Macron a, de son côté, pris sa défense en estimant que les poursuites qui le visent ne concernaient «en rien, évidemment, ce qu'il a fait en tant que ministre».