Entretiens

L’immigration est-elle un problème pour la France ?

Pourquoi les Français perçoivent-ils l'immigration moins favorablement que les Allemands, qui ont accueilli bien plus de réfugiés ? Patrick Simon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques donne des éléments de réponse.

«L’opinion publique sur l’immigration est très changeante», estime le directeur de recherche à l’Ined Patrick Simon, invité à une conférence consacrée au phénomène de l'immigration dans les contextes russe et européen organisée par le Conseil russe des affaires étrangères à Moscou. Le chercheur explique que, dans le cas français, les gouvernements successifs, qu'ils soient de droite ou gauche, ont toujours entretenu une certaine forme de modération à l’égard de l’immigration qui pourrait se résumer ainsi : «Oui, c’est bien qu’on ait des immigrés, mais pas trop.»

«Et le "pas trop" a été dit de façon variable selon les gouvernements, mais exprimant toujours l’idée générale, selon laquelle l’immigration est un problème plutôt qu’une nécessité», juge Patrick Simon.

Selon lui, l’idée de mettre un coup à d'arrêt à l’immigration n’est pas soutenable du point de vue de la réalité des mécanismes des migrations, même si elle est souvent avancée dans le discours politique. «Il y a toujours l’idée qu’on va pouvoir arrêter l’immigration, ce qui est complètement absurde», souligne-t-il ainsi. Pour Patrick Simon, les politiques préfèrent répondre a ce qu’ils pensent être les attentes de leur électorat plutôt que de conduire une politique qui est en cohérence avec les grands paramètres démographiques, économiques révélés par le travail de la recherche.

«Je ne pense pas que la question de l’immigration soit bien gérée en France», estime Patrick Simon, considérant qu’il faut repenser l’approche globale de l’immigration et ne pas donner l’impression que la solution est de la traiter en danger ou problème. Pour le chercheur, il faut créer les conditions pour que la migration ne soit ni dangereuse pour ceux qui arrivent ni problématique pour ceux qui accueillent.

«Plus on va vivre la question de l’intégration comme une menace, une difficulté, plus on va compliquer la participation [des migrants] à la société», explique Patrick Simon qui estime enfin que le problème n’est pas tant de limiter l’immigration, que de faire en sorte qu'elle prenne sa place dans la société.