«Le quinquennat qui s’achève a bien été celui d’une renaissance d’une politique industrielle conquérante, après des décennies de recul» : dans l'introduction du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale consacré à la désindustrialisation de l'Hexagone remis le 19 janvier 2022, son président, le député En Marche Guillaume Kasbarian, s'est montré pour le moins enthousiaste. Créée en juillet 2021, après que les pénuries de masques ou de composants électroniques ont mis en évidence des pertes de capacité de production et de savoir-faire en France, la commission, qui avait le député socialiste Gérard Leseul pour rapporteur, a cependant dressé un constat plutôt brutal : le nombre d’emplois industriels, comme la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB, ont été divisés par deux en l'espace de 50 ans, faisant de «la France l’économie la plus désindustrialisée du G7, avec celle du Royaume-Uni».
Le quinquennat se termine par l'annonce d'une relance de la filière nucléaire par Emmanuel Macron lors de sa visite aux salariés d'Alstom à Belfort le 10 février, avec des créations d'emplois qualifiés à la clé, mais aussi sur fond de controverses sur le rôle joué par le président lorsqu'il était ministre de l'Economie sous le mandat Hollande, lorsqu'il avait validé la vente de la branche énergie de l'entreprise à General Electric, société américaine qui a supprimé de nombreux postes et qui est soupçonnée d'optimisation fiscale.
D'autres entreprises et sites ont sombré au cours du mandat, dont Brigdestone ou Whirlpool, qui avait été un marqueur majeur de l'entre-deux-tours de la présidentielle en 2017. Trois plans de licenciements après sa venue, Emmanuel Macron a estimé en novembre, devant des anciens du groupe, que l'échec de la reprise de l'entreprise était une faillite collective, déclarant qu'«on s’est parfois fait prendre pour des imbéciles». Le gouvernement revendique, sur la boucle Telegram «Action Macron», un bilan positif, avec la création de près de 30 000 emplois industriels en France depuis 2017 ; la création par le pays, en 2021, de deux fois plus de sites industriels qu'il n'en a fermé ; le fait que la France s’est hissée à la 1ère place européenne en matière d’accueil de projets d’investissements étrangers. Très actif dans la promotion des startups et du numérique, le gouvernement a en effet développé ces activités. Mais, «si la France est devenue en quelques années une véritable usine à startups, elle manque encore de startups à usines», relevait une chronique parue dans Les Echos, citant un rapport de l’Inspection générale des finances selon lequel, sur la dizaine de milliers de ces jeunes entreprises, à peine 12 % officient dans le secteur manufacturier.
Le quinquennat d’Emmanuel Macron n’aura pas permis d’inverser la tendance
Le bilan du quinquennat apparaît pour le moins contrasté, ayant amorcé un changement de cap et avec quelques succès, dont le retour de la production de paracétamol sur le territoire ou encore l'implantation d'une usine de batteries dans l'ancien bassin minier de Dunkerque, mais sans réussir à inverser complètement le déclin de l'activité industrielle, particulièrement marqué en France. Ainsi, «la part de l’industrie manufacturière dans la richesse nationale reste deux fois plus élevée dans des pays tels que l’Allemagne, le Japon ou la Suisse qu’en France», constatent les auteurs du rapport parlementaire, qui soulignent que «l’économie des pays qui ont gardé une base industrielle solide se porte généralement mieux que celle des pays désindustrialisés, avec moins de chômage ou de sous‑emploi et de confortables excédents commerciaux». Un constat étayé, début février 2022, par l'annonce du pire déficit commercial de l'histoire hexagonale, en raison des prix élevés de l'énergie mais aussi d'importations massives de biens, avec un record de 84,7 milliards d'euros, à comparer au précédent record de 2011, qui était de 75 milliards.
«Je crois profondément à la réindustrialisation de notre pays : c’est un des objectifs de France Relance qui aide à financer la localisation de nouvelles productions sur le territoire», s'enthousiasmait pourtant Bruno Le Maire en février 2021, avant de concéder, face à ces chiffres, que la réindustrialisation du pays prendrait du temps, sans doute «dix ans».
Une étude de l'Institut Rexecode publiée le 15 février vient de confirmer les difficultés persistantes de l'industrie hexagonale : «La compétitivité de la France se dégrade de nouveau en 2021 et sa désindustrialisation relative s'accentue», résume l'analyse. «La part des exportations françaises dans celles de la zone euro est à son niveau le plus bas depuis 2000», précise la note, et ce pour la quasi-totalité des catégories de produits manufacturés. Selon Rexecode, les réformes du début de ce quinquennat qui ont privilégié l’attractivité (fiscalité du capital, droit du travail) sont bien perçues par les acteurs internationaux, «mais les résultats n'en sont pas encore tangibles». Selon Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas cité par Les Echos, «la production industrielle française à la fin 2021 était 10 % inférieure à son niveau d’il y a vingt ans». Pire, «les capacités de production sont aujourd’hui de près de 6 % inférieures à leur niveau de 2018», a-t-il indiqué au quotidien, pour qui «le quinquennat d’Emmanuel Macron n’aura pas permis d’inverser la tendance».
Malgré l'activisme affiché du ministre de l'Economie et de la ministre en charge de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, le gouvernement a aussi été critiqué par France Industrie – qui regroupe les professionnels du secteur – lors de la présentation de ses propositions pour le prochain mandat. «Il serait important et efficace d’avoir en face de l’industrie un interlocuteur de poids, crédible. Un ministère de plein exercice en charge de l’industrie, qui n’existe plus depuis des années. Pas seulement au sens de l’industrie industrielle, mais un ministère qui rassemblerait toutes ses composantes : l’énergie, pourquoi pas le transport, jusqu’à l’innovation et la recherche. [...] Nous avons besoin d’interlocuteurs compétents », a ainsi exhorté Patrice Caine, le président-directeur général de Thalès, dans L’Opinion.
Un phénomène ancien
La majorité actuelle ne peut certes être tenue seule responsable de cet inquiétant déclin, qui a commencé dès le mandat de Valéry Giscard d'Estaing : «Entre 1974 et 2018, les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,5 millions d’emplois), l’industrie ne représentant plus aujourd’hui que 10,3 % du total des emplois», énonce le rapport parlementaire. Cette baisse drastique n'a certes pas affecté toutes les branches industrielles de la même façon : là où le textile, l’habillement, l'industrie du cuir et de la chaussure ont perdu plus de 80 % de leurs effectifs sur cette période, les activités d'assainissement et de gestion des déchets, par exemple, ont vu leurs effectifs progresser.
Les rapports consacrés au phénomène de désindustrialisation sont légion : une semaine avant la remise du rapport de la commission parlementaire, le Haut commissariat au plan, placé sous l'égide de François Bayrou, avait publié sa propre note, intitulée «Dynamique économique et réindustrialisation durables». Celle-ci est venue s'ajouter à plusieurs rapports de France Stratégie, ces différentes études s'accordant, pour l'essentiel, sur les causes expliquant l'ampleur du recul de l'industrie hexagonale. Agnès Pannier-Runacher a elle-même évoqué, dans un discours prononcé le 9 février à l'Assemblée, une «capitulation industrielle» qui se serait étalée sur «une trentaine d'années».
Plusieurs facteurs, à la fois nationaux et internationaux, se sont conjugués pour parvenir à ce mauvais résultat : sur le plan intérieur d'abord, la vision d'une «entreprise sans usines» développée par l'ancien PDG d'Alcatel, Serge Tchuruk, en 2001, s'est avérée être partagée par une série d'entreprises françaises, qui n'ont pas hésité à délocaliser à tour de bras dans des pays où le coût du travail était plus faible, particulièrement dans le secteur automobile. «Les constructeurs automobiles français font assembler leurs véhicules à l’étranger pour ensuite les importer et les vendre en France. […] Nous n’avons pas vu de maintien d’emplois dans l’industrie automobile même lorsque l’État était actionnaire», selon Vincent Vicard, chercheur au centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Ainsi, entre 2000 et 2019, le «centre de gravité de l’industrie européenne s’est [...] décalé vers l’Est. Le taux d’augmentation [de la production industrielle] atteint 350 % en Slovaquie, 300 % en Pologne et 200 % en Hongrie», a expliqué devant l'Assemblée Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School.
Les employés du secteur de la chaussure ne sont pas pour autant devenus des ingénieurs électronucléaires
Plus globalement, la stratégie définie par l'UE au début des années 2000 en matière industrielle s'est révélée être une impasse, comme l'a analysé Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). «Les activités à faible valeur ajoutée devaient s’installer dans des pays à bas coût de production qui devenaient les fournisseurs et sous-traitants de l’industrie française et européenne», a-t-il rappelé, tandis que «l’industrie française et européenne devait se réserver les productions à forte valeur ajoutée». Cependant, force est de constater que «la Chine ne fabrique plus uniquement des t-shirts, [mais qu']elle produit également des avions et des satellites. Parallèlement, les employés du secteur de la chaussure ne sont pas pour autant devenus des ingénieurs électronucléaires. Un découplage s’est effectué entre une stratégie qui se voulait haut de gamme et applicable à l’ensemble des forces de travail européennes, mais la différenciation ne s’est pas déroulée comme prévu», a développé le représentant patronal.
Des aides mal ciblées
Dans ce cadre, la France a particulièrement souffert : «La concurrence accrue au sein d’une économie mondialisée et de l’Union européenne élargie [a été] porteuse de déclassement», selon le rapport de l'Assemblée, qui souligne aussi que la concurrence sur le continent a été guidée par «la volonté de satisfaire le consommateur par des prix bas», ce qui n'a pas été sans conséquences sur la stratégie des entreprises. Afin de compenser des coûts salariaux plus élevés, plusieurs gouvernements français ont actionné le levier des exonérations de cotisations pour les entreprises, par exemple avec le célèbre crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) adopté sous le mandat de François Hollande : une politique assez coûteuse et au bilan mitigé, qui a certes permis aux entreprises de retrouver des marges et d'investir à nouveau, mais sans créer les emplois espérés, selon la plupart des experts.
Autre moyen de soutenir les entreprises et l'industrie en particulier, le crédit impôt recherche (CIR), qui devait encourager les investissements dans la recherche-développement (R&D) et l'innovation, qui a pesé sur les finances publiques à hauteur de 6 milliards d'euros par an depuis 2008. Mais, comme l'a relevé L'Opinion, «ce crédit d’impôt fait de la France le pays le plus dépensier en matière de soutien aux dépenses de recherche et développement des entreprises, sans pour autant en faire un champion de l’innovation», à cause d'un mauvais ciblage des dépenses éligibles. Le CIR a ainsi bénéficié essentiellement aux grands groupes, dont certains n'ont pas brillé par leur exemplarité : ainsi, l’entreprise Sanofi, selon une élue de la CGT auditionnée par l'Assemblée, aurait bénéficié d’un CIR de 110 à 130 millions d’euros chaque année, tout en ayant «supprimé 3 000 emplois en R&D et fermé 8 de ses 11 centres de recherche». Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, le dispositif ne soutient pas assez des entreprises plus petites, qui pourraient avoir un rôle en matière d'innovation technologique. De manière générale, les secteurs privé et public de l'Hexagone n'investissent pas suffisamment dans la R&D : avec environ 2,2% du PIB, la France se retrouve très loin de la Corée du Sud et d’Israël, pays dans lesquels l’effort de recherche atteint 4,5 % du PIB.
En outre, l'Hexagone pâtit d'un déséquilibre dans la structure de son tissu économique : «Nous sommes dotés de très grands groupes, de petites et moyennes entreprises (PME), mais quasiment pas d’entreprises de taille intermédiaire (ETI)», a expliqué Xavier Ragot, président de l’Observatoire des conjonctures économiques (OFCE). A l'inverse du «Mittelstand» allemand, c'est-à-dire cet ensemble d'entreprises de taille moyenne, souvent détenues par des actionnaires familiaux qui ont contribué à la puissance industrielle de notre voisin. «Le Mittelstand permet un ancrage local des entreprises et une transmission familiale ou une organisation de la transmission du capital qui font défaut dans l’organisation française», soulignait ainsi Christophe Beaux, selon qui la France n'alignerait qu'environ 6 000 ETI, contre 13 000 en Allemagne et 10 000 en Italie et au Royaume-Uni.
Amorce d'un changement de cap du côté de l'Etat
Pour tenter de remédier à ces différentes faiblesses, de nouveaux instruments ont été mis en place pour tenter de rebâtir la souveraineté industrielle du pays et de moderniser l'industrie durant la dernière décennie : dès 2015, Arnaud Montebourg, alors à la tête du ministère du «Redressement productif», avait lancé 34 plans industriels pour favoriser le made in France du futur, en espérant voir se dessiner une «Nouvelle France industrielle». Le mouvement s'est accéléré à la faveur de la pandémie, qui a souligné le degré de dépendance de la France pour certains produits, qu'il s'agisse de simples masques ou de médicaments, d'où le plan de relance présenté en juillet 2020, suivi peu après du plan «France 2030» en octobre 2021. Celui-ci doit permettre à la France de «retrouver le chemin de son indépendance environnementale, industrielle, technologique, sanitaire et culturelle et de prendre un temps d’avance dans ces secteurs stratégiques», avec des investissements notamment dans l'hydrogène et la voiture électrique.
L'électrification du parc automobile, fixée à l'horizon de 2035 par la Commission européenne, fait d'ailleurs planer de sérieuses menaces sur l'emploi dans le secteur : Louis Gallois, président du conseil de surveillance de PSA, s'est ainsi dit préoccupé par l’avenir des fournisseurs et des sous-traitants de la filière, estimant que «le virage de la voiture électrique nécessite et nécessitera un dialogue social intense parce qu’il ne se produira pas sans de profondes difficultés». Celles-ci se sont d'ailleurs déjà traduites par des fermetures de fonderies listées par Mediapart, dont MBF, les Fonderies du Poitou la Fonderie de Bretagne ou encore la Société aveyronnaise de métallurgie, occupée depuis plus de deux mois par ses ex-salariés.
Si les différents plans semblent témoigner d'une réelle volonté de regagner en souveraineté, c'est au prix d'une certaine complexité : ils sont en effet venus se superposer aux programmes d'investissements d'avenir (PIA), initiés dès 2010. «La plupart de ces plans poursuivent [...] des objectifs très proches, mobilisent des moyens qui s’empilent les uns sur les autres et s’appuient sur des opérateurs en général identiques : la Caisse des dépôts et consignations, la Banque publique d’investissement (Bpifrance), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)», a ainsi constaté devant l'Assemblée Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes.
Cela étant, un réel travail a été entrepris pour limiter les phénomènes de dépendance à l'avenir. Dans le cadre du plan de relance par exemple, six secteurs critiques ont été identifiés comme pouvant faire l'objet d'une relocalisation, dont l’électronique, la santé, la 5G, ou encore l’agroalimentaire. De la même manière, le Conseil d'analyse économique a identifié, en avril 2021, plus de 600 produits pour lesquels la France devait tâcher de réduire ses vulnérabilités. Un travail poursuivi par le Haut commissariat au plan, qui a passé en revue plus de 900 produits qui faisaient l’objet d’un déficit commercial supérieur à 50 millions d’euros. François Bayrou a ainsi proposé une série de relocalisations, et martelé, devant le Sénat, que la réindustrialisation du pays devait devenir une «obsession nationale».
Comment réindustrialiser la France ? Les propositions des candidats
Sans aller jusqu'à l'obsession, la relance de l'industrie française est l'un des thèmes importants de la campagne, autour duquel on retrouve le clivage droite/gauche, surtout sur la question fiscale. S'il ne s'est pas encore officiellement déclaré, Emmanuel Macron devrait s'engager à poursuivre les chantiers déjà lancés, tablant sur la modernisation, la robotisation et la numérisation de l'industrie. En poursuivant sur le plan fiscal, la baisse des impôts de production, comme l'a annoncé Bruno Le Maire en début d'année.
Cette diminution des impôts de production, réclamée par l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) à hauteur de 30 à 35 milliards d'euros, figure aussi au programme de la candidate des Républicains Valérie Pécresse, qui entend réduire en priorité la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Le programme LR prévoit, par ailleurs, que «les entreprises qui décident de délocaliser leur production devront rembourser automatiquement les aides qu’elles se sont vu attribuer par l’État ou les collectivités territoriales».
De son côté, Marine Le Pen prévoit de supprimer la cotisation foncière des entreprises ainsi que la C3S, mais uniquement pour les TPE/PME et dans les zones destinées des projets de relocalisation. Son concurrent Eric Zemmour promet lui de baisser les impôts de production à hauteur de 30 milliards d’euros, en supprimant en priorité la C3S et la CVAE, tout en voulant instaurer des «zones franches» où les entreprises ne paieraient ni impôts de production ni impôts sur les sociétés pendant les cinq ans suivant leur installation.
Ces options sont critiquées à gauche : pour la France Insoumise, «l’obsession de la fiscalité et du coût du travail apparaît [...] comme une vision réduite des solutions à apporter» à la désindustrialisation, a estimé la députée Bénédicte Taurine dans une tribune récente, plaidant pour maintenir les ressources permettant à l'Etat de soutenir l'innovation. Le programme des Insoumis ne prévoit pas moins de 200 milliards d’euros «d’investissements écologiquement et socialement utiles, qui rempliront les carnets de commande des entreprises pour des années, leur donneront de la visibilité et leur permettront à la fois d’investir et d’embaucher».
En prêtant attention aux PME : «Nous n’hésiterons pas à désobéir aux règles européennes absurdes qui interdisent de privilégier les PME locales dans les marchés publics», détaille le programme, qui annonce aussi une refonte «de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices pour rétablir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes». Enfin, un «protectionnisme écologique» garantira aux entreprises «de ne plus être écrasées par la concurrence déloyale». Jean-Luc Mélenchon a aussi fait part, à plusieurs reprises, de son intention de relancer l'industrie spatiale.
Le retour de l'Etat est aussi inscrit dans le projet de Yannick Jadot : «L’Etat doit prendre en main la planification de filières industrielles indispensables à la transition énergétique», avance le programme d'Europe Ecologie Les Verts, citant l’industrie solaire, et éolienne, avec l'objectif de favoriser «l’indépendance stratégique» de la France et d'«aligner la stratégie industrielle nationale avec les objectifs climatiques et sociaux», tout en relocalisant l’emploi sur le territoire national.
Le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, a fait de la relocalisation un des enjeux centraux de sa campagne, dénonçant «le grand déménagement industriel» opéré pendant le quinquennat. Il prévoit notamment le droit pour l'Etat de préempter les entreprises en vente et un «pacte pour l’emploi et le climat» qui appuierait des projets de relocalisation à hauteur de 140 milliards d’euros. Et, lorsque des entreprises sont menacées de délocalisation, il propose de permettre aux salariés d'obtenir la suspension de ces décisions, ainsi que «de faire des contre-propositions, à la place de l’actionnaire majoritaire, qu’ils pourront défendre en s’appuyant sur une banque publique».
Pour le Parti socialiste, Anne Hidalgo défend un plan de relocalisation des activités économiques, appuyé sur un fonds pour la réindustrialisation et l'emploi local doté de 3 milliards d'euros. Sa rivale Christiane Taubira a évoqué sur Twitter, sans plus de précisions, un «plan national de réindustrialisation» qui serait présenté dans les 100 premiers jours du quinquennat.
Au-delà de ces divergences sur les leviers fiscaux et les plans d'ensemble, certaines données sur l'éducation et la qualification de la main-d'oeuvre mériteront d'être mises en débat. Plusieurs économistes se sont ainsi inquiétés de l'insuffisance des compétences scientifiques des Français, dont les résultats en mathématiques ne sont guère brillants, alors que l'économie du futur aura de plus en plus besoin de personnels qualifiés. Patrick Artus a ainsi alerté sur une «dégradation de l’employabilité de la population» qui pourrait gêner les relocalisations. Professeur d'économie à Harvard et lui aussi cité par Les Echos, Xavier Gabaix est allé plus loin : «La France a fait le choix d'un nivellement par le bas de l'éducation. Le risque pour le pays est de se retrouver avec une main-d'oeuvre moins qualifiée et une baisse généralisée de son niveau de vie», a-t-il mis en garde.
Mathieu Laurent