Espionnage des salariés chez Ikea : le Parquet requiert une peine «exemplaire»
- Avec AFP
Le procureur de Versailles a requis une forte amende contre la filiale française de l’enseigne suédoise d’ameublement et de la prison ferme contre un de ses anciens PDG. La question de l’éventuelle corruption de policiers a été posée, mais pas jugée.
Le parquet de Versailles a requis ce 30 mars une peine «exemplaire», soit deux millions d'euros, contre l'enseigne Ikea France, accusée d'avoir espionné plusieurs centaines de salariés, et un an de prison ferme contre un de ses anciens PDG.
Citée par l’AFP, le procureur Paméla Tabardel a affirmé qu’Ikea France n’était pas la seule entreprise à avoir recours à ce type de pratiques de surveillance. Dans son réquisitoire, elle a déclaré que «l'enjeu» de ce procès était celui de la protection des vies privées face à la menace de «la surveillance de masse», en demandant que la réponse pénale soit un «message fort» envoyé à «toutes les sociétés commerciales».
«Il a été dit, et c'est important, qu'Ikea est responsable», s'est réjouie en marge de l'audience Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT citée par l'AFP. Emmanuel Daoud, l'avocat d'Ikea France, a préféré relever que le procureur n'avait «pas prononcé une seule fois le mot "système d'espionnage généralisé"». «Il faudra dorénavant arrêter de dire qu'il y avait un système d'espionnage industrialisé», a-t-il insisté, en précisant qu'il plaiderait la relaxe.
Révélée par la presse puis instruite en 2012, cette affaire a mis au jour un système bien rôdé de surveillance des salariés, et même parfois des clients, des antécédents judiciaires au train de vie en passant par le patrimoine. Outre Ikea France, quinze prévenus se sont succédé à la barre pour raconter leur version des faits, dont d'anciens dirigeants d'Ikea France, des directeurs de magasins mais aussi des fonctionnaires de police et le patron d'une société d'investigation privée.
Le procureur a demandé des relaxes pour deux dirigeants d’Ikea : l'ancienne directrice des ressources humaines Claire Héry, qui encourait jusqu'à dix ans d'emprisonnement, et Stefan Vanoverbeke, PDG d'Ikea France de 2010 à 2015, contre qui il n'y avait finalement «pas d'élément matériel». En revanche, elle a requis trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis pour son prédécesseur, l'ancien président-directeur général Jean-Louis Baillot (1996-2009).
Eventuelle corruption de fonctionnaires de police
«Je souhaite une peine qui marque la vie de Jean-Louis Baillot», a expliqué le procureur, selon qui la «politique initiée» par l'ancien responsable a affecté au moins 400 salariés ayant fait l'objet d'«enquêtes privées». Le procureur a aussi soulevé la question de l'éventuelle corruption des fonctionnaires de police mis en cause, pourtant évacuée par ses collègues du Parquet dans le réquisitoire introductif, et a reconnu : «Je ne dis pas qu'il y a eu de la corruption, mais je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas eu. Cela pose question dans ce dossier.»
Depuis le 22 mars, l'ancien «Monsieur sécurité» d'Ikea France, Jean-François Paris, est le seul des dirigeants à avoir reconnu devant le tribunal correctionnel de Versailles des «contrôles de masse» d'employés. Le parquet a requis trois ans de prison contre lui, dont un ferme. A la barre, il a répété avoir suivi une consigne formulée en 2007 par l'ex-PDG Jean-Louis Baillot, ce que l’intéressé a contesté. Directeur de la gestion des risques d'Ikea France de 2002 à 2012, Jean-François Paris transmettait des listes de personnes «à tester» à la société Eirpace, dirigée par Jean-Pierre Fourès.
Ancien des Renseignements généraux (RG), le patron de cette entreprise spécialisée «en conseil des affaires» est notamment accusé d'avoir, par l'entremise de policiers, eu recours au STIC, le Système de traitement des infractions constatées, ce dont il s'est défendu. A son encontre, le parquet a requis une peine de deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis. Le procès se poursuit dans l’après-midi du 30 mars avec les plaidoiries de la défense.