L'administration fiscale française tente actuellement de déterminer si Carlos Ghosn a artificiellement quitté la France pour les Pays-Bas, un mouvement dont les autorités françaises auraient été informées depuis 2012. Cette procédure entrerait dans le cadre d'un «méga redressement» fiscal, selon un article de Libération daté du 13 novembre 2020.
Quelques semaines après le départ de Carlos Ghosn de Renault en avril 2019, un examen contradictoire de sa situation fiscale avait été lancé, c'est-à-dire un contrôle fiscal minutieux qui peut durer plusieurs mois.
Toujours selon le quotidien, des négociations entre le fisc et les avocats de l'ancien patron automobile sont en cours mais, pendant ce temps, la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) aurait demandé au fisc de saisir l’équivalent de 13 millions d’euros de biens en France, dont un appartement dans le XVIe arrondissement de Paris acheté 5,9 millions d'euros en 2019.
L'ex-magnat de l'automobile a affirmé, dans son livre Le temps de la vérité, que le fisc français avait été informé de sa nouvelle domiciliation aux Pays-Bas dès 2012. Une demande de rescrit fiscal (une réponse formelle de l'administration concernant l'interprétation d'une situation ou d'un texte fiscal) était restée sans réponse, souligne une source proche du dossier citée par l'AFP.
Un déménagement «signal de neutralité» ou volonté de frauder le fisc ?
Au début des années 2000, la structure chapeautant l'Alliance Renault-Nissan – dénommée RBNV – avait élu domicile sous le régime fiscal clément des Pays-Bas, comme de nombreuses multinationales.
Carlos Ghosn y aurait transféré sa résidence en 2012 «comme un signal de neutralité», pour se positionner «d'abord comme patron de l'Alliance, avant d'être celui de Renault ou Nissan». Il souligne également qu'il était domicilié et payait ses impôts au Japon quand il dirigeait Nissan, et en France depuis qu'il avait pris la tête de Renault.
Le fisc français semble cependant considérer que ce déménagement était fictif. Celui-ci doute du respect par Carlos Ghosn de la règle des 183 jours de résidence par an en vigueur au Pays-Bas, comme l'explique Le Figaro. Pour l'administration, «la France était le centre de son activité professionnelle et familiale» et par conséquent le Franco-libano-brésilien aurait dû continuer à payer ses impôts en France sur l'ensemble de ses revenus, «dans le respect de la convention évitant une double imposition», précise Libération.
Carlos Ghosn dénonce également «la machine populiste à fabriquer des fausses nouvelles» et le vote de la loi Le Maire, du nom du ministre de l'Economie. Cette dernière, adoptée fin 2019, impose aux dirigeants d'entreprises françaises d'être domiciliés fiscalement en France dès 250 millions d'euros de chiffres d'affaires.
Interrogé le 14 décembre sur Franceinfo, Bruno Le Maire a simplement déclaré que «le ministre des Finances n'interv[enait] dans aucun dossier fiscal. L'administration traite les dossiers personnels de manière indépendante. Carlos Ghosn sera traité comme n'importe quel citoyen, ni plus ni moins».
Carlos Ghosn avait été arrêté en novembre 2018 à Tokyo, soupçonné d'avoir omis de déclarer une grande partie de ses revenus aux autorités boursières entre 2010 et 2015. En mars 2019, un juge japonais acceptait sa libération sous caution, avec interdiction de quitter le Japon mais, quelques semaines après, il était de nouveau arrêté, accusé d'avoir utilisé 5 millions de dollars pour son bénéfice personnel. Carlos Ghosn – qui nie ces accusations – avait fui le Japon et était arrivé le 30 décembre 2019 à Beyrouth, où des juges viendront l'interroger en janvier 2021 dans le cadre de deux enquêtes pénales.
Comme le rappelle Le Figaro, la première affaire – dans laquelle Rachida Dati et le criminologue Alain Bauer sont cités – concerne des contrats signées par RNVB ; et la seconde porte entre autre sur le financement de soirées d'anniversaire et de mariage de Carlos Ghosn au château de Versailles. Au Japon, Nissan réclame par ailleurs 80 millions d'euros de dommages et intérêts à l'ancien PDG.