La bataille judiciaire entre Carlos Ghosn et Renault est lancée. L'ex-patron du constructeur automobile vient d'assigner son ancien employeur en justice. Et il espère obtenir gros : 15 millions d'euros... en plus d'une pension annuelle de 800 000 euros.
Démission ou pas démission ? Le litige porte sur les conditions de son départ de l'entreprise. Le dirigeant âgé de 65 ans, dont le départ de l'entreprise est corollaire à ses déboires judiciaires, estime que ses droits ont été bafoués par celle-ci. Il a engagé une première procédure devant le tribunal chargé des affaires sociales, les prud'hommes, et en prépare une deuxième devant un tribunal de commerce.
Estimant que Carlos Ghosn avait démissionné de ses fonctions le 23 janvier 2019, alors qu'il était en prison au Japon pour diverses malversations présumées, Renault avait annoncé, l'an dernier, que l'homme d'affaires franco-libano-brésilien avait perdu ses droits à une «retraite-chapeau» pour un montant brut de 774 774 euros par an.
Pour prétendre à cette pension, Carlos Ghosn devait, de facto, être encore présent comme mandataire social au moment de faire valoir ses droits à la retraite.
Le conseil d'administration du groupe au losange avait également estimé que l'ancien PDG avait perdu ses droits aux actions qui lui avaient été attribués entre 2015 et 2018 en récompense des bonnes performances du constructeur. Leur règlement était en effet subordonné à une condition de présence dans l'entreprise quatre ans après leur attribution, «sauf départ à la retraite».
Considéré comme démissionnaire, Carlos Ghosn a ainsi perdu 380 000 actions, dont la valeur est estimée à environ 15,5 millions d'euros au cours actuel du titre Renault. Or, l'ex-PDG dément avoir démissionné.
Démission ou retraite ?
L'ancien patron, qui a fui au Liban alors qu'il était assigné à résidence au Japon, pour fuir un procès, selon lui inique, assure qu'il avait quitté l'entreprise pour justement faire valoir ses droits à la retraite alors qu'il était, de fait, empêché de diriger le groupe.
«Compte tenu notamment de son arrestation au Japon en novembre 2018, [Carlos Ghosn] s'est vu contraint, le 23 janvier 2019, d'informer Renault de sa décision de quitter définitivement l'entreprise, afin de prendre sa retraite», affirme sa défense.
Dans cette bataille de juristes, «tout dépendra de l'interprétation d'une démission ou pas de Carlos Ghosn», a confirmé à l'AFP Charles Pinel, du cabinet de conseil aux investisseurs Proxinvest.
En tant qu'ancien salarié, Carlos Ghosn a d'ores et déjà saisi en référé les prud'hommes à Boulogne-Billancourt (92), siège de l'entreprise, pour réclamer le paiement de son indemnité de départ à la retraite. Une audience est prévue «fin février».
Renault ne lui a pas versé un centime de retraite
Au printemps 2019, l'ancien patron avait effectué les démarches pour liquider ses droits à la retraite. «Il bénéficie du versement de cette pension depuis le 1er juin 2019, tant au titre du régime de base que du régime Agirc – Arrco [régimes de retraite complémentaire du secteur privé français]», expliquent ses défenseurs. «Or, en dépit de [...] ses demandes répétées auprès de Renault, son indemnité de départ en retraite ne lui a toujours pas été versée, plus de 10 mois après» son départ. Le non-versement de cette somme est là encore justifié par la supposée démission de Carlos Ghosn, fin janvier 2019.
Ce litige devant les prud'hommes porte «seulement» sur un montant de 249 999,99 euros. Mais une victoire sur ce volet pourrait aider Carlos Ghosn sur les dossiers plus importants de la retraite chapeau et des actions de performance. Une procédure sur ces éléments est, en effet, envisagée prochainement devant un tribunal de commerce, a indiqué son entourage.
Carlos Ghosn et Renault semblent donc au tout début d'une longue bataille judiciaire. «J'ai des droits vis-à-vis de Nissan, vis-à-vis de Renault, qui n'ont pas été respectés, et je compte bien les réclamer en justice», avait prévenu Carlos Ghosn la semaine dernière lors d'une conférence de presse à Beyrouth (Liban). «On a dit qu'en janvier [2019], j'avais démissionné de Renault, ce qui est faux», a-t-il affirmé, évoquant une «forfaiture».