«J'annonce que nous allons contourner avec fierté vos sanctions illégales et injustes car elles vont à l'encontre du droit international», a déclaré le 5 novembre le président iranien Hassan Rohani dans un discours télévisé. Le président de la République islamique réagissait à l'entrée en vigueur le même jour de nouvelles sanctions américaines, qui visent spécifiquement les secteurs pétrolier et financier iraniens, vitaux pour l'économie du pays.
Les exportations de pétrole, en effet, assurent 40% des recettes de l'Etat iranien, selon la Banque mondiale. Pour continuer à écouler leur brut, les tankers iraniens se sont mis depuis quelques semaines à éteindre leurs transpondeurs afin de ne pas être repérés, mais des satellites les traquent.
Le premier marché pour le pétrole iranien est la Chine, suivie de l'Union européenne, de l'Inde et de la Turquie. Le Japon et la Corée du Sud ont eux quasiment réduit à zéro leurs importations. «Nous sommes en situation de guerre économique et nous affrontons une tentative d'intimidation. Je ne pense pas que dans l'histoire américaine il y ait eu jusqu'à présent quelqu'un à la Maison Blanche qui contrevienne à ce point au droit et aux conventions internationales», a ajouté le président iranien.
Quelques jours auparavant, cité par l’AFP, le guide de la Révolution islamique, Ali Khamenei, avait estimé que le président américain avait «discrédité» les Etats-Unis qui, selon lui, seraient les ultimes perdants de cette politique. De son côté le président américain, cité par l’AFP, a déclaré le 4 novembre : «Quand j'ai pris mes fonctions, juste avant, on pensait que l'Iran allait dominer tout le Moyen-Orient [...] Plus personne n'en parle aujourd'hui.»
Adoptant une politique hostile envers l'Iran depuis son accession au pouvoir en janvier 2017, Donald Trump, qui a toujours condamné l’accord sur le nucléaire iranien, avait rétabli dès le mois d'août dernier une première série de sanctions économiques contre Téhéran.
Chantage américain contre les clients de l’Iran
Les sanctions américaines s'apparentent à un chantage contre les pays tiers qui commercent actuellement avec l'Iran. Ainsi, les entreprises asiatiques ou européennes se verront interdites de marché américain si elles continuent d'importer du pétrole iranien, ou d'échanger avec des banques iraniennes ciblées par Washington. Le choix de beaucoup d'entre elles devrait se porter sur les Etats-Unis, si ce n'est déjà fait.
Huit pays bénéficieront toutefois d'une exemption temporaire pour le pétrole : la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l'Inde, l’Italie, la Turquie, la Grèce et Taïwan. Ce régime de dérogations est similaire à ce que les Etats-Unis ont pratiqué, de 2012 à 2015, avant l'accord sur le nucléaire iranien négocié sous Barack Obama. A l'époque, les mêmes pays avaient obtenus des dérogations aux sanctions américaines, au motif qu'ils réduisaient progressivement leurs importations de brut iranien.
«Il y a une poignée de pays qui ont déjà réduit de façon importante leurs importations de brut et ont besoin d'un peu plus de temps pour atteindre zéro, et nous allons leur donner ce temps», a ainsi expliqué le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dans une interview accordée le 4 novembre à la chaîne Fox.
Concernant les sanctions financières, il a répété que plus de 600 individus et entités en Iran seraient placés sur une liste noire, un nombre supérieur à celui de ceux qui en avaient été retirés après la conclusion de l'accord de 2015.
Le réseau financier international SWIFT se soumet au diktat américain
Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a aussi annoncé la semaine dernière que les Etats-Unis souhaitaient déconnecter l'Iran du circuit bancaire international SWIFT, ossature du système financier mondial, comme c'était le cas de 2012 à 2016. Le fournisseur mondial de services de messagerie financière sécurisés s’est d’ailleurs exécuté en annonçant le 5 novembre sa décision de «suspendre» l'accès de certaines banques iraniennes à son réseau. après la décision des Etats-Unis de rétablir des sanctions contre l'Iran.
Basé à Bruxelles, SWIFT, ce système qui permet les paiements interbancaires, s’est dédouané de toute responsabilité dans cette décision. Dans une déclaration succincte adressée par mail aux principales agences de presse, le réseau a expliqué : «Conformément à notre mission de soutien de la résilience et de l’intégrité du système financier mondial […] SWIFT suspend l’accès de certaines banques iraniennes au système de messagerie. Cette mesure, certes regrettable, a été prise dans l’intérêt de la stabilité et de l’intégrité du système financier mondial au sens large. Notre mission reste d'être un fournisseur de messagerie global et neutre.»
«Nous restons prêts à parvenir à un nouvel accord, plus complet avec l'Iran», avait répété le président des Etats-Unis le 2 novembre en dépit de l'animosité ambiante. Donald Trump a encore précisé qu'il était prêt à rencontrer les dirigeants iraniens pour négocier un accord global sur la base de 12 conditions américaines, impliquant des restrictions beaucoup plus fermes et durables sur le nucléaire, mais également la fin de la prolifération de missiles et des activités jugées «déstabilisatrices» de Téhéran au Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
Les Iraniens, eux, ne veulent pas d'un dialogue avec Washington. En août, l'ayatollah Khamenei avait déclaré : «Il n'y aura pas de négociations avec les Etats-Unis.»
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