Economie

La Deutsche Bank a-t-elle passé les «stress tests» grâce à un traitement de faveur ?

La Deutsche Bank a passé les tests de résistance en portant à son actif la vente de sa participation dans une banque chinoise alors que la transaction n'était pas finalisée. D'autres banques européennes n'ont pas eu droit à un tel traitement.

Afin d'améliorer son ratio de fonds propres et donner l'image d'une meilleure solvabilité, la Deutsche Bank a porté à son actif une vente d'actifs pour près de 4 milliards de dollars, révèle le quotidien financier The Financial Times. Le hic, c'est qu'au moment où la Deutsche Bank a rendu sa copie auprès de l'Autorité bancaire européenne, la vente convenue en décembre 2015 n'avait toujours pas été finalisée. Et ne l'est d'ailleurs toujours pas. L'Autorité bancaire européenne, chargée d'évaluer la résistance des banques à un «choc systémique», a ainsi accepté que le géant bancaire allemand intègre à ses fonds propres la vente de sa participation de 20% dans le capital d'une banque chinoise, la Hua Xia.

Des tests de résistance bienveillants

Aussi l'attitude plutôt bienveillante de l'Autorité bancaire européenne jette le doute sur les stress tests, lesquels étaient destinés à rassurer les marchés et, sans doute aussi un peu, les citoyens et clients européens quant à la solidité du système bancaire européen. Car, dans le même temps, rapporte le Financial Times, la banque espagnole Caixabank n'avait, elle, pas été autorisée à porter une vente d'actifs de 2,65 milliards de dollars, pourtant réalisée et finalisée en mars 2016.

De plus l'Autorité bancaire européenne a effectué son calcul non pas sur la valeur de marché des actifs, mais sur leur valeur comptable. En clair, la valorisation estimée par les banques elles-mêmes de leurs actifs. Seulement voila, la valeur en Bourse de ses actifs, souvent des produits dérivés hautement spéculatifs et des «mauvais prêts» ont chuté sur les marchés de près de 40% et même de 50%, ce qui remet sérieusement en doute la validité des tests de résistance et, par conséquent la «résistance» réelle du système financier européen et mondial.

Des milliers de milliards de dollars en produits spéculatifs

Dans la tourmente depuis plusieurs semaines, la Deutsche Bank s'est toutefois dite «confiante» dans le fait que la vente de sa participation dans la Hua Xia se fera avant la fin de l'année. Mais ces 4 milliards de dollars paraissent bien peu en regard de l'exposition de la banque dans le secteur des produits dérivés : pas moins de 46 000 milliards de dollars.

Tant que ces positions hautement spéculatives ne sont pas liquidées, tout va bien, mais une simple variation de quelques points de pourcentage de la valeur dite «notionnelle» sur de tels volumes suffirait à effacer la capitalisation boursière de la banque.

Et la capitalisation de la Deutsche Bank ne cesse de fondre. La dégringolade du titre à Francfort est continue depuis le 1er janvier 2016 : la capitalisation est passée de 31 milliards à 15 milliards de dollars. Et comme si la première banque allemande n'était pas déjà assez accablée, il faut aussi prendre en compte l'épée de Damoclès que représente sa condamnation à 14 milliards dollars par le Département de la justice américain et que la banque allemande n'a pas suffisamment provisionnée.

Le système bancaire européen en faillite virtuelle ?

Mais la Deutsche Bank n'est pas la seule à être exposée à des amendes astronomiques, notamment en raison de la non séparation entre les activités de banques de dépôt et banques spéculatives. Les géants bancaires suisse UBS et français BNP Paribas sont exposés à des montants équivalents de l'ordre respectivement de 30 000 et 50 000 milliards de dollars.

Aussi, la «solvabilité» des banques ne tient qu'à de miraculeux tours de passe-passe comptables et à la Banque centrale européenne qui rachète à tours de bras les «actifs pourris», les fameux «bad loans», désignés en français par l'euphémisme de «prêts insolvables», en créant de la monnaie sans aucun collatéral physique tel l'or.

Les tests imposés à 51 banques européennes avaient pour but de tester la résistance des banques en cas d'environnement économique défavorable. En l'espèce, l'Autorité bancaire européenne a simulé un scénario de récession de trois ans en Europe commençant fin 2015, une crise fictive toutefois moins sévère que la crise financière de 2008 qui avait emporté la Lehman Brothers et obligé les Etats à venir à la rescousse des banques et les renflouer avec l'agent des contribuables, transformant ainsi les pertes – privées – des banques, en dette souveraine.

Alexandre Keller

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