Quand un commissaire européen oublie qu'il est aussi président d'une société offshore
- Avec AFP
L'ancien commissaire européen à la Concurrence Neelie Kroes, chargé de surveiller le monde des affaires, a dirigé une société aux Bahamas pendant son mandat, et ce au mépris des règles européennes.
D'après les documents en possession du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung et du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), Neelie Kroes a été directrice de Mint Holdings Ltd., une entreprise offshore établie aux Bahamas, «du 4 juillet 2000 au 1er octobre 2009», révèlent les quotidiens néerlandais Trouw et Het Financieele Dagblad.
Or, Neelie Kroes a été commissaire à la concurrence entre 2004 et 2009 (avant d'être vice-président de la Commission européenne jusqu'en 2014) et le code de conduite de l'Union européenne dispose que «les membres de la Commission ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non».
Les commissaires européens doivent, au début de leur mandat, non seulement renoncer à toutes leurs fonctions de direction mais aussi notifier dans un registre public toutes celles, ayant donné lieu ou non à un paiement, exercées pendant les dix années qui ont précédé leur mandat.
L'ex-ministre néerlandais des Transports assure avoir abandonné en 2002 son poste au sein de Mint Holdings et définitivement rompu les liens avec cette entreprise en 2004, au début de son premier mandat de commissaire européen, rapportent les médias néerlandais.
Officiellement en infraction avec le code de conduite des commissaires européens
L'ancien commissaire «était, selon ses propres dires, un directeur non-exécutif et aurait donné des conseils stratégiques à Mint Holdings, qui voulait acheter des parts dans le géant américain de l'énergie Enron pour six milliards de dollars», précisent les deux quotidiens. Une opération qui aurait, in fine, échoué.
Excellent work @ICIJorg#BahamasLeakshttps://t.co/qepX62rtIn shows need EU legislation, global rules to address tax avoidance, fraud pic.twitter.com/nVfnhkwDQc
— EPSU (@EPSUnions) 22 septembre 2016
«Parce que Mint Holdings n'a jamais été opérationnelle selon elle, elle (Neelie Kroes) n'a jamais fait état de ses fonctions à la direction» de cette firme, poursuivent Trouw et Het Financieele Dagblad, qui publient plusieurs documents dont la source n'a pu être confirmée.
Neelie Kroes a reconnu auprès de ces deux journaux qu'elle avait été «officiellement en infraction avec le code de conduite des commissaires européens». L'équipe de juristes de l'ancien commissaire européen a pour sa part déclaré au Guardian que leur cliente était «d'accord qu'officiellement, elle aurait dû déclarer ses fonctions de directrice».
Ex-EU commissioner was director of offshore Bahamas firm WHILE she worked in Brussels: A… https://t.co/FHFX3WC8nypic.twitter.com/w57GF47mBT
— GoldUpEvent (@goldupevent) 22 septembre 2016
Neelie Kroes assume et acceptera les conséquences de ses actes
«Neelie Kroes informera le président de la Commission européenne de cette omission et en assumera la pleine responsabilité», ont-ils dit au quotidien britannique. Ils ont ajouté que Neelie Kroes pensait que la société Mint Holdings avait été liquidée en 2002 et que, en outre, elle n'y avait reçu aucune rémunération.
Une porte-parole de la Commission a quant à elle déclaré que l'ex-commissaire avait désormais informé les autorités européennes de cette affaire. «Nous allons vérifier et analyser cette information avant de prendre une décision», a-t-elle ajouté.
Neelie Kroes named in Bahamas offshore leakshttps://t.co/iBoJRUTN06
— Peter de Pagter (@Peter_de_Pagter) 22 septembre 2016
via PdP
Neelie Kroes dit assumer l'entière responsabilité de ses actes et en accepter les conséquences, d'après la presse néerlandaise. Actuellement conseillère rémunérée de Bank of America et d'Uber, l'ex-commissaire s'est fait une réputation à Bruxelles, dans le cadre de sa lutte contre les positions dominantes sur les marchés, en s'en prenant à Microsoft ainsi qu'aux groupes énergétiques E.ON et GDF Suez, entre autres.
Au total, quelque 1,3 million de documents d'entreprises aux Bahamas en possession de la Süddeutsche Zeitung et de l'ICIJ ont été rendus publics sous le nom de BahamaLeaks, selon Trouw et Het Financieele Dagblad.