Retraites : l'Etat veut «se servir dans les caisses» de l'Agirc-Arrco, dénoncent des parlementaires
- Avec AFP
Dans une tribune, des députés et sénateurs s’élèvent contre un transfert à l’Urssaf des cotisations de l’Agirc-Arrco. Les détracteurs de la mesure craignent que les fonds des caisses les mieux gérés servent à alimenter les régimes déficitaires.
En refusant d'annuler son projet de transfert des cotisations Agirc-Arrco à la Sécu, le gouvernement choisit de «se servir dans les caisses» du principal régime de retraite complémentaire français, affirment une quinzaine de parlementaires dans une tribune publiée ce 29 octobre sur le site du Journal du Dimanche.
«Persister sur ce projet qui ne présente aucune utilité réelle pour nos concitoyens serait une faute politique majeure», écrivent ces 14 députés et sénateurs, dont les Républicains Bruno Retailleau et Philippe Juvin, la centriste Valérie Létard, le socialiste Jérôme Guedj, mais également une élue du parti présidentiel Renaissance, Nicole Dubré-Chirat.
Les cotisations du privé, bientôt sous le contrôle de l’Etat ?
Tous dénoncent le transfert programmé du recouvrement des cotisations de l'Agirc-Arrco (plus de 87 milliards d'euros cette année, prélevés à 25 millions de salariés du privé et reversés à 13 millions de retraités) à l'Urssaf, qui assure la trésorerie de la Sécurité sociale.
«L’Etat se donne les moyens de s’accaparer le patrimoine de plus de 50 millions de Français et 2 millions d’entreprises», insistent les élus. Des cotisations, auxquelles s’ajoutent les dizaines de milliards de réserves accumulés par ce régime qui, comme le rappellent les signataires de la tribune, «depuis 75 ans […] a toujours été à l’équilibre, sans un euro de dette».
Au-delà des seules cotisations, les provisions constituées par les régimes de retraite excédentaires attisent la convoitise. La crainte, pour ceux qui mettent en garde contre la «captation» par la Sécu des recettes des régimes complémentaires, est que celle-ci soit utilisée pour alimenter des régimes déficitaires.
«Le sujet, c’est de capter les 80 milliards d’euros de ressources annuelles, plus éventuellement les 60 milliards d’euros de réserve de l’Agirc-Arrco. Il n’y a aucun autre argument que celui-là aujourd’hui», affirme auprès de Capital Brigitte Pisa, vice-présidente du conseil d’administration de l’Agirc-Arrco. Pour cette dernière, «on est en train de voler la retraite des Français».
Une mesure dénoncée, de la CGT au Medef
La réforme, votée fin 2019, devait entrer en vigueur début 2023, malgré l'opposition unanime des partenaires sociaux, de la CGT au Medef.
Le gouvernement vient de repousser cette échéance d'un an, par un amendement au budget de la Sécu adopté à la faveur d'un premier 49.3 sur la partie «recettes» du texte, s'évitant ainsi un débat houleux avec des députés qui avaient voté une abrogation pure et simple en commission.
Une esquive qui lui sera impossible au Sénat, où le projet de loi sera examiné à partir de la semaine prochaine. Avec les mêmes arguments : «Source de complexité et d'augmentation des coûts», ce chantier crée «le risque d'erreurs irréversibles dans le calcul des droits à retraite de chacun de nos concitoyens», estiment les signataires de la tribune.
Par ce «nouveau pas vers l'étatisation de la protection sociale», l'Etat fait «le choix de la facilité face au déficit persistant des comptes sociaux», ajoutent-ils, «en se servant de fait dans les caisses d'un régime pourtant bien géré».