Sénégal : polémique autour de la dette publique entre le gouvernement et l’ancien président Macky Sall

Les récentes déclarations de l’ex-président sénégalais, réfutant l’existence d’une «dette cachée», ont suscité la réplique du ministre de l’Économie. Celui-ci a rappelé que certains paiements peuvent être effectués depuis l’étranger sans passer par les institutions nationales. Le FMI doit bientôt donner ses explications.
Lors de sa participation au panel du think tank américain Atlantic Council, le 29 septembre à Washington, Macky Sall a démenti les affirmations du FMI concernant l’existence d’une dette cachée du Sénégal de 7 milliards de dollars, réévaluée à plus de 118 % du produit intérieur brut (PIB). « Impossible de cacher une dette publique. Un non-sens », a affirmé l’ex-président sénégalais, indiquant qu’une telle dissimulation serait impossible au regard des procédures institutionnelles, du contrôle des instances nationales et régionales et des bailleurs internationaux.
« La dette suppose un engagement d’un gouvernement vis-à-vis du bailleur. Il s’agit d’une convention financière sur laquelle l’avis de la Cour suprême est requis. Ensuite, la dette extérieure est libellée en devises. Nous avons une monnaie locale, le CFA. Quand la dette vient, elle passe par la BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest), qui regroupe 8 pays. C’est cette banque qui reçoit l’argent de l’étranger, le convertit et émet de l’argent local (CFA), qu’elle donne au gouvernement du Sénégal », a déclaré Macky Sall.
Il a ensuite interrogé : « Comment cacher tout cela sans la surveillance multilatérale du FMI, qui est permanente, sans que moi-même, président de la République, je ne sois jamais informé ? Comment cela est-il possible sans que la Cour des comptes, l’Assemblée nationale ou encore le ministère des Finances ne soient au courant ? Comment cela est-il possible ? »
Réaction du ministre de l’Économie
La réaction du gouvernement sénégalais n’a pas tardé. Le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, a répliqué sur les réseaux sociaux : « Le Fonds monétaire international expliquera lors de son Conseil d’administration, sur la transmission de données erronées par le Sénégal, comment le cadrage macroéconomique avant et après la découverte se tient, et comment les données peuvent être cohérentes avant et après, sur le plan de leur interprétation. »
Le ministre a ajouté que « des paiements effectués directement à l’étranger ne transitent pas par la banque centrale », expliquant que « des décaissements effectués sur les ressources extérieures, délibérément omis dans les déficits rapportés, ne sont pas dans la dette comptabilisée non plus ». Il a rappelé que « le remboursement de dettes, par contre, est inévitable et nécessairement connu du Trésor qui a fait le service de la dette », ajoutant que « le FMI devra également expliquer à son Conseil d’administration que la dette du Sénégal demeure soutenable, d’où le service qui se faisait sans difficulté, ce qui ramènera le Sénégal sur les marchés ».
Le FMI dans le rôle de l’arbitre
Dans cette affaire, le FMI, qui semble assumer un rôle d’arbitrage, a effectué une mission à Dakar pour discuter du rapport de la Cour des comptes et des perspectives annoncées en août dernier. Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, a déclaré : « L’équipe des services du FMI salue l’engagement des autorités sénégalaises en faveur de la transparence et de la responsabilité budgétaires, à la suite de la divulgation des importantes déclarations erronées qui sont intervenues au cours des dernières années. » Il a fait état de « discussions productives » avec le gouvernement sénégalais portant sur « les mesures correctrices visant à renforcer la transparence de la gestion des finances publiques, à garantir la fiabilité des rapports d’exécution budgétaire et à préserver la viabilité des finances publiques ».
Le FMI devrait communiquer sa position prochainement et apporter de plus amples explications techniques à ses partenaires sur l’évaluation de la dette sénégalaise.