Soudan : le siège d’al-Fashir plonge la population dans la faim et la violence

À al-Fashir, dernier bastion de l’armée soudanaise au Darfour, la population vit sous un siège étouffant imposé par les Forces de soutien rapide (FSR). Une mission d’enquête de l’ONU accuse les paramilitaires de crimes contre l’humanité et d’utiliser la famine comme arme de guerre.
La situation humanitaire à al-Fashir, capitale du Nord-Darfour, continue de se dégrader. Soumise depuis mai 2024 à un siège des Forces de soutien rapide (FSR), la ville est devenue une ligne de front majeure de la guerre qui oppose les paramilitaires à l’armée soudanaise depuis plus de deux ans et demi. Selon l’ONU, près de 500 000 habitants ont déjà fui, mais environ 270 000 personnes restent piégées.
Les témoignages recueillis par l’agence Reuters décrivent un quotidien marqué par les bombardements constants et la peur des postes de contrôle. Dar al-Salam Hamed, réfugiée dans la zone d’al-Dabba sous contrôle gouvernemental, raconte avoir été fouillée avec brutalité et dépouillée par des combattants des FSR lors de son départ. « Nous ne voulons plus jamais croiser leur chemin », confie-t-elle.
Les conditions de survie dans la ville assiégée sont devenues extrêmes. Les prix des denrées de base se sont envolés : un bol de mil coûte plus de 35 dollars et le sucre avoisine 20 dollars la livre. Beaucoup se nourrissent désormais d’« ambaz », un aliment destiné au bétail, devenu rare et six fois plus cher qu’auparavant.
Un rapport onusien accable les FSR
Un rapport de la mission d’enquête des Nations unies a conclu que les FSR « ont commis le crime de guerre consistant à utiliser délibérément la famine comme méthode de combat » et que la privation d’accès à la nourriture, la destruction des hôpitaux et l’entrave à l’aide humanitaire « pourraient constituer un crime contre l’humanité d’extermination ». L’ONU a également dénoncé le recours au viol et aux violences sexuelles comme armes de guerre.
L'armée reprend l'initiative
Malgré l’avancée des FSR autour du quartier général militaire, l’armée a récemment repris l’initiative grâce à une campagne de drones. Ses alliés des Forces conjointes, composées en grande partie de tribus non arabes, accusent les paramilitaires de mener des attaques à caractère ethnique, notamment lors de la prise du camp de déplacés de Zamzam en avril.
Pour briser l’étau, l’armée affirme avoir lancé une vaste offensive terrestre et aérienne dans l’État voisin du Kordofan-Nord. Mais quitter al-Fashir reste presque impossible. Ahmed Haj Ali, qui a payé 1 600 dollars pour fuir avec sa famille, raconte avoir été frappé par des soldats des FSR à un poste de contrôle. « Partir coûte une fortune et beaucoup n’ont pas les moyens. Ceux qui restent derrière sont condamnés à subir la faim, les bombardements et l’humiliation », témoigne-t-il.